(25) "C’est la conscience elle-même qui, par sa propre mutation, imposera et opérera toute mutation nécessaire au corps. "

Autant les résultats seront voyants, autant le travail est modeste, humble, patient, comme celui du savant devant ses bouillons de culture : un travail microscopique dit la Mère. Car il ne s’agit pas de fabriquer des miracles fugitifs, mais d’établir une base physique nouvelle en délivrant chaque atome, chaque cellule de la conscience-force qu’elle contient. On pourrait donc penser que ce travail sur le corps implique l’usage de méthodes psycho-physiques, un peu comme celles du hatha yoga, mais il n’en est rien. C’est la conscience qui reste le levier central : Le changement de conscience est le facteur principal, le mouvement premier; la modification physique est un facteur subordonné, une conséquence. Et Sri Aurobindo nous met devant la simple vérité avec son habituelle clarté : Au cours des étapes précédentes de l’évolution, le premier soin et le premier effort de la Nature devaient nécessairement porter sur un changement dans l’organisation physique, car c’est ainsi seulement que pouvait se produire un changement de conscience; cet ordre était nécessaire parce que la conscience en voie de formation n’était pas assez forte pour effectuer un changement dans le corps. Mais avec l’homme, il devient possible de renverser l’ordre des opérations, c’est même inévitable : c’est par sa conscience et la transmutation de sa conscience, et non plus par l’entremise de quelque organisme corporel nouveau, que l’évolution peut et doit s’effectuer. Dans la réalité intérieure des choses, le changement de conscience a toujours été le fait majeur; l’évolution a toujours eu un sens spirituel et le changement physique ne faisait que servir d’instrument, mais cette relation se trouvait cachée au début par l’équilibre anormal des deux facteurs, le corps de l’Inconscience extérieure l’emportant sur l’élément spirituel ou l’être conscient et le voilant. Mais dès que cet équilibre est rétabli, ce n’est plus le changement du corps qui doit précéder le changement de conscience, c’est la conscience elle-même qui, par sa propre mutation, imposera et opérera toute mutation nécessaire au corps.
(...) En présence du pouvoir nouveau, supramental, qu’ils avaient découvert, Sri Aurobindo et la Mère se livrent tout d’abord à une série d’expériences sur leur propre corps - “vérifier” est l’un des mots importants du vocabulaire de Sri Aurobindo, comme le mot “expérimenter” : J’ai expérimenté jour et nuit pendant des années et des années, plus scrupuleusement qu’un savant ne vérifie sa théorie ou sa méthode sur le plan physique. Dans cette énorme masse d’expériences, dont on retrouve des traces partout dans la correspondance et les œuvres de Sri Aurobindo, nous pourrions choisir quatre faits symboliques illustrant le pouvoir de la conscience et les “vérifications” de Sri Aurobindo, en soulignant bien qu’il s’agit là de détails parmi des centaines d’autres et que ni Sri Aurobindo ni la Mère n’y attachaient une importance particulière; nous devons seulement au hasard de conversations ou de lettres d’avoir jamais connu leur existence. Tout d’abord, à peine arrivé à Pondichéry, Sri Aurobindo entreprend un jeûne prolongé, “pour voir”; quelques années après, comme un disciple lui demandait s’il était possible de se passer de nourriture, il lui fut répondu ceci : Oui, certainement. J’ai jeûné pendant vingt-trois jours, ou plus, à mon arrivée ici, et j’avais presque résolu le problème. Je pouvais marcher huit heures par jour comme d’habitude, je continuais mon travail mental et ma discipline habituelle et m’aperçus qu’à la fin des vingt-trois jours, je n’étais pas plus faible qu’au début. Mais la chair commençait à diminuer et je ne trouvai pas d’indice pour remédier à cette réduction de matière. Quand je rompis le jeûne, je ne suivis pas, non plus, les règles habituelles en commençant par une nourriture légère comme le font ceux qui jeûnent longtemps. Je commençai par la même quantité qu’avant... J’avais déjà essayé de jeûner une fois, en prison, mais pendant dix jours seulement (à ce moment-là aussi, j’avais l’habitude de dormir une nuit sur trois) et j’ai perdu dix livres, mais je me sentais plus solide à la fin des dix jours qu’au début. Je pouvais soulever un baquet d’eau au-dessus de ma tête, ce que je ne pouvais pas faire normalement. Un autre fait remonte à la prison d’Alipore : J’étais concentré et mon mental se demandait si des capacités comme la lévitation étaient possibles, lorsque, soudain, je me trouvai soulevé... Je n’aurais pas pu garder mon corps comme cela normalement, même si je l’avais voulu, et je m’aperçus qu’il restait suspendu sans le moindre effort de ma part. Une autre fois, Sri Aurobindo fait acheter une importante quantité d’opium au bazar de Pondichéry, assez pour anéantir plusieurs personnes, et l’absorbe incontinent, sans en souffrir, pour vérifier le contrôle de la conscience. Nous devons un quatrième fait à l’impatience d’un disciple qui se plaignait de n’avoir pas assez vite de réponse à ses lettres : Vous ne réalisez pas, lui répondit Sri Aurobindo, que je passe douze heures par jour à la correspondance ordinaire. Je travaille trois heures l’après-midi et toute la nuit jusqu’à six heures du matin... Même le cœur de pierre d’un disciple pourrait être sensible.
Sommeil, nourriture, pesanteur; causes et effets; Sri Aurobindo vérifiait une à une toutes les soi-disant lois naturelles, pour s’apercevoir qu’elles ne tiennent que dans la mesure où nous croyons qu’elles nous tiennent; si l’on change de conscience, le “sillon” change aussi. Toutes nos lois sont seulement des “habitudes” :

Les habitudes invariables de la Nature qui singent la Loi

dit Savitri, car il n’y a qu’une Loi vraie, celle de l’Esprit, qui peut modifier toutes les habitudes inférieures de la Nature : Il les a faites, Il peut les dépasser; mais il faut d’abord ouvrir les portes de notre prison et apprendre à vivre moins dans la Nature que dans l’Esprit. Sri Aurobindo n’a pas de recettes miraculeuses, pas de trucs fantastiques; tout du long, son yoga repose sur une double certitude très simple, la certitude de l’Esprit qui est en nous, et la certitude de la manifestation terrestre de l’Esprit – c’est le seul levier, le vrai levier de son travail : En chaque homme, Dieu habite; le rendre manifeste est le but de la vie divine. Cela, nous pouvons tous le faire. Certain disciple ayant protesté qu’il était bien facile pour des êtres exceptionnels comme Sri Aurobindo et la Mère de défier les lois naturelles, tandis que les pauvres bougres d’hommes disposaient seulement de leurs moyens ordinaires, Sri Aurobindo s’était élevé très énergiquement : Ma discipline spirituelle n’est pas un tour de force, ni une monstruosité, ni un miracle en dehors des lois de la Nature et des conditions de la vie ou des conditions de la conscience terrestre. Si j’ai pu parvenir à tel ou tel résultat ou s’ils peuvent se produire dans mon yoga, cela veut dire qu’ils sont possibles et, par conséquent, que ces développements et ces transformations sont possibles dans la conscience terrestre... Je n’avais pas d’inclination pour la spiritualité, je suis devenu spirituel. J’étais incapable de comprendre la métaphysique, je suis devenu philosophe. Je n’avais pas d’yeux pour la peinture, ces yeux se sont ouverts par le yoga. J’ai transformé ma nature de ce qu’elle était en ce qu’elle n’était pas. Je l’ai fait d’une manière spéciale, pas par miracle, et je l’ai fait pour montrer ce qu’on pouvait faire et comment on pouvait le faire. Je ne l’ai pas fait par besoin personnel ni par un miracle sans processus. Et je dis que s’il en était autrement, mon yoga serait inutile et ma vie une erreur – un absurde tour de force de la Nature sans signification et sans conséquence. Pour Sri Aurobindo, la vraie clef est de comprendre que l’Esprit n’est pas le contraire de la vie, mais la plénitude de la vie, que la réalisation intérieure est le secret de la réalisation extérieure.

Le ciel n’annule pas la terre, il l’accomplit.

Quand l’humanité aura saisi ce simple levier, qu’elle se sera délivrée de son habitude millénaire de séquestrer l’Esprit au ciel et de croire en la mort, croire en ses lois, croire en ses petitesses, nous serons saufs et prêts pour la vie divine. C’est cela que Sri Aurobindo est venu nous démontrer, avant toute chose, le
fait qu’il n’est pas besoin de courir au ciel pour trouver l’Esprit, le fait que nous sommes libres, le fait que nous sommes plus forts que toutes les lois, parce que Dieu est en nous. Croire, simplement cela. Parce que c’est la foi qui précipite la féerie du monde. Ce qui m’a sauvé d’un bout à l’autre, c’est un équilibre parfait. D’abord, je croyais que rien n’était impossible et, en même temps, je pouvais tout mettre en question. Comme on le pressait, un jour, de reprendre sa lutte politique, Sri Aurobindo répondit promptement : Il ne s’agit pas de se révolter contre le gouvernement britannique – n’importe qui peut faire cela aisément – mais de se révolter contre la Nature universelle tout entière.
Pendant cette première phase, les disciples, peu nombreux (ils étaient une quinzaine), s’accordent à dire l’atmosphère très particulière, hautement concentrée, qui régnait alors. Ils avaient de merveilleuses expériences comme en se jouant, des manifestations divines se produisaient, les lois naturelles semblaient céder un peu; c’est-à-dire que le voile entre le monde physique et les autres plans de conscience devenait très mince et les êtres qu’on appelle dieux, ou les forces du surmental, pouvaient se manifester, agir sur les lois et provoquer ce que l’on appelle des miracles. Si les choses avaient continué de ce train, Sri Aurobindo et la Mère étaient en bonne voie de fonder une religion nouvelle, et l’Ashram de devenir un de ces nouveaux “hauts lieux” où les parfums spirituels recouvrent des odeurs plus modestes. (...) Et ce n’est pas le succès que nous voulons; nous voulons établir le supramental sur la terre, créer un monde nouveau. (...)
Ce fut la fin de la première phase. Sri Aurobindo et la Mère avaient vérifié le pouvoir de la conscience et ils s’étaient aperçus que les “miracles avec un processus”, ou l’intervention des pouvoirs supérieurs de la conscience, ne font que dorer la pilule sans toucher à l’essence. Ils sont vains du point de vue de la transformation du monde. Le vrai problème, la vraie chose comme dit la Mère, n’est pas de modifier du dehors la Matière, par des interventions fugitives dites surnaturelles, mais de la modifier du dedans, durablement; d’établir une base physique nouvelle. Déjà nous avons connu assez de hauts lieux dans le passé, ils ont tous fait faillite; nous avons assez vécu sous le signe des dieux et des religions : Je n’ai pas l’intention de donner ma sanction à une nouvelle édition du vieux fiasco et de permettre une ouverture spirituelle intérieure, partielle et passagère, sans un changement vrai et radical dans la loi de la nature extérieure. (...) Ce qu’il faut, ce n’est pas un monde amélioré, mais un monde nouveau, pas une atmosphère “hautement concentrée”, mais bassement concentrée, si l’on ose dire. Et que tout ici-bas soit le Haut-Lieu. (...) Les disciples n’eurent pas besoin d’apprendre que le yoga se ferait désormais “dans le subconscient et dans l’Inconscient” ; ils dégringolèrent tous de leurs splendides expériences pour se mesurer avec des réalités beaucoup plus dures. Ainsi s’ouvrit la deuxième phase du travail de transformation.

SRI AUROBINDO ou l’aventure de la conscience              Satprem     p. 329-336


Source de ces extraits de L’aventure de la conscience

   http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o#.Vu0saq5livc

   Anne

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Commentaire de Anne le 15 Mars 2016 à 20:57

Merci France, pour cette info.

Se nourrir de Lumière demande un niveau vibratoire très élevé! Sri Aurobindo est un bon guide pour cela. 

J'ai encore pas mal de kilomètres à parcourir moi aussi! :-)

Bon Voyage!...

Commentaire de LOTUS le 14 Mars 2016 à 19:45

Merci Anne, Henri Montfort pour devenir respirien s'est inspiré de SRI AUROBINDO...

J'ai encore du chemin à parcourir mais je continue ....

Namasté

France

Commentaire de Anne le 11 Mars 2016 à 21:58

Shanti, cette réflexion de Omraam Mikhaël Aïvanhov devrait t'intéresser.

http://epanews.fr/profiles/blogs/un-nouveau-monde-un-nouvel-tre-spi...

Ces textes nous paraissent magnifiques dans leur authenticité, car nous les sentons vivants, expérimentant de plus en plus en soi-même cette fusion du corps et de l'esprit, qui n'est autre que la Conscience-Énergie de l'Uni-vers, canalisée par les chakras : voie incontournable en cette période de Transformation, d'Éveil de l'humanité...

Commentaire de shanti le 11 Mars 2016 à 20:32

merci Anne pour ce magnifique partage

Commentaire de Anne le 11 Mars 2016 à 18:12

La Transformation : "le corps sera de l'énergie concentrée qui obéit à la volonté."

http://epanews.fr/profiles/blogs/la-transformation-le-corps-sera-de...

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