Atlantide et Égypte : entre tradition et histoire

Auteur : Christian Larré

Quand on observe attentivement la civilisation de l’Égypte antique à travers les très nombreux témoignages qu’elle nous a laissés, une impression de sérénité nous étreint. Les temples et les tombeaux nous parlent encore de beauté et de paix. Les papyrus du Nil nous racontent l’harmonie qui, jadis, régnait ici entre les hommes et les éléments, en particulier le soleil, la terre et l’eau.

Ce mot « harmonie » caractérise parfaitement cette société antique qui semble plonger ses racines dans un lointain passé, aujourd’hui oublié. En effet, cette civilisation de l’aube nous apparaît tellement raffinée, qu’inéluctablement on est amené à se poser la question de ses origines.

Aujourd’hui, quasiment tous les égyptologues admettent d’un commun accord que l’acte de naissance de l’Égypte historique, si l’on peut parler ainsi, fut signé par le pharaon Ménès, premier roi de la première dynastie, aux environs de 3200 avant J.-C. En revanche, en ce qui concerne la période qui a précédé cette naissance, beaucoup de questions restent sans réponse, et les avis des spécialistes sont encore partagés sur la préhistoire de la vallée du Nil.

Il est bien connu de tous les chercheurs que plus on remonte loin dans le temps, moins on dispose d’éléments ou vestiges permettant d’écrire avec suffisamment de précision l’histoire de la période en question. La civilisation égyptienne n’échappe pas à cette loi. C’est ainsi que nous possédons beaucoup de vestiges de l’époque allant du Nouvel Empire jusqu’aux dernières dynasties, peu pour les périodes précédentes et très peu en ce qui concerne la pré histoire. Comme les scientifiques se limitent volontairement à l’étude des éléments tangibles, vous comprendrez sans peine leur embarras lorsqu’ils doivent aborder les origines de cette civilisation. Pour les mystiques, qui ajoutent à cette démarche scientifique la lumière de la Tradition, l’histoire s’éclaire sous un autre jour. Pour approcher la naissance de la civilisation égyptienne, nous puiserons donc aux deux sources que nous venons de décrire, dans un esprit de complémentarité et surtout pas d’opposition. Sachez en effet que s’il demeure quelques égyptologues orthodoxes, balayant d’un revers de main tout argument non encore démontrable, il existe également, et c’est fort regrettable, des mystiques excessifs qui n’hésitent pas à nier l’évidence scientifique pour justifier leur interprétation de la Tradition. Les Rosicruciens, de tout temps, ont prôné la double démarche. N’excluant rien a priori, ils restent ouverts à tous les points de vue. Nous savons bien que la vérité est une et que seules diffèrent l’interprétation et la compréhension qu’en ont les hommes. Aujourd’hui donc, au moins en apparence, il semble y avoir une opposition entre la Tradition et l’histoire, notamment sur le sujet des origines de la civilisation égyptienne.

En effet, la Tradition rosicrucienne parle d’une révélation issue de ce fameux continent dis paru : l’Atlantide. Quant aux égyptologues, dans leur grande majorité, ils soutiennent la thèse d’une évolution continue conduisant au syncrétisme. En réalité, ces deux points de vue ne sont pas si éloignés qu’il n’y paraît a priori. La suite de cet ouvrage éclairera ce sujet.

A ce stade, une mise au point paraît nécessaire. En effet, il est important de bien définir les places respectives de l’histoire et de la Tradition.

Les origines de nos connaissances concernant ce continent disparu que Platon nomme Atlantide sont vraiment des origines traditionnelles, car la période relatée se situe au-delà des limites actuelles de l’histoire. Ces événements se sont déroulés dans un passé si lointain que très peu d’éléments matériels, de vestiges observables permettant d’attester sans conteste possible leur existence, sont parvenus jusqu’à nous.

La principale source de connaissances concernant l’Atlantide est à rechercher dans les différentes légendes qui se sont véhiculées oralement bien avant d’être fixées par l’écriture, à travers les différentes cultures, et qui composent leurs traditions. Mais les traditions de chaque peuple ne sont que l’enveloppe extérieure, l’apparence visible d’un centre invisible qui en constitue l’essence ou le cœur. Ces cœurs de chaque tradition locale sont en relation et en harmonie avec le Grand Cœur qui constitue ce que l’on appelle la Tradition Primordiale. Ainsi, chaque peuple, chaque culture possède une partie de la Tradition qui s’est plus ou moins altérée avec le temps et au fil des transmissions successives, mais qui constitue néanmoins les racines de ces peuples ou cultures. Les peuplades dites “primitives”, tels les Dogons d’Afrique ou les Aborigènes d’Australie, très peu affectées par les progrès techniques liés à notre civilisation moderne, possèdent une tradition très riche et très forte. Ces survivances d’anciens rites ont été très mal comprises par les scientifiques du début de ce siècle. Aujourd’hui, on commence à peine à prendre conscience de la richesse et de l’importance de ces cultures. Les anthropologues actuels étudient très sérieusement ces coutumes, et certains même, tels Marcel Griaule pour les Dogons, n’ont pas hésité à se faire initier à ces rites. De cette manière, en les vivant de l’intérieur, ils sont mieux à même d’étudier et de comprendre dans quelle mesure ces pratiques, qui remontent à la nuit des temps, contribuent à maintenir une si grande harmonie entre l’homme et son milieu naturel.

L’origine de ces traditions est une véritable énigme complètement hermétique pour l’anthropologue qui approcherait cette étude en s’appuyant uniquement sur des paramètres historiques démontrables. Il se priverait de cette manière d’une liberté de pensée qui seule est susceptible de lui permettre de pénétrer dans le monde des traditions au-delà du voile obscur que le temps a jeté sur leur origine.

La Tradition constitue une voie de transmission de la connaissance, essentiellement orale. Ce n’est souvent qu’après de très longues périodes de ce mode de transmission que la Tradition est confiée à l’écriture. Les historiens sourient quand on leur parle de transmission orale de la Tradition, car ils connaissent très bien la fragilité du témoignage humain. Les anciens Égyptiens étaient parfaitement conscients du problème et l’avaient résolu à leur manière. Au lieu de réciter de génération en génération une succession de faits historiques qui se seraient inéluctablement altérés au fil du temps, ils ont utilisé l’allégorie et le symbole pour synthétiser leurs connaissances issues du passé. C’est pour cette raison que sont nées la plupart des légendes antiques qui sont parvenues jusqu’à nous. En effet, ces récits sont tellement poétiques et imagés, que même si nous ne les comprenons plus, ils enchantent encore notre âme.

La Tradition utilise essentiellement les moyens de l’allégorie et du symbole qui touchent l’être au fond de lui-même et suscitent dans sa conscience des impressions et des idées inspirantes. C’est donc un mode de transmission qui véhicule l’esprit des choses et non les choses dans le détail.

En revanche, l’histoire, en s’appuyant sur des éléments concrets, des vestiges observables, véhicule des faits réels et cherche à reconstituer les enchaînements. On peut dire que l’histoire est une science qui tente d’être exacte, alors que la Tradition est un art qui évoque, plus qu’il ne révèle. Cela signifie que la Tradition est souvent à lire sur le plan symbolique et laisse une part importante à l’interprétation humaine. À ce titre, bien qu’elle soit à la disposition de tous, elle demeure, quant à sa compréhension, inaccessible au plus grand nombre.

Les contes de fées et les légendes diverses que l’on réserve à tort à l’usage exclusif des jeunes enfants, véhiculent souvent sous forme allégorique, des vérités très profondes. Tout le monde peut écouter ces contes, mais combien d’entre nous sont capables de les entendre réellement ?

L’histoire et la Tradition ne doivent en aucun cas être opposées ; elles constituent deux démarches différentes ayant des buts différents, mais néanmoins complémentaires. L’une permet de confirmer ou d’infirmer, preuves à l’appui, ce que l’autre

 

Extrait du livre : L’Héritage spirituel de l’Ancienne Égypte, de Christian Larré