Il s’agit de comprendre quelque chose d’absolument nouveau. Que vous êtes le lieu, l’homme quel qu’il soit, même s’il ne le sait pas, il est le lieu de la disparition de toute signification et de toute finalité. Il a été le lieu d’apparition de la finalité, du but peut-être. Le lieu d’apparition de quelque chose. Et il est en même temps le lieu de disparition de quelque chose. Ce quelque chose, quoi que ce soit, ce lieu est indispensable pour qu’à la fois il y ait quelque chose et qu’il n’y ait rien.

La question est aujourd’hui, pas du tout comme on le pense simplement : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Mais, « Pourquoi y a-t-il rien plutôt que quelque chose ? » Qu’est-ce que c’est que cette apparition et cet anéantissement de ce qui apparaît par l’homme, par la présence de l’homme ? D’où l’importance de l’homme, peut-être, dans une certaine vision des choses.

Vous voyez, on recherche aujourd’hui à systématiser les lois du chaos, à essayer de toucher ce dynamisme de ce qui n’est pas intégrable dans un système. Ce dynamisme de ce que je ne peux pas occuper comme place dans ma vie.

Un jour, quand vous aurez tous lu ces considérations sur la naissance même de l’art, et la raison même de la trace que cherche à laisser l’homme. Quand vous aurez peut-être réfléchi et laissé mûrir en vous cette notion beaucoup plus moderne d’Henri Michaux, qui dira : « L’artiste, - l’homme, nous tous, mais l’artiste est une sorte de plus que homme -, l’artiste est celui qui résiste de toutes ses forces…, qui résiste de toutes ses forces à l’impulsion fondamentale de ne pas laisser de trace ». Il y a en lui quelque chose qui lui dit : « Mais efface-tout, efface-tout, efface toi, ne laisse pas de trace »! L’artiste est celui qui résiste aussi, qui dit : « Mais, je veux laisser une trace ! Je veux célébrer ! » Et ici reprenez contact avec les thèmes de Nicolas de Staël, ou d’un grand peintre, ou d’un grand artiste. La trace qu’il laisse efface sa trace. La trace que laisse un peintre, c’est l’effacement de sa trace. C’est la mise au monde de l’effacement de sa mise au monde.

Je vous disais que dans les traditions anciennes, on commence par attendre d’être là avant de relever la tête. On commence par baisser le front. On laisse passer cette première présence de soi au monde. Et on attend que peut-être quelque chose de cette présence artificielle, fausse, simulacre, soit passé et qu’un flux cosmique, un flux de réalité ou un flux de vie, vienne emplir une conscience qui a pu, dans un premier galop, se vider de ses forces, de ses forces contraignantes.

De la même façon, je vous ai dit la dernière fois, que nous avons eu l’état homme que nous avons vécu, que nous vivons encore. L’état homme qui est un peaufinage d’une matière première, qu’on appellera aussi homme et qui va servir à autre chose que l’homme. Qui sera de l’homme aussi, peut-être.

Comme je vous le disais, « banc d’essai de l’homme ». Mais quoi ? Mais, c’est l’homme qui va servir de banc d’essai pour un homme futur qui n’existe pas encore. Donc, c’est le premier pas vers un autre homme. Qu’est-ce que c’est que cet autre homme ? Et notamment, l’homme est-il l’intention de la matière ? Ce qu’on appelle aujourd’hui le principe anthropique.

 Et comme l’a fait remarquer quelqu’un, un penseur philosophe et scientifique, il y a un principe anthropique fort et un principe anthropique faible. Il est évident que tout ceci a été fait du principe fort, il est évident que toute l’affaire a été faite en vue de l’homme. Pour créer ce qu’on appelle l’Homme Parfait, l’Adam Kadmon. Cette perfection, ce produit parfait, ce produit ultime de la matière, capable de transformer la matière qui l’a produite cet homme. Donc un prodige ! Un prodige, un miracle ! La matière produit un homme qui devient, du fait de cette production et d’être sur terre et d’exister, capable de transformer son père, la matière qui l’a produite. Et donc de modifier constamment le système qui l’a produit.

 Je crois qu’il y a Présence. De tout, partout, en tout temps. Et que c’est cette présence continue qui fait le temps et qui fait l’espace. Et non pas que par un certain travail, par un certain gouvernement de soi on arriverait à sortir de l’espace-temps. Je crois qu’il ne s’agit pas de sortir de l’espace-temps, disons comme les mystiques, comme les chamanes. Mais entrer, créer un temps et un espace nouveau. Avec d’autres lois, d’autres règles, d’autres fonctionnements. Une création qui est décréative de quelque chose. Une création qui vit de la décrue, de la décréation de quelque chose. Le tout de cette opération de façon clandestine, sans l’autorisation. Sans la permission des valeurs que nous portons en nous-mêmes.

D’une façon plus accessible pour vous, il y aurait comme un moi, un lieu d’être qui protège un autre lieu d’être. Comme une vie, ma vie naturelle, ma vie en tant qu’homme et qui est, non pas à vivre pour elle-même, avec ses plaisirs et ses déplaisirs, mais à vivre comme protectrice de cette Vie, d’une vie plus frêle, plus fragile, plus fine, avec d’autres règles, d’autres lois que les lois de la vie extérieure, de la vie d’homme, de la vie normale, la vie qui est recherche de pouvoir. Une autre vie dont le comportement ne nous est pas toujours accessible. Mais qui est ce qui s’échange dans la clandestinité

Alors, comment est-ce qu’on peut participer à cette vie interne, et à la vie globale, superficielle, externe ? Et bien, simplement en déliant, en ralentissant… Ou bien, plus audacieux, en apaisant cette force de vie première. Pour laisser s’exprimer cette force de vie seconde, elle-même aussi…, aussi inapaisable que la force devenue première. C’est pour cela que c’est difficile. C’est quelque chose qui continue de vouloir. Je vous ai dit, il ne faut pas consentir à ce vouloir quel qu’il soit, d’où qu’il vienne ! Ne pas consentir à l’existence, ne pas consentir au réel ! Ne pas consentir, ça ne veut pas dire ne pas être investi par la chose. Je ne consens pas à ce que je vis. Mais je le vis quand même. D’où certaines torsions, une certaine angoisse et une série d’avertissements, une série d’indices que quelque chose se fait sans moi. Mais avec un consentement plus profond que le consentement que j’accorde à ma conscience, et à ma supra conscience. 

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Commentaire de 123 Soleil le 29 Juin 2012 à 8:58

Bonjour, je prends le cour de cet échange en route... j'ai envie de dire d'abord Merci, je vis cela aussi et c'est une bénédiction. A propos de mot, le mot agir m'amène à évoquer le verbe Etre, être dans mon agir, un agir qui prend sa source dans l'alpha et peut aller à l'omega

Commentaire de Ann-Pascale le 27 Juin 2012 à 20:22

Agir ..en justesse  dans l'instant en cohérence de soi ....et non réagir ....!

Commentaire de Ann-Pascale le 27 Juin 2012 à 13:52

Merci pour ce texte particulier ........Quant à moi  ,je vis l'instant présent ..juste l'instant ..l'autre instant arrivera en son temps ......!

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