L' Assomption radicale - Texte de Mounir Hafez

Je crois que l'homme est le lieu d'une Assomption radicale, d'un enlèvement à lui-même, d'un rapt radical, définitif, qui le distingue de la condition humaine qu'il assume néanmoins.
Il s'agira, comme pour l'Alchimie, de séparer pour unir, de distinguer pour parvenir à une conjonction ou en tout cas à une coïncidence, à une coexistence consentie.

Qu'est-ce que c'est un abîme? C'est quelque chose dont le fond s'éloigne continuellement. Je disais perdre pied, c'est prendre fond. Mais plus précisément, je crois que le sens de cette Expérience, avec un E majuscule, c'est de se trouver et de s'établir et de se maintenir dans la proximité de ce qui s'éloigne.

La vie intérieure, la vie spirituelle laisse comme trace dans l'âme, dans le cœur, cette notion d'être dans la proximité de ce qui en même temps s'éloigne, comme l'abîme. L'abîme, c'est quelque chose qui s'éloigne, mais dans la proximité duquel je me trouve. Et, c'est le Fondement, ça. Le Fondement, c'est un mouvement de proximité, d'approche perpétuelle de quelque chose qui perpétuellement se dérobe à moi. L'Etre ou Dieu lui-même vit naturellement la même expérience, le même mouvement, le même trajet, le même parcours, il joue la même partie. C'est-à-dire, c'est son éloignement qui est sa proximité.

Que j'appelle une Assomption radicale de l'homme en Lui-même, à Lui-même. Assomption, c'est-à-dire enlèvement de l’homme à lui-même, pour le poser en Lui-même. 
Il faut faire attention de ne pas croire que ce que je vous dis est le produit d'une culture. C'est le produit d'une Expérience. Expérience, qui demeure comme en marge de l'expérience, mais qui est une Expérience. 

Il y a donc un travail de séparation. Comme dans l'Alchimie, la grande chose c'est de commencer par pulvériser le minéral, la matière première, la rendre très, très fine pour qu'on la passe par le tamis. Tamiser, casser un peu les enveloppes de nos émotions. Essayer de comprendre un peu la nature de ce flux ininterrompu psycho-mental des pensées.

On demandera au Maître Zen "Mais, qui vit cette expérience?" Il répond "Elle est vécue par l’homme ordinaire". Et effectivement, chaque homme vit cette Expérience, même s'il ne le sait pas, à son insu que cette partie se joue.
La grande différence qui s'est fait au cours des civilisations et du temps, c'est qu'on nous demande, comme dans l'économie politique, de participer à l'affaire. On nous demande une participation à Dieu, une participation au cosmos. Après Maître Eckhart, les mystiques, Angelus Silesius, diront "Dieu ne peut rien sans moi". Il faut comprendre ça, il y a une participation. 
"Libérer l'homme", lui faire vivre cette proximité dans l'éloignement, c'est permettre en même temps de libérer le cosmos. La matière se libère si on libère l'homme.
Vous connaissez l'adage célèbre de l'Alchimie: la pierre, le minéral, la matière brute dit à l’homme "Libère-moi, délivre-moi et je te délivrerai". Je dis aujourd'hui: c'est l'inverse, l'homme dit au cosmos, à la matière "Délivre-moi et je te délivrerai"

Car je crois que le cosmos, comme la conscience humaine, si elle n'est pas repêchée, si elle n'a pas subi cette Assomption, elle retombe. La matière cosmique retombe dans la matière primordiale. 
Cette matière primordiale des anciens, qu'est-ce que vous croyez qu'on veut désigner par ça ? C'est une réalité métaphysique, c'est un Vide premier, le même vide qu'aujourd'hui la physique connaît.
La conscience humaine, telle que vous la vivez, telle que vous la croyez, que vous la percevez, qui est l'aboutissement des perceptions, cette conscience laissée à elle-même, laissée engagée dans le circuit cosmique, elle retombe dans la matière cosmique, elle retombe dans la nature. Un homme laissé à lui-même, en même temps qu'à son insu il fait cette expérience, il retombe dans la matière, tout simplement.

Il y a des intervalles, des interstices dans cette continuité infernale des tourbillons psycho-mentaux. Des moments de silence, de quiétude, des moments de coupures, comme des coupures de courant, on tombe dans un fameux silence et dans un vide. 
Un vide, qui est la même chose que ce qu'on appelle la plénitude. On entre dans un état où afflue une énergie qui ne se dissipe pas, qui ne se dissipe pas dans le flux psycho-mental des tourbillons des idées, des mémoires. 
Une énergie qui ne se perd pas, ne se dilapide pas, ne se disperse pas dans les hérédités récessives, pourrait-on dire. Vous avez des forces héréditaires qui viennent, il ne faut pas les nier, qui sont comme une récession. Comme un frein qui vient enrichir le flux de pensée, le flux de l'émotion que nous ne pouvons pas arriver à contenir.
Il faut reconnaître que ces énergies, ces mouvements intérieurs continuels alimentent l'ego. L'ego s'ennuie tout seul, il faut continuellement quelque chose qui l'excite, qui l'intéresse, qui le fait vivre, il veut avoir de plus en plus de quoi vivre. "Je veux avoir de quoi vivre", qu'est-ce que c'est "de quoi vivre" ? Eh bien, jouir. Ces mouvements intérieurs, ces tourbillons sont enregistrés dans la mémoire, mais ce sont des forces latentes, ce sont des latences qui demeurent cachées, qui cherchent à s'actualiser, mais qui n'ont pas la force de s'actualiser totalement, et qui restent donc, qui reviennent, qui retombent dans leur virtualité, sans avoir la force de s'actualiser.

La réalité intérieure, c'est le Vide. Ca c'est une chose. Par ailleurs, lorsqu'on est saisi par cet état de Vide, qui est un état..., qui est un état de Présence. Pourquoi ? Parce que l'état de vide met à découvert, découvre en soi de nouveaux espaces, ou un autre espace, et chaque fois qu'un autre espace est mis à découvert, il fait signe à une présence qu'on appellera très souvent l'Ange. Il fait naître l'au-delà de cet espace. De même que toutes les religions pointent, non par vers l'exécution soumise des préceptes, mais pointent vers l'au-delà de la religion. Toute pensée pointe vers un au-delà de la pensée, et tout bonheur pointe vers un au-delà de ce bonheur, vers un autrement de ce bonheur.

L’homme libéré qui arrive à se penser en-dehors de lui-même, modifie la matière, l'univers, le fonctionnement du processus.

Je privilège l'expérience centrale, qui est l'Assomption, l'enlèvement de l’homme à sa condition d'homme. Et ensuite le retour dans la condition humaine. Donc, il n'y a pas à privilégier l'une ou l'autre, il y a une Expérience qui est la seule, fondamentale.

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