Quand les bébés entrent dans le Bois sacré
Aux basques du photographe accro à la grande initiation, particulièrement en pays bassari et diola, j’ai répondu à l’appel de Baila dont les fils entraient dans le Bois Sacré, en 2007. Le dernier Bukut, fabuleuse cérémonie de délivrance de visa pour l’âge adulte, remontait à 1971. C’est dire. Mais Dieu merci l’antique mesure interdisant à un non initié, quelque soit son âge et sa fortune, de prendre femme ou d’avoir un enfant, n’est plus de saison…
Pendant quatre jours, nous avons vibré avec les fils de Baila. Pas un n’avait raté le rendez-vous capital et certains venaient des confins du monde. Mandemory a couru, ensorcelé, La Photo, qui dirait, à elle seule, l’âme secrète du Diola. Le journaliste de service, plus modeste, s’est mis à l’écoute de Baila. Pour en percevoir la puissante respiration, et, consigner, raconter, témoigner…
Comment oublier les grandes figures du beau village qui, jadis, avait nom Banéré ? Dans la galerie prestigieuse, le puissant Afankaran Omar Coly, le chef du Bois sacré, le paisible Um Fally Diémé, né en 1924, qui vivait son quatrième Bukut (Ndlr : 1926, 1945, 1971, 2007) et le magnifique Djakoye Goudiaby, directeur d’école à la retraite et non moins membre éminent du Conseil des Sages. A Baila, la responsabilité des couteaux, haches et autres coupe-coupe dans le Bois sacré incombent aux Goudiaby, un honneur tranchant je suppose.
Pour dire le vrai, tout était beauté à Baila, mais, c’est connu, il n’y a pas de beau voyage sans coup de cœur. Nous étions dans la cour de la vaste demeure du Sage Yaya Coly, qui dans une vie antérieure avait été honorable député du peuple. Et voilà que nous tombons sur une bande de mômes en fête, la veille de l’entrée des « grands » dans le Bois sacré. Excités, les gamins couraient, virevoltaient, chantaient et dansaient, dans des accoutrements magnifiques. Sous l’œil vigilant de Aminata, la benjamine de la famille Coly, dont le fils Salmina Sané, 5 ans, devait être initié.
Aminata Coly nous a avoué « sa légère peur » face à l’épreuve qui attendait son fils chéri. « La séparation à venir me pèse déjà», a-t-elle soufflé - quand je lui ai demandé comment elle vivait « ça ». Peur du Bois sacré, peur de l’inconnu. Mais Aminata est réconfortée par l’attitude des enfants : « Tous les enfants que vous voyez ici sont de notre famille. Ils sont contents. Ils n’ont peur de rien … Dans le Bois sacré, ils seront bien protégés. Ils feront leur entrée dans la dernière semaine du rituel dans le Bois sacré». Son petit Salmina Sané a suivi toutes les étapes de la préparation au rite de transition. Le petit a fait le tour de ses oncles. Dans chaque demeure, on lui a coupé une touffe de cheveux et offert un taureau et de multiples cadeaux. Il est même allé à Kabiline, le village de sa grand-mère, pour connaitre les membres de la lignée maternelle. Il en est revenu, fier, « avec un très gros taureau ». Aminata Coly jure d’être forte et « de ne pleurer qu’au retour des enfants ».
Puis elle fêtera son fils, devenu adulte l’espace de 7 jours d’accomplissement.
Je revois encore les bébés, dans les bras de leur mère, défilant la veille chez le vieux Um Fally Diémé, la mémoire du Bukut à Baila, pour se faire ôter une touffe de cheveux. Ces bébés, encore au sein, ne passeront que quelques heures dans le Bois sacré, des heures capitales qui changeront tout. Initiés, les bébés auront le même statut que papa dans le village. En vérité, les bébés de Baila sont sans peur et sans reproche.
Souleymane Ndiaye
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