(24) La Transformation : "le corps sera de l’énergie concentrée qui obéit à la volonté. "

Selon Sri Aurobindo, la caractéristique essentielle de la Matière supramentalisée est la réceptivité; elle sera capable d'obéir à la volonté consciente et de se modeler à ses ordres, comme l'argile obéit aux doigts de l'artisan. La Matière, délivrée du pouvoir spirituel qu'elle contient involué et devenue ouvertement consciente, sera capable de répondre aux vibrations correspondantes de la conscience supramentale, tout comme nous répondons à une vibration de colère par la colère, ou à une vibration d'amour par une chaleur du cœur. La malléabilité consciente sera la qualité fondamentale de la Matière supramentalisée. Toutes les autres qualités découlent de cette vertu fondamentale : immortalité, ou, en tout cas, pouvoir de modifier la forme et même de changer de forme à volonté, légèreté, beauté, luminosité. Tels seront les attributs naturels de la Matière supramentale. Le corps pourrait devenir un vaisseau révélateur de la beauté et de la joie suprêmes, répandre la beauté de la lumière de l'Esprit qui l'emplit, rayonner comme la lampe reflète et diffuse la clarté de sa flamme, contenir la béatitude de l'Esprit, la joie du mental qui voit, la joie de la vie et l'allégresse spirituelle, la joie de la Matière délivrée et devenue conscience de l'Esprit, et vibrer d'une invariable extase. Mais les Védas ne disaient-ils pas déjà : “Alors ton humanité deviendra comme l’œuvre des dieux, c’est comme si le ciel de lumière était visiblement fondé en toi” (Rig-Véda V. 66.2).
Avant ces changements spectaculaires, qui seront probablement les derniers à se manifester, Sri Aurobindo envisage un changement considérable dans notre physiologie; nous y reviendrons lorsque nous parlerons du travail pratique de transformation; disons seulement, pour l’instant, quelques-unes des modifications fonctionnelles telles que Sri Aurobindo les a observées dans son propre corps :
Il faudra un changement dans le fonctionnement des organes matériels eux-mêmes et, peut-être bien, dans leur constitution et leur rôle; il ne leur sera plus permis d’imposer impérieusement leurs limitations à la vie physique nouvelle. Le cerveau pourra devenir un chenal de communication pour la forme des pensées, une batterie de leur pression sur le corps et sur le monde extérieur où elles seront alors directement efficaces, se communiquant d’elles-mêmes de mental à mental sans passer par des moyens physiques et produisant directement aussi des effets sur les pensées, les actes, la vie des autres, ou même sur les objets matériels. Le cœur, de même, pourra être un émetteur direct et une voie de communication des sentiments et des émotions lancés sur le monde par les forces du centre psychique. Le cœur pourrait répondre directement au cœur, la force de vie venir en aide aux autres vies et répondre à leur appel en dépit de l’étrangeté et des distances; beaucoup d’êtres, sans la moindre communication extérieure, pourraient recevoir le message et se rencontrer dans la lumière secrète du centre divin unique. La volonté pourrait commander aux organes nourriciers, protéger automatiquement la santé, éliminer le désir, substituer aux processus matériels, des processus plus subtils ou puiser vigueur et substance dans la force de vie universelle, si bien que le corps pourrait garder longtemps ses énergies et sa substance, sans perte ni usure et sans avoir besoin de se soutenir par des aliments matériels, ce qui ne l’empêcherait pas de se livrer à des activités intenses sans fatigue et sans s’interrompre pour dormir ou se reposer... Au sommet de l’évolution, il est concevable qu’on redécouvre et rétablisse le phénomène que l’on observe à sa base, et le pouvoir de puiser autour de soi, les moyens de subsistance et de renouvellement. Au-delà du Mental, l’homme complet retrouve consciemment ce que représente déjà inconsciemment la Matière : Énergie et Paix; tant il est vrai que la Matière est seulement le sommeil de l’Esprit.
À un stade ultérieur de la transformation, Sri Aurobindo envisage le remplacement des organes par le fonctionnement dynamique de nos centres de conscience ou
chakra. C’est là le vrai passage de l’homme-animal tel qu’il a été conçu par l’évolution inférieure, à l’homme-homme de l’évolution nouvelle. C’est l’une des tâches que Sri Aurobindo et la Mère ont entreprises. Dès les premières étapes du yoga, nous avons découvert que chacune de nos activités, des plus hautes aux plus matérielles, était nourrie ou déclenchée par un courant de conscience-force qui semblait se ramifier à tel ou tel niveau, dans tel ou tel centre, avec des vibrations différentes suivant le genre d’activité, et, si peu que nous ayons essayé de manipuler ce courant, nous nous sommes aperçus que c’était une source d’énergie formidable, limitée seulement par la petitesse de notre capacité. Il n’est donc pas inconcevable que nos organes, qui sont seulement la traduction physique ou la concentration matérielle de ce courant par-derrière, puissent, au cours de l’évolution, faire place à l’action directe des centres de conscience, qui irradieraient leurs énergies à travers le nouveau corps, comme aujourd’hui le cœur, le sang, les nerfs s’irradient à travers notre corps.
(...) Et la Matière deviendra une expression divine; la volonté supramentale pourra traduire toute la gamme de sa vie intérieure par des modifications correspondantes de sa propre substance, de même qu’aujourd’hui notre visage se modifie (si peu et si mal) sous la poussée de nos émotions : le corps sera
de l’énergie concentrée qui obéit à la volonté. Au lieu d’être “une petite âme qui porte un cadavre”, suivant les paroles puissantes d’Épictète, nous serons une âme vivante dans un corps vivant.
Non seulement le corps et le mental devront changer avec la conscience supramentale, mais la substance même de la vie. S’il est un signe caractéristique de notre civilisation mentale, c’est l’artifice; rien ne s’y passe naturellement, nous sommes prisonniers d’un formidable truquage – avion, téléphone, télévision, et toute la pléthore des instruments qui fardent notre pauvreté – et nous délaissons jusqu’à nos capacités naturelles qui s’atrophient de génération en génération, par paresse ou par ignorance. Nous oublions une vérité fondamentale très simple, à savoir que nos merveilleuses inventions sont seulement la projection matérielle de pouvoirs qui existent en nous – s’ils n’étaient pas déjà en nous, nous n’aurions jamais pu les inventer. Nous sommes ce
thaumaturge sceptique de miracles dont parle Sri Aurobindo. Ayant délégué à la machine le soin de voir pour nous, d’entendre pour nous, de se déplacer pour nous, nous ne pouvons plus rien sans elle; notre civilisation humaine, faite pour la joie de la vie, est devenue l’esclave des moyens qu’il faut pour jouir de la vie – soixante pour cent de notre temps de vivant se passe à l’acquisition des moyens, et trente autres à dormir. L’absurdité ici, dit la Mère, ce sont tous les moyens artificiels dont il faut user. N’importe quel imbécile a plus de pouvoir s’il a les moyens d’acquérir les artifices nécessaires. Mais dans le monde vrai, un monde supramental, plus on est conscient et en rapport avec la vérité des choses, plus la volonté a de l’autorité sur la substance, et la substance obéit à la volonté. L’autorité est une autorité vraie. Si vous voulez un vêtement, il faut avoir le pouvoir de le faire, un pouvoir réel. Si vous n’avez pas ce pouvoir, eh bien, vous restez nu! Aucun artifice n’est là pour suppléer au manque de pouvoir. Ici, pas une fois sur un million, l’autorité n’est l’expression de quelque chose de vrai. Tout est formidablement stupide. Cette “autorité” supramentale n’est pas une sorte de super-prestidigitation, il s’en faut; c’est un processus extrêmement précis, aussi précis et minutieux que peut l’être une opération de chimie; seulement, au lieu de manipuler des corps extérieurs, l’être supramental manipule la vibration vraie qui est au centre de chaque chose et l’associe à d’autres vibrations pour obtenir un résultat donné, un peu comme le peintre mélange des couleurs pour obtenir un tableau ou comme le poète associe des sons pour un poème. Et il est vraiment le poète, car il crée ce qu’il nomme ; le vrai nom d’un objet est la vibration qui le constitue : nommer un objet, c’est pouvoir l’évoquer ou le défaire.
La spontanéité, le naturel de la vie supramentale – car finalement seule la Vérité est naturelle – s’exprimera aussi dans un art supramental, qui sera l’expression directe et sans voile de notre tonalité spirituelle particulière; un art où l’on ne triche pas, parce que seule notre lumière intérieure pourra jouer sur les mêmes lumières involuées dans la Matière et en tirer les formes correspondantes. Si notre vibration est grise, notre monde sera gris et tout ce que nous toucherons sera gris; notre milieu physique, extérieur, sera à la semblance de notre milieu intérieur, nous ne pourrons manifester que ce que nous sommes. Et la vie elle-même sera l’œuvre d’art; nos domaines extérieurs seront les décors changeants de nos états intérieurs. Le mot aussi, n’aura de pouvoir que par la force spirituelle vraie qui est en nous, ce sera un
mantra vivant, un langage visible comme peut l’être la teinte des émotions sur un visage. Et ce sera la fin des faux-semblants, politiques, religieux, littéraires, artistiques ou sentimentaux. Un disciple sceptique, un jour, ayant déclaré que le Supramental était une impossible invention, d’abord parce que cela ne s’était jamais vu ni fait, Sri Aurobindo répondit avec son humour caractéristique : Quel merveilleux argument! ce n’est pas possible parce que cela ne s’est jamais fait! À ce compte, toute l’histoire de la terre aurait dû s’arrêter bien avant le protoplasme. Quand la terre n’était qu’une masse gazeuse, il n’y avait pas de vie, ergo la vie ne pouvait pas naître. Quand la vie était seule à exister, il n’y avait pas de mental, donc le mental ne pouvait pas naître. Puisque le mental est là et qu’il n’y a rien après, qu’il n’y a pas de Supramental manifesté en quiconque, le Supramental ne peut pas naître. Shobhânallah, gloire, gloire, gloire à la raison humaine! Heureusement, le Divin ou l’Esprit cosmique, ou la Nature, ou n’importe, se moque bien mal de la raison humaine. Lui ou Elle ou Cela fait ce que Lui ou Elle ou Cela doit faire, que ce soit possible ou non. Il y a des millénaires déjà, les rishis disaient la pauvreté des sceptiques : “En ceux-là, la Merveille n’est point, ni la Puissance” (Rig-Véda VII.61.5).

SRI AUROBINDO ou l’aventure de la conscience              Satprem     p. 323-329

Source : Mon blog   http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o#.Vt8Kd65livc

             Anne

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Commentaire de Anne le 8 Mars 2016 à 18:37

(23) L'Être de Transition : "... nous pouvons être les collaborateurs conscients de notre propre évolution."

http://epanews.fr/profiles/blogs/23-l-tre-de-transition#.Vt8IU65livc

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