Lorsque l’on entreprend la démarche de chercher à mieux se connaitre, il est difficile de savoir comment et par où commencer. La connaissance de soi et tout ce qui a trait à la psychologie humaine n’échappent pas à notre société de consommation, et ce vaste domaine regorge de milliers de livres, techniques, méthodes, formations, stages, injonctions, outils et clés en tout genre. Et vu l’engouement actuel, les quincailliers du coaching et du développement personnel ont, semble-t-il, encore de beaux jours devant eux.
En ce qui me concerne, ce n’est pas un choix délibéré mais une nécessité vitale qui m’a catapultée, il y a tout juste dix ans, dans l’étrange monde de mes énigmes intérieures. Et je n’ai pas eu le temps de me demander comment et par où j’allais commencer, ce fût brutal et sans appel !
Je venais de me transformer extérieurement de manière plutôt radicale – une perte de 40 kgs en 10 mois – tout en vivant une liaison amoureuse qui, au fil du temps, mettait en lumière un étrange et douloureux paradoxe intérieur ; j’étais écartelée entre mon désir de me laisser aimée par cet homme et une peur panique d’étouffer et d’être « emprisonnée » dans et par son amour. Je ne comprenais évidemment pas d’où provenait cette phobie de l’enfermement amoureux et ne pas me comprendre a toujours été pour moi ce qu’il y a de plus insupportable. Ne pas se comprendre c’est être étranger à soi, être une énigme pour soi. Et je dois avouer qu’à cette période, j’étais un véritable mystère pour moi-même. Plus je me métamorphosais en ayant le contrôle sur mon corps, moins je comprenais mes états intérieurs et toutes les questions sans réponse qui tournaient en rond dans mes pensées. Découvrir ce qui était à l’origine de ma terreur de l’enfermement devenait vital car le mélange de colère-honte-culpabilité qu’elle distillait en moi était entrain de m’empoisonner émotionnellement.
Lorsque les premiers craquements de mon inconscient firent jaillir brusquement des étincelles de sens dans ma psyché, je ne suivais aucune thérapie et j’étais à mille lieux de toute démarche de développement personnel. J’avais une réelle aversion pour tout ce qui était en rapport avec la psychologie, domaine pour lequel j’avais d’ailleurs un nombre impressionnant de préjugés. Le premier étant que tous ces trucs de psy n’étaient que pour ceux qui aiment se regarder le nombril.
Mais j’ai dû reconnaître que ce qui venait de faire irruption dans ma conscience était douloureux mais aussi étonnement libérateur. Je me suis retrouvée alors aspirée malgré moi dans une sorte d’introspection en continuant à tirer les petits fils de sens qui se présentaient au fur et à mesure de mes découvertes. Certaines d’entre elles n’étaient pas belles à voir, d’autres carrément stupéfiantes. En prendre conscience a été un tel choc que je ne m’imaginais pas en parler à qui que ce soit. J’en avais honte. Mais je voulais comprendre aussi. Alors la seule solution a été de chercher si d’autres avaient vécu la même chose ou écrit sur le sujet. Au moins de cette manière je ne risquais aucun jugement !
C’est ainsi que mes recherches m’ont menée rapidement sur un site truffé d’articles éclairants écrits par Jean Garneau et Michèle Larivey, deux auteurs et psychologues humanistes. En quelques clics un bon nombre de mes préjugés furent réduits en bouillie et ma honte disparût comme par magie. J’y trouvais des réponses et cela n’avait pas de prix. Enfin si, un seul : celui de veiller à aller au-delà de mes préjugés car je pressentais que changer mon mode de pensée allait être crucial si je voulais continuer l’exploration de mes profondeurs.
En cheminant dans ce sens, les écrits d’autres auteurs, très souvent psy de leur état, sont venus m’éclairer et m’épauler. Un curieux phénomène s’est d’ailleurs mis en place à partir de ce moment-là, une sorte d’écho-accompagnement invisible. Dès qu’une souffrance émotionnelle avait atteint son apogée, une brèche s’ouvrait sous la pression de l’insupportable, et du sens jaillissait dans ma psyché. Ce sens se présentait sous forme de contenus tellement cohérents que ça m’obligeait à les reconnaître comme tels. A chaque fois c’était très déstabilisant car ça faisait s’effondrer beaucoup de mes croyances et mes résistances ne savaient plus où donner de la tête !
C’est toujours dans ces moments de tension extrême que “l’accompagnement invisible” entrait en action et qu’un écho extérieur arrivait comme par hasard à travers un texte ou un auteur, “confirmant” et étayant mes découvertes intérieures. Ce processus se répète encore aujourd’hui, plus ou moins intensément à chaque pas marquant ma conquête d’un nouveau lopin de conscience. La seule différence maintenant est que certains auteurs, par leurs échos répétés, sont devenus des phares grâce auxquels je peux me repérer en cas de brouillard persistant dans ma psyché.
Jusqu’à présent les résultats de ces prises de conscience ont eu des effets directs et indirects très significatifs, et m’encouragent à continuer ainsi. Bien que l’exploration de soi en profondeur se pratique rarement en roue libre, moi ça me rend libre ! Ça donne du sens à ce qui s’est passé dans mon passé, ça m’aide à le comprendre et l’accepter, et donc à accepter ce qui est : plus de regrets, de remords, de ruminations ou de culpabilité sur “ce qui aurait dû ou pu être”. Ma force ou ma chance est d’avoir une nature introvertie qui cherche à comprendre plutôt qu’à lutter ou à se battre contre. Lutter c’est se dissocier, comprendre c’est prendre avec soi comme l’indique son étymologie. Face à la puissance de l’inconscient et de ses forces en action, j’ai fini par accepter, après des années de résistance intérieure, que la seule façon de ne pas s’y faire engloutir, était de jouer cartes sur table avec soi comme avec lui.
Récemment, je dînais avec une amie que j’avais perdue de vue depuis quelques temps, lorsqu’elle me questionna sur cette exploration dont je ne lui avais parlée que très partiellement jusqu’à présent. En commençant à lui partager mes avancées, je me suis rapidement rendue compte que mes propos la laissaient mi-admirative, mi-dubitative. En effet, ayant elle-même suivi pendant plusieurs années une psychothérapie sans résultat probant, elle avait beaucoup de mal à admettre qu’il était possible d’explorer “sérieusement” sa psyché sans que ce soit dans le cadre conventionnel d’une thérapie avec un psy… et en même temps, elle ne pouvait que constater les changements qui s’étaient opérés au fil du temps et qui avaient engendré ma profonde métamorphose tant visible qu’invisible.
Ce léger malaise fût toutefois vite dissipé car elle décida de conclure le sujet sur une phrase sans appel : En tout cas, bravo parce que c’est vraiment pas facile de se regarder le nombril ! et enchaina sur autre chose.
A posteriori sa réaction m’a d’abord renvoyée à mes anciennes pensées et je n’ai pu m’empêcher de reconnaître qu’avant de prendre goût à l’introspection, j’avais quand même beaucoup tourné en orbite autour de mon nombril. C’est-à-dire que pendant très longtemps je me suis beaucoup raconté d’histoires pour éviter de regarder les choses en face. Pour cela, je pratiquais le faire semblant et le faire comme si avec une aisance désarmante, tout en m’étonnant ensuite de me retrouver dans les mêmes impasses ou les mêmes situations répétitives. Il m'a fallu une interminable série d'expériences douloureuses et aliénantes pour que je comprenne que contourner l’obstacle ou faire comme si sont des techniques de coachs qui finissent par coûter très cher...et pas que pour le porte-monnaie. Dans le même temps j'ai réalisé aussi que cette vérité-là, une fois qu'elle est assimilée - nécessairement par la force et la douleur des choses - il n'est plus possible d'en faire abstraction sans que cela ne se finisse en pertes et fracas. Elle instaure une sorte d'éthique à la fois imposée et apposée à l'intérieur de soi.
Puis j’ai réalisé que la réaction de mon amie ainsi que mes anciens préjugés n’étaient qu’un reflet des idées reçues collectives, encore bien vivaces, où introspection et narcissisme sont très souvent confondus et associés, que ce soit par peur, par ignorance ou un peu des deux. Et je suis bien placée pour savoir que si beaucoup réduisent l’introspection au fait de se regarder le nombril c’est parce qu’ils ne sont encore jamais allés regarder au-delà de leur nombril ! Descendre en soi est difficile, trouver le chemin d’accès est éreintant. Il y a tellement de voies sans issue, de chemins impraticables et de ravins glissants qu’il faut généralement être contraint(e) et forcé(e) pour s’y aventurer !
En fait pour résumer, je dirais que se regarder le nombril c’est vouloir se connaître sans se donner les moyens de se rencontrer, alors que l’introspection c’est prendre le risque de sortir du rang et contrer. Se regarder le nombril c’est comme faire du shopping sans vouloir sortir son porte-monnaie, alors que l’introspection c’est accepter de payer l’addition, quelle qu’elle soit, sans broncher ! Ou encore...Se regarder le nombril c’est se persuader qu’on préfère rester sur la plage alors qu’en fait, on a peur d’aller nager là où on n’a plus pied. Tandis que l’introspection c’est enfiler une mono-palme puis, sans masque ni tuba, se jeter à l’eau même si on n’a jamais essayé.
On le sait tous, notre corps possède la faculté de s’auto-réguler, de se guérir, de se punir aussi parfois. Moi je suis persuadée que notre psyché a aussi un pouvoir du même genre : celui de s’auto explorer...et même de s’auto engendrer...mais ça, j’en parlerai une autre fois :)
Commentaires bienvenus
Bonjour à Tou(te)s
Est-ce utile (ou nécessaire) de se désigner des … "boucs émissaires" pour examiner sa pensée, son idéologie, son comportement ?
Merci pour votre témoignage si inspirant !
Etre soi-même va de pair avec la connaissance de soi. C’est un parcours, mais qui fait quand même un peu peur parce que c’est un chemin qui va nous dévoiler des choses sur nous-mêmes, qui ne sont pas idéales. Ce chemin n’est pas facile.
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