Dans nos perceptions et nos représentations, rien ne semble pourtant plus faux que cela : Le chaos des phénomènes les voit se contredire, s’exclure, se télescoper, entrer en guerre les uns contre les autres.
Autour des moi, j’aperçois des myriades d’ êtres vivants, chacun selon son espèce comme, je reconnais des gens parmi la foule. Certains sont intimes ou proches, d’autres sont plus des relations, la grande majorité est constituée d’inconnus.
Chaque jour apporte son lot d’événements,qui se succèdent, inlassablement, certains auxquels je participe plus ou moins directement, à la maison, au travail, dans mes loisirs ; d’autres, dont je suis un spectateur plus ou moins distrait ; mais pour beaucoup, je les ignore.
 
Tout semble si complexe, si varié, si imprévisible souvent. Les choses paraissent si étrangères les unes aux autres.
Quel rapport peut-il y avoir entre vol d’un papillon et la tempête à l’autre bout du monde ?
Là un homme bat sa femme, ailleurs, on abat la forêt, plus loin encore, un enfant naît handicapé. Ici, un clown amuse le passant, là-bas, un amoureux fait sa déclaration, ailleurs, on libère un prisonnier après sa peine. Rien en apparence ne relie la bactérie, les éruptions solaires, ou les connexions très haut débit. Rien ne rattache un tremblement de terre en Asie, un ouragan tropical ou la fonte des glaces aux pôles.
 
Le mental est multitude, comme autant d’éclats d’un miroir brisé et éparpillé qui renvoie des myriades d’images disparates dont aucune à l’évidence ne s’assemble vraiment aux autres. Le mental est souvent autiste, uniquement préoccupé par gérer ses angoisses, contrôler son environnement, essayer de stabiliser l’existence et figer l’impermanent. Il est un scientifique obsédé par la volonté de tout décortiquer, analyser, comme s’il fallait par ce seul manège en devenir le maître.
 
Mais,pour devenir le maître de son chien, doit-on le disséquer ou plutôt devenir son ami et comprendre son langage ? Doit-on seulement le faire obéir ou surtout apprendre à vivre avec lui, dans la bonne intelligence de ce que chacun est et peut ? Ne vaut-il pas mieux trouver cette forme de dialogue qui ne fait basculer de l’interdépendance à la relation ?
 
C’est sans doute comme cela que tout est un. Je ne saurais l’expliquer et encore moins le prouver, mais tout est un.
Tout est un, à la manière où deux amants sont un, à la manière où le jour et la nuit ne sont qu’une même ronde incessante dans l’univers, à la manière où la vie demeure sur terre, en équilibre sur un fil ...
Tout est un parce que tout est pris dans la même, dans l’immense et incessante interaction de la Vie, de l’univers et de son élan créateur.
 
Quel que soit l’objet de la méditation, quel que soit l’objet de la pleine conscience, l’objet de ma prière ou de mon amour, dans le coeur conscient, tout devient un.
C’est là, et non dans le mental fragmenteur, que tout devient un, et d’abord moi. Là, j’apprends à ne plus me dissocier, là, j’apprends uniquement à me relier.
 
Au delà de interdépendance ou de l’interaction, je me laisse aller à l’intuition du lien et de l’unité des phénomènes. Je n’imagine pas que tout conflue, je ne me le représente pas, je l’expérimente.
Mon existence séparée ne l’est plus, elle est prise dans le mouvement unique et total de la vie.
 
Je ne perds pas mon unité, ni mon identité, je les relie à toutes les autres identités, sans condition, d’aimer comme le fait Dieu, d’aimer en étant soi-même une part plus qu’une image du divin.
Aimer sans condition, non pas du dehors, “voyant que cela est bon”, mais en dedans, remerciant le tout de concourir au tout, d’être sans cesse, d’instant en instant, “présent”.
 
Tout est un ne nie rien, tout est un n’affirme rien, tout est un accepte que cela soit et que cela change. Tout est un contemple simplement le réel, sans fard et sans jugement.
 
C’est la calme conscience que l’esprit n’y suffit pas, ni la volonté, ni l’action, et que pourtant, c’est là, toujours là, par nous, avec nous et en nous, au point que nous ne savons pas si c’est nous qui empruntons le chemin de l’univers ou l’univers qui emprunte nos pas.
 
C’est lorsque je suis tout est un, que Je suis.
 
 
Tydé
 
Photo “Bohemian waxwing” © Jeff Dyck

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