Pour le bipède sur terre il en va tout autrement. Parce qu’il craint peut-être la loi de la jungle il préfère se payïser, dans le sens de ghetthoïser, au lieu de se dépayser. Il calque sa démarche sur ses plus proches parents de mammifères pour s’en tenir à un territoire quelconque afin d’assurer, croit-il, sa survie et sa liberté. En d’autres termes, au-delà d’une perspective sans limites il y aurait précipice sans fond, un néant dont on ne pourrait s’échapper advenant qu’on y tombe.
Évoquer seulement la possibilité que l’être humain est fondamentalement illimité donne déjà le vertige à plusieurs. Que de divagation, clameront-ils en complément. Du coup, pour être bien sécurisé, il importe de s’imposer des frontières, fictives, aléatoires qui font office de protection psychologique. C’est bien connu qu’en dehors de celles-ci le danger guette toujours les aventuriers, les moutons qui veulent confronter le loup et voir de leurs yeux vus qu’il existe vraiment.
On se dit évolué, que l’on veut l’égalité et le respect entre toutes et tous, vantant la liberté d’expression, l’avancement des conditions de vie, que nos droits sont sacrés… On ne peut nier la noblesse de ces intentions, c’est-à-dire de vouloir avoir et maintenir des conditions de vie confortables. Ce que font les oiseaux qui veulent continuer de se la couler douce. Mais nous, que faisons-nous exactement? Nous faisons du surplace en espérant que les choses changent. L’espoir que les choses changent. L’espoir que les autres changent. Si vous avez la recette qui vous a permis de changer quelqu’un, partagez-la au plus sacrant. Il y a trop de gens qui souffrent de ne pas être en mesure de changer le monde. Soyez altruiste et donnez généreusement. Permettez que les fantasmes de ceux qui souhaitent la transformation des autres plutôt que la leur se réalise comme par magie. C’est du ben bon monde après tout.
Eux ils ont compris que la menace provient toujours de l’extérieur. Que pour vivre en sécurité il est important de se méfier de l’appétit vorace des inconnus. Pour se faire, il est nécessaire de tracer sur une carte, de l’implanter dans le cerveau des humains, des limites à ne pas franchir sans autorisation. Ils vont voir le propriétaire de la prison et exigent que toutes personnes voulant venir y vivre ou seulement la visiter devront se prémunir des papiers nécessaires pour demeurer conforme aux règles de sécurités établies. L’humanité est une animalité pensante. Elle pense sans arrêt et agit, par conséquent, en animal. Je ne peux pas concevoir m’être incarné ici-bas dans le seul but de venir me battre envers et contre tous et surtout pour m’enfermer dans une limite qu’on appelle pays. En fait, oui je le constate, chez les primates. Pour eux la survie de l’espèce avant tout. Pour les humains, un pays n’est pas un gage de protection contre quoi que ce soit.
Pourquoi vouloir s’approprier une étiquette, une identité aussi éphémère qu’absurde? Plus notre espace intérieur est étroit moins notre vision de nous-mêmes est grande, confiné à défendre une cage dorée qui n’a strictement rien à voir avec notre propre nature. Des idéaux à première vue plus que respectables mais ô combien inutiles. Les frontières des pays ont constamment été défaites et refaites sans cesse. L’Union européenne est un bel exemple de la disparition de pays indépendants et maintenant rassembler sous un seul drapeau, imposé. Et les guéguerres qui n’en finissent plus sur la provenance, la véracité de nos souches, de bois, de laine, de pur-sang. Franchement désolant. Et qui sont donc ces maîtres de l’univers à qui on donne le droit de nous donner des Droits? Qui donc sont-ils ceux qui décident qu’un pays a tant de kilomètres carrés, en plus ou en moins? Pour en décider ainsi il n’y a qu’une possibilité; cela leur appartient de droit en tant que propriétaire. Et un peuple – notion vide de sens qui tente d’uniformiser les pensées et les actes de manière subversive – serait supposé avoir droit de regard, un mot à dire. Oui, un seul. Soit oui, soit non, sans plus.
Fragmenté et compartimenté que nous sommes dans nos comportements, la propriété privé dont nous expérimentons les usages depuis des siècles renforcit ce phénomène d’une presque déshumanisation, chacun isolé dans sa maison, sa voiture, sur son terrain, dans sa tour de verre, dans « son » pays. Évolution, paraît-il. Fantastique tout de même de réussir à faire organiser des débats, des manifestations, des pétitions, à faire déplacer des milliers de personnes pour une cause qui n’est qu’illusion totale. L’enfant s’adapte partout et le monde est son jeu jusqu’au moment où on lui interdit sa créativité. Il y a des cœurs d’enfants qui se perdent. L’appartenance à un groupe, une société, une race, cette plaie, cette maladie rongeuse de bon sens, cancer de la non reconnaissance. Notre esprit paraît incapable d’imaginer autre chose que le chaos si les frontières planétaires disparaissaient. Fait étrange, jamais il y a eu autant de misère et de conflit armée en si peu de temps et qui se poursuivent depuis la création de l’ONU. Coïncidence hasardeuse, probabilité élevée et dans l’ordre des choses, fabulation?
Où que nous vivions géographiquement, nous sommes éternellement à l’intérieur de nous-mêmes et le pays n’a rien à voir là-dedans (avec jeu de mots). Par ailleurs, comment se fait-il que personne n’insiste pour avoir des frontières entre villes et villages d’un même pays? À regarder les déplacements et déménagements, y constate-t-on un bordel général? Aucunement. Pourquoi tente-t-on de se reconnaître par l’entremise d’un pays ou d’une race? Quelle contradiction de vouloir à tout prix un monde de paix, d’harmonie, d’amour et en même temps s’imposer des normes qui restreignent toute ouverture d’esprit, d’infini. Mon pays ce n’est pas un pays, c’est la terre. Développer une fibre nationaliste ne conduit qu’à développer l’intolérance, la ségrégation, le racisme. Bienvenue dans la plusss belle meilleure prison du monde.
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