Depuis les années cinquante, la production de spermatozoïdes a diminué de moitié chez le mammifère mâle humain. Depuis une vingtaine d’années c’est l’érection qui diminue à partir de l’âge de trente ans.
Les hommes ne s’en veulent pas foncièrement entre eux. Quand ils cherchent à prendre le pouvoir ce n’est pas de prime abord contre d’autres hommes. Si cela arrive c’est parce que l’un d’entre eux veut garder sa position et les avantages qu’elle lui procure. La peur de perdre fait réagir instinctivement notre possesseur par l’attaque, la défense ou la fuite.
Mais alors, si les hommes ne s’en veulent pas entre eux, pourquoi réagissons-nous comme des bêtes? Ce n’est pas contre quelqu’un qui nous fait réagir ainsi, mais bien pour quelqu’un. Nous voulons une notoriété pour l’accès qu’elle donne au monde des femmes. Nous voulons le beurre et l’argent du beurre. Nous savons qu’une position élevée dans n’importe laquelle des hiérarchies d’une société est un aimant de sollicitation. Plus nous sommes exposés, plus nous avons de l’argent et plus nous sommes en demande. Le pouvoir associé à la notion de réussite. La visibilité qui confirme cette réussite. Qu’il s’agisse d’une vedette de cinéma, d’un chanteur pop, d’un premier ministre ou d’un président d’entreprise, ils sont juchés haut et peuvent voir de loin les femmes qui les intéressent. Fantasme qui n’est pas partagé par l’ensemble des hommes, certes, ou bien c’est la résignation qui a pris le dessus.
Au-delà de ces cas de figures, il est possible d’avoir une certaine aura de pouvoir dans n’importe quel milieu. Un chef cuisinier, un maître d’hôtel, un serveur dans un bar sont autant de possibilités d’attraction à plus petite échelle. Par contre, si le travail ne se concilie pas avec la possibilité d’être sollicité par de nombreuses femmes, le travailleur sera à l’inverse celui qui sollicitera pour obtenir ce qu’il souhaite. Les personnages connus, publics, subissent moins de pression pour développer leur capacité de drague. Leur position sociale réduit considérablement cette « obligation ». Ils ont déjà un pas en avance dans les préliminaires. Adolescents, nous étions une belle petite gang à rêver d’être adulés, recherchés, désirés afin de vivre une sexualité sans borne. Dès lors, notre sensation d’érection et de jouissance nous indiquait que pour demeurer dans ces états il nous fallait viser les plus hauts sommets, que notre appréciation de nous-mêmes passait par la sexualité et qu’il devait certainement en être ainsi pour les femmes avec qui nous aurions des relations. Le mythe de la performance.
D’ailleurs, quel serait notre but sur terre si nous n’arrivions pas à satisfaire quelqu’un et nous-mêmes par la sexualité? Nous pouvons accepter (nous résigner?) de ne pas avoir un travail qui invite à la sollicitation constante. Ce n’est qu’un morceau que nous utilisons dans notre puzzle de définition d’homme. Et cela est possible parce qu’il nous reste le sexe. Sauf que les trentenaires d’aujourd’hui connaissent des pannes érectiles très tôt dans leur vie. Quelques études attribuent ces faits à la pratique de la masturbation par l’intermédiaire d’Internet. Vrai ou faux? Épiphénomène? Épidémie de perte d’érection? Toujours est-il que pour continuer d’être un homme et se démarquer comme tel, une position sociale serait sans valeur si en contrepartie la sexualité en est absente pour la seconder. On imagine difficilement qu’une bête de scène puisse ne pas être une bête de sexe en retour. Ça se peut comme pas, en bon français.
Les héros, les riches, les vedettes ont le privilège des plus belles femmes. Il y a des millions d’hommes qui voudraient en être. Et ces plus belles femmes, se sachant rares, précieuses, inaccessibles, acceptent de jouer le jeu. Le cercle est vicieux. Les uns achètent, les autres se vendent. La prostitution dans les deux sens se mange la queue. Je n’irai pas jusqu’à faire le lien entre la perte d’érection de plus en plus tôt chez les hommes et l’apparition sur le marché de la pharmacopée des produits comme le Cialis, le Viagra. Au pire, je pourrais attribuer cela aux probabilités des recherches et découvertes par « hasard ». Ce ne serait pas plus opportun d’établir une corrélation entre la perte progressive des spermatozoïdes, l’absence d’érection et les nouvelles technologies de clonage, la fécondation in vitro ou l’insémination artificielle. Ça sentirait la conspiration à plein nez.
Non, je m’en tiendrai au fait qu’un des aspects les plus fondamentaux pour l’homme, son érection en tant qu’être humain de sexe mâle et de genre masculin, a toujours été l’une de ses premières caractéristiques sur lesquelles il a bien voulu fonder son identité. Pour la renforcir il s’est outrageusement mis de l’avant, sur la scène en jouant la comédie du bon gars, du prince qui a tout à offrir mais surtout son envie de sexe. Il a cru à sa propre performance et l’imposa comme réalité. Aujourd’hui, pour éviter de la perdre, il fait appel aux petites pilules car comment une femme se satisferait d’un homme qui ne baise plus? Que pourrait-il lui offrir d’autre, lui qui avait du sexe en échange de tout le confort, du rêve à profusion, du fantasme réalisable qu’il pouvait procurer?
L’exigence de la baise, de l’érection à satisfaire, cette peur d’homme à n’être rien dans cette impossibilité de continuer de bander est la nouvelle pandémie psychologique. En attendant de passer à autre chose, Big Pharma se fait rassurante. Elle nous invite à conserver une place de premier plan en tant qu’étalon. Elle repousse le chemin de l’abattoir de ceux qui ne peuvent plus monter de manière naturelle. Les hommes qui ne bandent plus se demandent où est leur place dans une société de séduction, de libre sexualité. Comme les gens à la retraite ils se demandent ce qu’ils peuvent bien valoir dans un marché qui ne veut plus d’eux. L’enjeu est inimaginable. Le peur, mortelle. Saurons-nous relever le défi et accéder à l’essentiel de nous-mêmes?
ÉDITIONS 180 DEGRÉS
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