Elle travaille dans le journal fondé par son père (Psikopat) et tient un blog BD, lui est un peintre numérique de grand talent (“c’est lui le virtuose du couple !“). Ensemble, Mélaka et Reno se projettent dans un avenir en commun, celui de Jean-Luc Mélenchon. Et les deux artistes proposent en ligne gratuitement L’Avenir en commun ?, leur nouvelle bande dessinée, dans le but de vulgariser le programme de la France insoumise.
Anciens Parisiens, leur retour à la terre leur fait prendre conscience des enjeux écologiques actuels, et c’est dans le programme du mouvement qu’ils se retrouvent au moment où leur mode de vie évolue :
“On est parti s’installer en pleine campagne il y a une dizaine d’années, et on s’est intéressé à la permaculture et au bio,développe Mélaka. On a commencé à avoir un mode de vie plus sain. Et politiquement, même si c’est vrai qu’Europe Ecologie-Les Verts a forcément toujours eu un programme écologique, on a été séduits par le côté radical du programme de Jean-Luc Mélenchon. Parce qu’aujourd’hui, on n’a plus le temps pour la demi-mesure sur ces sujets-là. Et il sait en parler avec un côté très humain.”
Un important apport universitaire
L’écologie occupe en effet une place importante dans L’Avenir en commun ?. Après une présentation légère du couple qu’ils forment, chacun provenant d’un milieu social très différent, Mélaka et Reno entament un dialogue entre une multitude de personnages mobilisés afin de donner vie au programme du mouvement des insoumis. “C’est quoi ça ?“, s’interroge le premier au sujet de l’assemblée constituante, en dessous d’une fresque représentant un Jean-Luc Mélenchon scandant “Party on !” debout sur un bureau au milieu d’une foule. Entre alors en scène Olivier Tonneau, enseignant-chercheur à l’université de Cambridge et co-auteur du strip, pour une explication en bonne et due forme.
Conjurer Mélenchon par Le Pen: le jeu dangereux de Pujadas et sa clique, par Olivier Tonneau via @MediapartLeClubhttps://t.co/WIQ3hggkAG
— Doris Ouensou (@douensou) February 28, 2017
Olivier Tonneau amène une dimension pédagogique importante pour cerner les sujets les plus complexes : “Mélaka et Reno voulaient parler du programme, et m’ont contacté après avoir lu un billet sur mon blog, sur le site de Médiapart. On s’est bien entendu, et je leur ai fait des petites notes explicatives sur tout un tas de sujets, pour formuler des arguments sur différents points du programme.”
Picsou, les Schtroumpfs et Renaud
Grand amateur des Economistes Atterrés et de philosophie, celui qui enseigne les auteurs français des Lumières à Cambridge ne cache pas son admiration pour Jean-Luc Mélenchon (“il est très bon pédagogue“). Il reconnait que le personnage peut être clivant et souvent caricaturé. Un avis partagé par Mélaka et Reno, qui font donc le choix de ne pas centrer leur bande dessinée sur le personnage, mais plutôt sur les idées. Jean-Luc Mélenchon n’apparaît finalement que deux fois sur la cinquantaine de pages de L’Avenir en Commun ?.
Sous une couverture aux airs de One Peace, le phi (symbole de la France Insoumise) fièrement tendu au vent, Mélaka et Reno invoquent Picsou, les Schtroumpfs et Renaud pour quelques gags, des personnages canoniques (le patron, l’employé, l’homme politique) pour représenter des opinions générales, et tout un univers fictif pour schématiser le fonctionnement du capitalisme ou de l’Europe. Forcément, dans l’histoire, le directeur d’une centrale nucléaire ou l’actionnaire d’un fond de pension se retrouvent souvent dans la position du méchant, critique du capitalisme oblige.
Vulgariser par l’humour, avec pédagogie
“L’humour pour traiter un sujet complexe, c’est comme dans Mary Poppins. C’est le morceau de sucre qui aide la médecine à couler.” Mélaka ne se voyait pas aborder un sujet si sérieux avec son compagnon sans prendre un peu de recul. Leur légèreté naturelle et leurs dialogues accompagnent des illustrations efficaces qui apportent une dimension visuelle simple à comprendre, pour des thèmes comme le nucléaire, l’agriculture, mais aussi l’économie de la mer et la définanciarisation prônée par la France insoumise. Avec pour ambition de toucher un public large :
“On a douté sur le ton qu’on utilisait quand on faisait la BD,reconnait la dessinatrice. Est-ce qu’on n’est pas trop enfantin ? Au final, ça l’est peut-être un peu, mais pas que. Notre but, c’est de s’adresser au plus large public possible, y compris à ceux qui sortent de l’adolescence, qui sont de jeunes citoyens et qui peut-être n’ont pas encore eu le temps de s’intéresser à la politique. Surtout sur des sujets comme l’urgence écologique, qui parlent à tout le monde.”
Derrière cette démarche spontanée, qui est autant celle d’un couple d’artistes que celle d’un couple de citoyens, se cache un travail de plusieurs mois où la difficulté est de trouver la bonne façon d’aborder ces sujets sans être non plus dans une démarche moralisatrice. Pour Mélaka, l’intervention de personnages hostiles aux idées de la France insoumise permet aussi “de donner à ceux qui s’intéressent à ces questions des arguments pour défendre leur point de vue“. Le propos dans la bande dessinée devient alors logique sans prendre le lecteur de haut. Et surtout, pour Olivier Tonneau, la bande dessinée de Mélaka et Reno a pour vocation de provoquer l’envie chez le lecteur de s’intéresser ensuite au programme et aux idées par eux-mêmes :
“A ce niveau de simplification, ça ne peut pas répondre à tout. Mais l’idée c’est de mettre le pied à l’étrier, de façon ludique, pour aller plus loin. Tout est sourcé et les gens peuvent ensuite aller consulter d’autres références.”
Plus citoyens engagés que militants
Malheureusement, 50 pages ne suffisent pas pour tout aborder. Mais leur but n’a jamais été de proposer une version complète illustrée du programme de Jean-Luc Mélenchon. S’ils adhèrent aux idées du candidat de gauche, Mélaka et Reno ne se considèrent pas comme militants actifs du mouvement. C’est de bon cœur qu’ils offrent leur travail à la France insoumise, qui relaye la bande dessinée sur son site, sans pourtant avoir été contactée directement par les dessinateurs. Et si Mélaka comme Olivier Tonneau ne cachent pas leur regret de ne pas avoir pu parler d’autres sujets, comme la laïcité, c’est la fierté d’avoir proposé un objetfeel-good et compréhensible dans une campagne polluée qui prime. D’autant plus que leur travail de plusieurs mois ne leur rapportera rien,L’Avenir en Commun ? étant disponible gratuitement sur le net. Quant à une éventuelle suite, c’est en commun, comme l’avenir, qu’elle se décidera.
par Erwan Duchateau
http://www.lesinrocks.com/2017/03/02/actualite/programme-de-jean-lu...
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