Le Corps et le Fond...
Je vous ai parlé souvent du corps, le corps ce n’est pas quelque chose que nous pouvons immédiatement connaître, imaginer, nous représenter. Nous avons dit : « Oui il y a un corps imaginaire, il y a un corps qui est fait par notre vie… » Un corps qui est sculpté par notre vie, un corps qui est meublé par notre vie, un corps dont les perceptions émanent, sont produites par la vie que nous avons mené, la vie que nous menons.
Poussons un peu plus loin, disons que le corps est marqué par la vie elle-même, par toute la vie cosmique, depuis quelque chose d’indéfini, d’indéterminé. Notre corps porte la trace de l’origine du monde, et donc le corps parle de l’origine, constamment.
C’est ça le sentir, c’est ce que Hegel avait pressenti lorsqu’il parlait de « l’âme sentante », qu’il appelle quelquefois le corps. L’âme sentante c’est le corps. Voyez bien que le corps n’est pas cette matière qui crie quand on la pique, qui se réjouit quand elle jouit… Ce n’est pas ça le corps.
Le corps c’est quelque chose qui est en contact avec les faits, avec le résultat de la confrontation avec moi-même, avec la société, avec le monde, avec les autres, avec le cosmos, et en même temps un contact originel, pour ainsi dire, un contact premier avec l’origine... Nous sommes marqués par l’origine, comme toute chose, que nous portons en nous notre origine.
Il ne s’agit pas de penser l’origine. « Mais qu’est-ce que c’est que l’origine, mais d’où est-ce que je viens ? » Je suis l’origine, mon corps est une manifestation de l’origine. Comprenez bien ça !
C’est pour cela que les sensations du corps sont des sensations qui en même temps nous adaptent avec le monde extérieur tel qu’il est aujourd’hui, et en même temps il nous met en contact avec l’origine, avec l’origine indéterminée, infinie de la réalité, nous ne disons même pas du monde, mais de la réalité telle qu’elle peut être comprise.
Alors, qu’est-ce qui est concret ? C’est, on pourrait dire, l’adoucissement. L’adoucissement des émotions, c’est-à-dire tempérer les émotions.
Les émotions sont des piques qui permettent de sentir, mais par leur violence, par leur manque de douceur, les émotions empêchent de sentir, d’atteindre les zones profondes d’information, que nous appelons un peu grossièrement, les perceptions,.
Il s’agit d’avoir accès à un fond d’information. Il s’agit pour l’homme, de faire exister, de faire exister son fond.
Comme je vous le disais, il s’agit de faire exister l’Etre. Par mon existence je fais être « Etre ».
Alors, il s’agit bien de faire exister ce fond. Qu’est-ce que c’est que ce fond ? C’est un fond d’information.
Il y a un sentir qui est en rapport avec l’origine, avec les processus, ces processus dont on ne peut pas approcher par la compréhension, c’est-à-dire par l’intellect, mais que l’on peut approcher par une confrontation directe au niveau du corps.
Et voyez ici que sentir n’est pas avoir des sensations, sentir c’est pour ainsi dire extraire un invariant dans les informations, dans ce fond d’informations. Fond d’informations dans lequel l’information majeure est la vie.
Et nous avons affaire à quoi ? A quelque chose d’extrêmement intéressant, qui est la conscience. La conscience est un centre de désinformation, et en même temps un centre d’information.
Dans une infrastructure de la conscience, il y a une désinformation, mais dans une superstructure, dans un ordre plus profond, avec lequel la conscience est en rapport, il y a une information.
Alors vous voyez, soyons bien conscients d’une chose, c’est que il y a une conscience inconsciente. Aujourd’hui, la plupart d’entre nous, disons : « Je suis conscient. Je suis conscient qu’il se passe quelque chose, que l’on est en train de danser, que l’on est en train de chanter. » C’est une conscience inconsciente. Une espèce de conscience mécanique, totalement mécanique. « Mais enfin ! Je suis conscient ! » Oui, vous êtes conscient, mais une conscience aveugle !
Et puis, il y a une conscience lucide. Voyez qu’il y a une conscience, dont je vous parlais tout à l’heure, destructrice, qui est une forme, une force de désinformation de nous-mêmes, qui est une présence …
Une présence ? On dit : « Mais je suis présent, je suis conscient ! » Pas du tout ! Ça ne suffit pas d’être présent, quelque part. Quelle est votre odeur quand vous êtes présent ? A ça on va vous reconnaître ! Est-ce que votre corps, qui est marqué à la fois par l’origine et par la succession, et par la séquence dans le temps, émet quelque chose qui est du domaine de la sensorialité ?
Est-ce que, lorsque vous atteignez un certain degré de plaisir, il y a comme la preuve qu’il se passe quelque chose ? Une émission de quelque chose. Une émission d’une odeur !
Alors ne disons pas : « Vous voulez dire une odeur spirituelle ? » Non !!! Une odeur du corps ! Le corps, donc, a la possibilité de pousser ces cris. C’est un des symptômes du corps. Et de même, à certains moments, moi-même je peux, le matin dans ces heures rares du matin, me percevoir dans mon odeur. Et savoir où j’en suis avec moi-même.
Vous voyez, ce n’est pas tellement extraordinaire finalement, l’odeur est une chose concrète, mais qui demande un esprit libre. L’esprit libre, c’est-à-dire non bloqué par mon cirque, le cirque que je fais. Alors, ici, à un certain moment, lorsque l’esprit est libre de ce cirque, de cette comédie, de cette pantalonnade que nous nous jouons continuellement les uns aux autres, quand l’esprit est libre de cette représentation que l’homme se donne à lui-même à chaque instant, lorsque donc il cesse ce jeu, il perçoit, il a une sensorialité qui se développe. Il perçoit quoi ?
De la même façon qu’il perçoit des odeurs, il perçoit ce fond d’information, et du même coup, le percevant, il le fait exister.
Fond commun que j’ai à faire exister, qui est le fond qui précède la vie et qui succède à la vie.
Quelque chose qui est au-delà de l’humain, qu’on appellera peut-être le transcendant, le différent, l’ailleurs, l’au-delà de. Mais ce fond commun il englobe cela qui est, et cela qui est, je vous en prie ne sursautez pas, englobe également cela qui est de n’être pas !
Vous voyez, il y a dans notre vie des moments ou les choses font vrai, et puis des moments ou on pense, on croit, on comprend, on découvre que ça c’est le vrai. C’est autre chose, c’est une pensée, ça passe par l’intellect, c’est le résultat d’un raisonnement, un résultat d’une confrontation entre des pensées, qu’on appelle la raison discursive, des pensées les unes avec les autres.
L’intelligence ne travaille pas avec des pensées. Elle travaille avec des informations qui viennent du fond, d’un fond commun dont sort la réalité, les vivants, le cosmos, le tout, la totalité.
Mounir Hafez
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