(29) "Quand le corps trouvera cette extase-là, cette immensité de lumière et de joie au fond de sa chair comme en haut, il n’aura plus besoin de mourir."

Suite de  l'article :
“Plus l’évolution progresse, plus elle touche des couches profondes.”
  p.354-360
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Tout au fond, par-delà les désordres, la peur, la grande Peur qui préside au fond, on trouve comme une immense Lassitude, quelque chose qui ne veut pas, qui dit NON à toute cette peine de vivre, ce viol de lumière. On sent que si l'on descendait là, au bout de ce Non, on coulerait dans une grande détente de pierre, comme l'extase d'en haut était une grande détente de lumière. La Mort n'est pas le contraire de la Vie! c’est l’envers, ou la porte, du Supraconscient lumineux – tout au bout du Non, il y  a le Oui et encore Oui qui nous pousse et nous repousse dans des corps et des corps, pour la joie. La Mort n’est que le regret de ce Oui-là. La grande Lassitude tout au fond, un simulacre de cette Béatitude. La Mort n’est pas le contraire de la Vie! c’est l’obscure détente du corps qui n’a pas encore trouvé la lumineuse détente de la joie éternelle. Quand le corps trouvera cette extase-là, cette immensité de lumière et de joie au fond de sa chair comme en haut, il n’aura plus besoin de mourir.
Où est le “moi”, le “je” dans tout cela? où “ma” difficulté, “ma” mort, “ma” transformation? le chercheur a percé la minuscule croûte du subconscient personnel, il débouche partout dans le monde; c’est le monde entier qui résiste :
Ce n’est pas nous qui faisons la guerre, c’est tout qui nous fait la guerre! Nous nous croyons séparés, chacun dans un petit sac de peau bien propre, avec un “dedans” et un “dehors”, un individu et une collectivité, comme les dérisoires petites frontières de nos pays, mais tout communique! Il n’est pas une seule perversion, pas une honte au monde, qui n’ait quelque racine en nous, pas une mort dont nous ne soyons complices; nous sommes tous coupables et tous dans le bain, personne n’est sauvé si tout le monde n’est sauvé! Ce n’est pas la difficulté d’un corps, mais la difficulté du Corps, dit la Mère, et encore n’y met-elle pas de majuscule. Sri Aurobindo et la Mère découvraient ainsi matériellement, expérimentalement, l’unité substantielle du monde : on ne peut pas toucher un point sans toucher tous les points, on ne peut pas faire un pas en avant ou en haut sans que le reste du monde, lui aussi, fasse un pas en haut ou en avant. Nous parlions tout à l’heure d’une difficulté “stratégique”; il se pourrait bien que la stratégie divine ne veuille pas qu’un point progresse tout seul sans tous les autres points. C’est pourquoi, il y a six mille ans, les rishis védiques ont échoué. Il n’y a pas de transformation individuelle possible, complète et durable sans un minimum de transformation du monde.

Ainsi s’achève la deuxième phase du travail de transformation. Après avoir travaillé pendant quatorze ans, de 1926 à 1940, d’une façon individuelle concentrée, avec une poignée de disciples triés sur le volet, Sri Aurobindo et la Mère étaient arrivés devant un mur. Dès que la lumière supramentale s’approchait de la terre pour faire la jonction avec la même lumière involuée, des torrents de boue sortaient du subconscient collectif et tout se recouvrait.
Pour aider l’humanité, remarquait Sri Aurobindo, il ne suffit pas qu’un individu, si grand soit-il, arrive individuellement à la solution, parce que, même si la Lumière est prête à descendre, elle ne peut pas rester tant que le plan inférieur, lui aussi, n’est pas prêt à supporter la pression de la Descente. Il est significatif (peut-être plus qu’on le croit) que le point culminant de la deuxième phase du travail de transformation ait coïncidé avec le début de la deuxième guerre mondiale. Quand la pression de la Lumière descend dans un seul corps parmi les hommes, le corps du monde, lui aussi, se met à rougeoyer. Que savons-nous, vraiment, du bien du monde, ou de son mal?
Devant les résistances collectives, Sri Aurobindo et la Mère avaient hésité un moment; ils s’étaient demandé s’ils ne pourraient pas se couper du reste du monde et progresser tout seuls en pointe, avec quelques disciples, opérer la transformation, puis revenir à un travail collectif afin que la transformation accomplie en eux-mêmes, ou partiellement accomplie, fasse tache d’huile sur le reste de la terre (c’est cette idée qui a poussé  tant de groupements spirituels, occultes, chevaleresques ou autres, à se choisir un lieu secret, à l’écart du monde, pour faire leur travail à l’abri du pourrissement des vibrations collectives); mais ils s’aperçurent que c’était une illusion et qu’après, l’abîme, ou comme dit Sri Aurobindo,
le gouffre atmosphérique, serait trop immense entre la réalisation nouvelle et le vieux monde, pour pouvoir jamais être comblé. Et que sert une réussite individuelle si elle n’est pas transmissible au reste du monde? nous serons comme le roi d’Andersen dont nous parlions tout à l’heure. Si un être supramental apparaissait brusquement sur la terre, personne ne le verrait! Il faut d’abord que nos yeux s’ouvrent à un autre mode de vie. Si vous avancez sur le chemin qui est prêt, dit la Mère, (car il en est des chemins comme des êtres, certains sont prêts) sans avoir la patience d’attendre le reste de la création, c’est-à-dire si vous réalisez quelque chose qui soit très proche de la Vérité par rapport à l’état actuel du monde, que se produira-t-il? la dislocation d’un certain ensemble, une rupture, non seulement d’harmonie mais d’équilibre, parce qu’il y aura toute une partie de la création qui ne pourra pas suivre. Et au lieu d’une réalisation totale du Divin, on aura une petite réalisation locale, infinitésimale, et rien ne sera fait de ce qui doit finalement être fait. En outre, souligne la Mère, si l’on veut faire le travail d’une façon solitaire, il est absolument impossible de le faire d’une façon totale, parce que tout être physique, si complet soit-il, même s’il est d’une qualité tout à fait supérieure, même s’il a été produit pour une œuvre tout à fait spéciale, n’est jamais que partiel et limité. Il ne représente qu’une vérité, une loi dans le monde – ce peut être une loi très complexe, mais ce n’est jamais qu’une loi – et la totalité de la transformation ne peut pas se faire à travers lui seul, à travers un seul corps... On peut atteindre, solitaire, à sa propre perfection; on peut devenir, dans sa conscience, infini et parfait. La réalisation intérieure n’a pas de limites. Mais la réalisation extérieure, par contre, est nécessairement limitée, de sorte que si l’on veut avoir une action générale, il faut au moins un minimum de personnes physiques.
Après quatorze années de concentration individuelle, en 1940, Sri Aurobindo et la Mère ouvraient toutes grandes les portes de leur Ashram. Ainsi commence la troisième phase de la transformation, qui continue encore, une phase d’expansion et de travail terrestre.

SRI AUROBINDO ou l’aventure de la conscience         Satprem     p.360-363



Source de ces extraits de L’aventure de la conscience
   http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o#.Vu0saq5livc

   Anne

votre Réalité Divine

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