Dans le précédent article, nous avons fait connaissance avec Pierre et nous avons dressé le portrait de la victime.:
http://epanews.fr/profiles/blogs/pauvre-petit-pierre
Si comme lui, nous avons pris la décision de jouer le rôle de la victime, nous nous devons de mettre en scène un personnage faible, impuissant, négatif, écrasé par le poids des soucis et des tracas quotidiens.
Mais il n’y a pas de victime sans bourreau ni sauveteur.
La victime est, le plus souvent inconsciemment, en quête d’un sauveteur qui l’aidera à sortir de son état misérable dans lequel elle est « engluée » à cause d’un bourreau qui joue le rôle du persécuteur.
Cette dynamique a été formulée par Stephen B. Karpman et porte le nom de triangle dramatique, appelé aussi le triangle de Karpman.
Ainsi, notre vie se déroule comme une pièce de théâtre ou un film.
Nous sommes amenés à jouer des personnages et notre libre arbitre nous accorde la possibilité de choisir notre rôle : celui de la victime, du sauveteur ou du bourreau.
Nous avons la possibilité d’agir et d’incarner un personnage en sachant que nous pouvons être tour à tour l’un de ces trois acteurs.
Mais en réalité, tout comme un acteur qui incarne un personnage, ces trois attitudes « victime, sauveteur et bourreau » ne sont pas « nous » !
Aucun être humain normalement constitué recherche à être malheureux. On peut donc logiquement se poser la question de savoir quels sont les bénéfices secondaires que la victime tire de cette position de victimisation.
Quels sont les avantages dont elle bénéficie en jouant ce rôle ?
Je dirai que cela dépend du talent de l’acteur.
S’il maitrise à la perfection son rôle, il peut devenir un expert dans l’art de la manipulation.
Par exemple, en parlant à voix basse et en employant un ton monotone, son auditoire sera contraint de tendre l’oreille et de se pencher vers lui.
En faisant des reproches à son entourage, l’amenant parfois à se culpabiliser, il peut ainsi obtenir en retour bien des faveurs.
Que ce soit dans son univers professionnel, au niveau de son couple ou vis à vis de ses amis, sa relation avec « l’autre » sera bien souvent « en dents de scie » et se fera à grands renforts de plaintes, de mécontentements et de larmes.
Ce jeu n’ayant pas d’autre finalité que d’emprisonner « l’autre » dans la relation !
Il faut bien reconnaitre qu’en présence d’une personne ayant choisi le jouer le rôle de la victime, on se sent en général mal à l’aise, ne sachant quelle attitude employer et quels mots prononcer.
Finalement, on en viendra à la fréquenter de moins en moins et dans tous les cas, pour ne pas se faire « bouffer son énergie », on préfèrera limiter au maximum le temps qu’on souhaite lui consacrer.
Comme nous l’avons bien compris, le bourreau est indispensable au fonctionnement de celui (ou celle) qui joue le rôle de la victime et de celui (ou celle) qui joue le rôle du sauveteur.
C’est la raison pour laquelle le triangle de karpman est aussi appelé : « le triangle dramatique ».
Pour jouer le rôle du « méchant loup », le bourreau devra utiliser un discours logique et développer des arguments qu’il considère comme la vérité avec un grand « V ».
Il n’a pas conscience que sa propre carte du monde n’est pas le territoire et que sa vision du monde est forcément subjective.
Le profil psychologique du bourreau est avant tout lié à sa notion personnelle de l’injustice et de la réparation. C’est la raison pour laquelle, il a mis en place tout un système de lois et de règlements auxquels les autres sont priés de se soumettre.
Dans le cas inverse, il « monte facilement sur ses grands chevaux » !
Evidemment pour jouer ce rôle, il ne faut pas hésiter à se mettre en colère et cela à chaque fois qu’une résistance vient jouer le « grain de sable » qui va enrailler sa machine (c’est-à-dire son système de croyances basé sur l’idée qu’il se fait de la perfection).
Oui, le bourreau a une grande estime de soi. Il a besoin de s’affirmer, coûte que coûte !
Mais ne nous y trompons pas. Cette attitude reflète une grande faiblesse !
Il se délecte des situations conflictuelles qu’il a lui-même créées car il a l’art d’être tour à tour juge et avocat.
Comme nous pouvons nous y attendre, c’est la personne qui joue le rôle de la victime qui va en souffrir le plus. Le sauveteur, qui joue le rôle du sauveur, ne sera pas non plus épargné.
Ainsi, il n’hésitera pas à entraîner son entourage dans des situations conflictuelles qui vont entraîner de la souffrance, notamment vis-à-vis de la victime.
Ce qu’il y a de remarquable et de déstabilisant, c’est qu’à partir du moment où le bourreau prend conscience qu’il « a dépassé les bornes », il n’hésitera pas à provoquer certaines personnes pour qu’elles deviennent son propre bourreau !
Je vous propose une liste non exhaustive des attitudes que peut adopter celui (ou celle) qui joue le rôle du bourreau :
Il fait en sorte d’avoir toujours raison, même si pour cela il doit beaucoup en souffrir.
Il a tendance à prévenir ses proches de ce qu’il pourrait leur arriver s’ils ne suivent pas ses conseils.
Il a tendance à « fuir » une situation conflictuelle, parce qu’il n’arrive pas à la faire perdurer.
Il établit régulièrement des rapports de force en utilisant pour cela des menaces ou en provoquant de la crainte vis-à-vis de tous ceux qui s’opposent à sa mauvaise foi, ses coups de gueule ou ses jugements de valeurs.
Il a tendance à dévaloriser ses relations.
Il génère de manière récurrente la peur, la colère et le rejet chez les autres.
Etc.
On peut se poser la question de savoir quels sont les mobiles qui poussent quelqu’un à jouer le rôle de bourreau.
En fait, le bourreau vit dans la peur d’être dominé. Il vit avec le sentiment de ne pas être à la hauteur et, de ce fait, il n’a de cesse de se dévaloriser.
Si l’acteur de ce rôle est vraiment bon, il peut faire en sorte de jouer le rôle de la victime !
Incroyable, mais vrai. Et dans ce cas, il n’hésitera pas à utiliser les mêmes « armes » que la victime en la singeant de manière remarquable.
Méfions-nous donc des apparences. Le loup peut se présenter sous les traits de l'agneau !
Dans ce cas de figure, le bourreau emploie le même langage que les « vraies victimes » du style :
« Après tout ce que j’ai fait pour toi ! Tout le monde profite de ma gentillesse. En Provence, on dirait : « Fais du bien à Bertrand, il te le rend en caguant ! »
« Si j’avais eu la même chance que toi dans la vie, je serais riche aujourd’hui. Je me suis sacrifié pour toi et voilà comment tu me récompenses, etc. »
Ainsi, comme dans le cas de la personne qui joue le rôle de la victime, celui qui joue le rôle du bourreau et qui se fait passer pour une victime a tendance à rendre les autres responsables de son propre malheur. Il est passé maître dans l’art d’accusateur !
Lorsque le bourreau prend conscience que le rôle qu’il interprète cause beaucoup de torts à son entourage et décide de se corriger, il devra apprendre à agir différemment :
Par exemple, il lui faudra :
Apprendre à donner son opinion sans l’imposer à son entourage.
Apprendre à ne pas se mettre facilement en colère en cas de désaccord.
Apprendre aussi la tolérance et reconnaître que les autres peuvent avoir de bonnes raisons d’agir ou de parler, comme ils le font.
Reconnaître que ses amis peuvent avoir parfois raison sur tel ou tel sujet.
Apprendre à être clair dans ses propos en évitant les « non-dits », les malentendus, les allusions.
Apprendre à ne plus formuler des reproches en provoquant chez l’autre un sentiment d’infériorité.
Apprendre à encourager ses proches au lieu de les dévaloriser pour se mettre lui-même sur le devant de la scène.
Apprendre à formuler ses propres désirs au lieu d’imposer sa loi qui n’est que le reflet de sa propre vision du monde et non une théorie qui s’applique à tous.
Etc. (Cette liste n’est pas exhaustive).
Et dans le pire des cas, ne plus avoir un comportement paranoïaque !
En ce qui concerne le rôle du sauveteur, je ne vais pas m’étendre sur le sujet. Il conviendra cependant de déterminer si, sous couvert de vouloir aider les autres, il n’est pas à la recherche d’une validation personnelle ou d’une valorisation.
Il peut avoir le sentiment d’être honnête et sincère, mais dans certains cas, il peut avoir un problème avec son ego.
Un ego à la recherche de l’exploit, de la reconnaissance qui fait que ses actions ne sont pas tout à fait désintéressées.
Et oui, aider peut être parfois la manifestation d’un certain égoïsme !
Commentaires bienvenus
Je crois que beaucoup attendent ce livre avec impatience !
Superbe votre commentaire. Dès que votre livre sera disponible, je serai l'un de vos premiers lecteurs !
J'aime bien :
"Il en va ainsi de nos personnalités, qui en se heurtant les unes aux autres dans le flot de la vie, s’affinent et s’adoucissent, apprennent à lâcher prise pour suivre le courant."
J’ai toujours recommandé à mes enfants d’observer les qualités des autres et de prendre conscience que chacun d’entre nous a de multiples points faibles.
En effet, lorsque l’on constate une qualité chez quelqu’un de notre entourage, il est judicieux de faire des efforts pour l’acquérir. Si on adopte cette attitude en imitant les qualités de dix personnes, on finira par avoir dix qualités.
Si on persévère ainsi durant toute sa vie, on deviendra une personne de « grande qualité » qui inspirera le respect de tous.
Ainsi, si l’on désire progresser dans le cadre de son développement personnel, il est recommandé d’assimiler les qualités d’autrui afin qu’elles deviennent partie intégrante de nous-même.
Il faut bien reconnaitre que nous avons beaucoup plus de facilité à rechercher les défauts des autres et à les critiquer (bien souvent dans leur dos).
J’ai connu des personnes expertes dans l’art de critiquer leur entourage pour se mettre en valeur. J’ai constaté également que celles et ceux qui observent facilement les défauts des autres ont beaucoup de mal à améliorer leur caractère.
A l’inverse, celles et ceux qui font des efforts pour acquérir les points forts de leur entourage se remettent facilement en question et sont capables de se corriger de leurs défauts. Ainsi, leur progression est beaucoup plus rapide.
Prenons un exemple très simple : Si nous souhaitons nous améliorer pour parler une langue étrangère, nous pourrons faire davantage de progrès en observant ceux qui maîtrisent bien la langue plutôt que de critiquer ceux qui ne la maîtrise pas correctement.
En tant que chef d’entreprise j’ai personnellement évité de confier des responsabilités aux personnes qui avaient le don de critiquer leurs collègues de travail.
Plus on se perfectionne dans l’art de repérer les défauts des autres et moins on progresse dans la vie (sur le plan personnel, social, professionnel, etc.). De plus, en agissant ainsi, on finit par perdre la confiance et le respect de notre entourage.
Je pense, Karen, que la société actuelle a engendré un grand nombre d'hommes individualistes qui cultivent le mécontentement et l’insatisfaction. Ceux-ci se laissent dicter leur conduite par leur égocentrisme.
Pourtant mon expérience de vie m’a enseigné que nos difficultés quotidiennes nous offrent de nombreuses opportunités.
Epreuves après épreuves, notre nature égocentrique qui comporte de nombreuses « aspérités » se polie.
On peut donc considérer les phénomènes que nous qualifions de malheureux avec notre intelligence superficielle comme des « pierres à aiguiser ».
On peut facilement se rendre compte que ces « coups durs » de la vie nous invitent à plus d’humilité. Dans ces moments difficiles, on peut également reconnaitre nos véritables amis qui nous accordent bienveillance et compassion.
D’autre part, nos épreuves nous permettent d’être plus à l’écoute de ceux que nous aurons à aider dans l’avenir et qui traversent des moments identiques à ceux que nous avons vécus. Nous serons mieux à même de les éclairer sur d’éventuelles possibilités pour remonter la pente.
Les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs et l’expérience des uns ne sert que rarement à aider les autres. Cependant, notre propre chemin de vie nous permet d’avoir une réelle écoute.
Si nous avons le désir d’influencer les autres, il n’y a rien de plus éloquent que notre propre transformation et notre propre exemple.
« Faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait » est la clé pour toucher le coeur des autres.
Je pense qu’il est inutile d’essayer de convaincre notre entourage par des paroles. Seul notre comportement en accord avec nos propos peuvent influencer positivement ceux qui nous réclament de l’aide.
On parle souvent de leaders charismatiques. Ces hommes de grandes valeurs ne sont pas pour moi des « beaux parleurs » qui font des discours éloquents. Ce sont, avant tout, des hommes et des femmes qui donnent l’exemple et pointent ainsi la direction que nous pouvons prendre si nous le souhaitons. Ce sont des hommes et des femmes qui nous influencent sans chercher à le faire.
Paradoxalement, alors que les moyens de communications n’ont jamais été aussi importants et développés, un grand nombre de personnes éprouvent un sentiment de « vide » dans leur vie.
Ils recherchent l’authenticité et les vraies valeurs. Pour pouvoir les inspirer, donner l’exemple devient de plus en plus important. C’est la raison pour laquelle, en observant notre comportement joyeux et harmonieux, ils peuvent être profondément touchés au niveau de leur coeur et de leur âme.
Ma conclusion qui rejoint vos propos :
Nous ne pouvons pas changer les autres. Par contre, nous pouvons les influencer positivement par notre exemple et notre propre transformation. Ils pourront ainsi avoir le désir de se corriger et de transformer certains aspects de leur vie.
Me concernant, j'en arrive à la même conclusion que vous, ma chère Karen.
Merci Karen pour ce commentaire. Je crois en effet, que tout au long de notre vie nous "jouons" ces trois personnages avec plus au moins d'intensité. J'ai tendance pour ma part, à jouer plus ou moins le rôle du sauveur. J'y ai laissé pas mal de plumes ! Mais la vie est si belle ...
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