(10) Il y a évolution, une évolution de la conscience derrière l'évolution des espèces...

Ce qu'on appelle communément la réincarnation n'est pas particulier à l'enseignement de Sri Aurobindo; toutes les sagesses anciennes en ont parlé, de l'Extrême-Orient à l'Égypte et aux néoplatoniciens*, mais Sri Aurobindo lui donne un sens nouveau; car dès l'instant où l'on sort de la petite vision momentanée d'une vie unique coupée par la mort, deux attitudes sont possibles, ou bien l'on peut penser, avec les spiritualistes exclusifs, que toutes ces vies sont une chaîne douloureuse et futile dont il importe de se libérer au plus tôt pour se reposer en Dieu, en Brahman ou en quelque Nirvana; ou bien l'on peut croire avec Sri Aurobindo - une croyance qui repose sur une expérience - que l'ensemble de ces vies représente une croissance de conscience qui culmine dans un accomplissement terrestre; autrement dit, qu'il y a évolution, une évolution de la conscience derrière l'évolution des espèces, et que cette évolution spirituelle doit aboutir à une réalisation individuelle et collective sur la terre. On peut se demander pourquoi les spiritualistes traditionnels, pourtant sages éclairés, n'ont pas vu cette réalisation terrestre? Tout d'abord, il s'agit des spiritualistes relativement modernes, car le Véda (dont Sri Aurobindo a retrouvé le secret) et peut-être d'autres traditions encore mal déchiffrées, attestent du contraire; il semblerait bien, à cet égard, que la spiritualité de notre époque historique soit marquée par un obscurcissement de conscience parallèle à son développement mental. Ensuite, il serait bien surprenant que les spiritualistes puissent arriver à des conclusions différentes de leurs prémisses; partis de l'idée que le monde terrestre est une illusion ou un royaume intermédiaire plus ou moins livré à la chair et au diable, ils ne pouvaient arriver que là où leurs prémisses les conduisaient : c'est hors du monde qu'ils ont naturellement cherché la libération ou le salut. Au lieu d'explorer patiemment toutes les ressources humaines, mentales, vitales, physiques et psychiques, pour les délivrer de leur gangue et les élargir, en un mot les diviniser, comme l'ont fait les sages védiques et, peut-être, ceux de tous les anciens Mystères, sans parler de Sri Aurobindo, ils ont tout rejeté et voulu sauter directement du mental pur à l'Esprit pur, alors, naturellement, ils ne pouvaient pas voir ce qu'ils refusaient de voir. Les matérialistes aussi ont fait la même impasse, à l'envers; ils ont exploré un petit bout de réalité physique et rejeté tout le reste; partis de l'idée que seule la matière est réelle et tout le reste une hallucination, ils ne pouvaient aboutir que là où leurs prémisses les conduisaient. Mais si nous parlons tout simplement, sans préjugés, comme l'a fait Sri Aurobindo, armé d'une vérité ouverte et d'une confiance intégrale en les possibilités intégrales de l'homme, nous aurons peut-être une chance d'arriver à une connaissance intégrale et donc à une vie intégrale.

Envisagée du point de vue d'une évolution de la conscience, la réincarnation cesse d'être la ronde futile que d'aucuns y ont vu, ou l'extravagance imaginative que d'autres en ont fait. Avec une clarté toute occidentale, Sri Aurobindo nous débarrasse du roman feuilleton spirituel, comme dit la Mère, où tant de connaissances sérieuses ont dégénéré depuis la fin de l'âge des Mystères, et il nous invite à une expérimentation, non pas extra-lucide, mais lucide tout simplement. Il ne s'agit pas de "croire" en la réincarnation, mais d'en avoir l'expérience et d'abord, de savoir dans quelles conditions l'expérience est possible. Voilà une question pratique qui intéresse notre développement intégral à travers le temps. Or, ce n'est pas la petite personnalité frontale qui se réincarne, quitte à décevoir ceux qui se voient immortellement M. Dupont, en braies gauloises, puis en culottes de satin, puis en pantalon synthétique - ce qui serait d'ailleurs lassant. Le sens de la réincarnation est à la fois plus profond et plus vaste. Toute la façade se désintègre à la mort; l'ensemble des vibrations mentales qui se sont amalgamées autour de nous par leur habituelle répétition et qui forment notre ego mental, ou corps mental, se désintègre et retourne au Mental universel; de même les vibrations vitales qui forment notre ego vital, ou corps vital, se désintègrent dans le Vital universel, comme le corps physique se désintègre en ses composants naturels dans la Matière universelle. Seul le psychique demeure; il est éternel, nous l'avons vu. Notre expérience de la réincarnation dépendra donc de la découverte du Centre et Maître psychique, qui emmène ses souvenirs d'une vie à l'autre, et du degré de développement de notre psychique. Et si notre psychique est resté enfoui toute la vie sous nos activités mentales, vitales et physiques, il n'a pas de souvenirs à emporter - il revient et revient encore, précisément pour émerger à la surface de notre être et devenir ouvertement conscient. Pour se souvenir, il faut d'abord cesser d'être amnésique, c'est évident. On peut donc à peine parler de réincarnation en dessous d'un certain stade de développement, car que sert de dire que le psychique se réincarne, s'il n'est pas conscient? Cette prise de conscience est le sens même de l'évolution.

Pendant des vies et des vies, le psychique grandit silencieusement derrière la personnalité frontale, il grandit à travers les mille sensations de notre corps, les mille chocs de nos sentiments, les innombrables pensées que nous remuons, il pousse à travers nos élans et nos chutes, nos souffrances et nos joies, notre bien et notre mal : ce sont ses antennes pour palper le monde; et quand cet amalgame extérieur se dissout, il emmène seulement l'essence de toutes ses expériences, certaines tendances générales qui se sont accusées davantage et qui sont le premier embryon de la personnalité psychique* derrière la personnalité frontale; il emporte certaines conséquences de la vie écoulée, qui tend à se perpétuer (ce que l'on appelle karma en Inde); certaines empreintes qui se traduiront dans une autre vie par des prédispositions spéciales, des difficultés particulières, des goûts innés, des hantises inexplicables, des attractions irrésistibles, et, parfois, certaines circonstances qui se répéteront presque mécaniquement comme pour nous mettre en face d'un même problème à résoudre. Chaque vie représente donc un type d'expérience (nous croyons faire beaucoup d'expériences, mais c'est toujours la même) et c'est par l'accumulation d'innombrables types d'expérience, que, lentement, le psychique acquiert une individualité de plus en plus forte, de plus en plus consciente et de plus en plus vaste, comme s'il ne commençait à être vraiment que quand il a parcouru toute la gamme des expériences humaines. Et plus il grandira, plus la conscience-force s'individualisera en nous, plus la tension psychique croîtra, poussera, jusqu'au jour où il n'aura plus besoin de sa chrysalide frontale et jaillira au grand jour. Alors il pourra prendre conscience directement du monde autour; il sera le maître de la nature au lieu d'être son prisonnier endormi; la conscience sera maîtresse de sa force au lieu d'être engluée dans la force. Le yoga, exactement, est le point de notre développement où nous passons des interminables méandres de l'évolution naturelle à une évolution consciente et dirigée : c'est un processus d'évolution concentrée.

(...)

A la découverte psychique doit donc succéder ce que nous pourrions appeler, d'une façon imagée, "la colonisation psychique", ou, plus sobrement, l'intégration psychique. La psychologie contemporaine aussi parle d'intégration, mais on se demande autour de quoi elle veut intégrer? Pour intégrer, il faut un centre. Intégrer autour des soubresauts de l'ego mental ou vital? autant amarrer un bateau à la queue d'une anguille. Patiemment, lentement, après avoir découvert le royaume intérieur, psychique, il faudra coloniser et y adjoindre le royaume extérieur, il faudra que toutes nos activités mentales, vitales et même, nous le verrons, toute notre nature physique, si nous voulons une réalisation terrestre, viennent s'intégrer autour de ce nouveau centre. C'est à cette condition seulement qu'elles survivront : seules les activités qui se sont "psychisées", si l'on ose dire, participent à l'immortalité psychique. Tout ce qui se passe en dehors du psychique, se passe en dehors de nous, vraiment, et n'a plus de durée que celle du corps.

(...)

La réalisation psychique ou découverte de l'âme n'est donc pas une fin pour le chercheur, c'est le tout petit commencement seulement d'un autre voyage qui s'accomplit dans la conscience au lieu de l'ignorance - dans une conscience de plus en plus vaste, car plus l'être psychique grandit et s'associe à nos activités mondaines, plus ses souvenirs mentaux, vitaux et physiques deviennent clairs, précis, continus d'une vie à l'autre - alors nous commençons à comprendre ce qu'est l'immortalité -, plus ses naissances aussi deviennent concertées, voulues, efficaces. Nous sommes libres, nous sommes éveillés pour toujours. La mort n'est plus ce masque grimaçant qui nous rappelle que nous ne nous sommes pas trouvés, mais un passage tranquille d'un mode d'expérience à un autre mode d'expérience; nous avons saisi une fois pour toutes le fil de la conscience et nous passons ici et là comme d'un pays à l'autre et encore à la vieille terre, jusqu'au jour où, peut-être, comme l'annonce Sri Aurobindo, nous aurons assez grandi, non seulement pour assurer la continuité de notre existence mentale et vitale, mais pour infuser assez de conscience dans ce corps afin qu'il participe, lui aussi, à l'immortalité psychique. Car tout, toujours, est une question de conscience, pour notre vie mentale, vitale et physique, comme pour notre sommeil et notre mort et notre immortalité. La conscience est le moyen, la conscience est la clef, la conscience est la fin.

SRI AUROBINDO  L'aventure de la conscience    Satprem   (p.110-120)

* Il est curieux de noter que les Pères de l'Église, au concile d'Alexandrie, s'étaient aussi demandé s'ils devaient admettre la réincarnation.

* La personnalité psychique ou personnalité vraie exprime le destin unique de chaque être (peut-être devrions-nous dire l'angle unique), derrière ses revêtements culturels, sociaux ou religieux. Ainsi, tel individu pourra être successivement navigateur, musicien ou révolutionnaire, chrétien, musulman ou athée, mais chaque fois, il exprimera un même angle d'amour, par exemple, ou de pouvoir conquérant, ou de joie, de pureté, qui donnera une teinte spéciale à tout ce qu'il entreprend, et chaque fois cet angle ira se précisant, s'épurant, s'élargissant.

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Commentaire de Anne le 19 Septembre 2013 à 11:24

Je rappelle que Sri Aurobindo donne le nom de "Centre psychique" à l'Âme :

voir article (9)  L'Âme consciente, "Centre psychique", n'a besoin de rien pour être. Elle est Amour.

                      http://epanews.fr/profiles/blogs/9-le-centre-psychique-l-me-conscie...

Commentaire de Anne le 13 décembre 2012 à 18:41

Nous sommes de plus en plus conscient(e )s, et accédons mieux aux autres dimensions - et peut-être davantage entre ces 12 et 21... 

Rien d'étonnant, Nathie, puisque tu es connectée à ton âme... 

"Transmutation" dis-tu, tu as bien raison. Le pouvoir de nos consciences s'accentue... allant de pair avec celui de l'Amour...

Commentaire de Anne le 12 décembre 2012 à 12:47

Voici le résumé de la démarche de Sri Aurobindo, dans les 5 premiers articles.

Et si vous êtes intéressés, une discussion parmi d'autres est ouverte dans le groupe : La Conscience d'Être.

http://epanews.fr/group/la-conscience-d-etre?commentId=2485226%3ACo...

article (1)

Le vide mental établit une paix intérieure.

On sent un courant, une vibration qui parcourt tout le corps. C'est une énergie qui vient d'en haut, de la Source, de l'Esprit.

Notre être s'emplit de force. Cette force devient un outil pour notre transformation.

Vient un moment où on découvre le Témoin, cette vibration de silence qui devient le maître intérieur en créant l'action juste du moment présent.

         (2)

Le Silence mental rend l'être transparent, sans protection : il devient plus sensible aux agressions extérieures. Mais la Force intérieure devient sa protection et lui permet de rejeter les pensées, qui viennent du dehors, du Mental universel. Et sa conscience s'élargit. Il devient maître du silence et du monde mental.

          (3)

On ressent simultanément deux parties distinctes dans la conscience : la partie active "l'usine à pensées" et la partie réservée, Témoin et Volonté qui observe, ajuste.

Récit de la première expérience de Sri Aurobindo.

L'être découvre que lorsqu'il sort de sa "coquille mentale", tout est possible et son action devient clairvoyante, dans un climat de paix.

(cette même liberté de l'être, de la Conscience, est démontrée par Gregg Braden, à partir d'expériences de la Science quantique)

        (4) 

Les centres de conscience, les chakras, émettent toute une gamme de vibrations qui semblent s'irradier à différentes hauteurs de notre être.

Le mental n'est qu'un de ces centres, un type de vibration.

Ces sept centres sont répartis en quatre zones :

 - Le Supraconscient

 - Le Mental

 - Le Vital

 - Le physique et le Subconscient

Avec la Force descendante, nous n'affrontons les centres du bas qu'après avoir déjà solidement établi notre être dans la Lumière d'en haut, supraconsciente.

  "Si nous disons "je pense donc je suis" ou je sens donc je suis, ou je veux donc je suis, nous sommes un peu comme l'enfant qui s'imagine que le speaker ou l'orchestre sont cachés dans la boîte à musique et que la radio est un organe pensant. Parce que tous ces je ne sont pas nous, ou à nous, et que leur musique est universelle."               

          (5)

Dès les premières expériences, le courant de la Conscience est ressenti comme une Force (Agni, énergie) : c'est la substance fondamentale de l'Univers et de toutes choses.

La Matière est de l'Énergie condensée. "Quand nous aurons trouvé ce Secret, la conscience dans la force, nous aurons la vraie maîtrise des énergies matérielles - une maîtrise directe. Mais nous ne faisons que redécouvrir de très anciennes vérités..."

 "L'histoire de notre évolution terrestre, finalement, est l'histoire d'une lente conversion de la Force en Conscience, ou, plus exactement, un lent rappel à la mémoire de soi, de cette Conscience engloutie dans sa Force."

 "alors nous vérifions tangiblement que la conscience est une force, une substance, que l'on peut manipuler comme d'autres manipulent des oxydes ou des champs électriques..."

 " Si nous n'avions pas fait des milliers d'expériences prouvant que le Pouvoir dedans peut modifier le mental, développer ses capacités, en ajouter de nouvelles, découvrir de nouvelles strates de conscience, maîtriser les mouvements du vital, changer le caractère, influencer les hommes et les choses, avoir de l'autorité sur le fonctionnement et l'état du corps, modifier les événements... nous n'en parlerions pas comme nous le faisons."

 Et on découvre que la Conscience-Force est Joie, Ananda...

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