Il semblerait que nos états d’âme modifient notre ADN.
En effet, de nombreux chercheurs ont constaté que nos expériences, nos émotions, nos actions façonnent en permanence l’expression de nos gènes. On avait déjà fait le constat que le stress et les traumatismes psychiques influent à la fois sur les comportements et sur la santé.
Ce qu’il y a de nouveau dans les récentes découvertes c’est qu’ils attaquent directement l’ADN.
Sigmund Freud avait déjà fait en son temps, le constat, que les violences, les mauvais traitements, les abus sexuels, les abandons et autres traumatismes psychologiques laissent une trace indélébile à l’âge adulte.
Les plus récentes études cliniques confirment que ceux qui ont subi de grands traumatismes dans l’enfance sont globalement plus sujets à la dépression, à la toxicomanie, aux comportements asociaux, mais aussi à l’obésité, au diabète et aux maladies cardiovasculaires. D’autre part, ce mal-être s’ancre parfois en nous avant la naissance.
D’autres études, non moins sérieuses, montrent que les enfants dont la mère a subi un stress psychologique prolongé ou un traumatisme psychique intense pendant la grossesse ont plus de risques que les autres d’être anxieux, dépressifs, voire schizophrènes. C’est un fait que la psychologie a établi et qui fait consensus : il existe un lien entre traumatismes psychiques et comportements.
L’esprit agit donc sur le corps.
La biologiste australo-américaine Elizabeth Blackburn, prix Nobel de médecine 2009, et Elissa Epel, psychiatre à l’université de Californie, l’ont démontré en 2004 en comparant l’ADN de mères d’enfants en bonne santé à celui de mères d’enfants atteints d’une maladie grave et chronique, comme l’autisme ou un handicap moteur et cérébral.
Chez ces dernières, soumises au stress psychologique chronique, l’ADN présente des signes de vieillissement précoce. Comme s’il était « rongé » par l’angoisse. Plus précisément, c’est l’extrémité des chromosomes qui est atteinte. En effet, au cœur des cellules, l’ADN est condensé sous forme de chromosomes, à l’extrémité desquels se trouvent des « capuchons » appelés télomères qui les protègent de l’érosion au fil des divisions cellulaires. Cependant, ils raccourcissent progressivement au fur et à mesure que la cellule vieillit.
Or, chez ces mères angoissées, les télomères sont anormalement courts, reflétant un vieillissement accéléré de 9 à 17 ans !
« Nous observons ainsi un lien direct entre les émotions et ce qui se passe dans la cellule. Nous avons aussi constaté que lorsque le niveau de stress diminue la longueur des télomères augmente ! » nous précise Elissa Epel.
D’autre part, l’état de stress inscrit sa marque directement sur nos gènes, modifiant de façon ciblée et durable certains de nos comportements. Cette action relève d’un phénomène biologique dont l’importance se dévoile de plus en plus aujourd’hui : l’épigénétique, terme désignant les modifications chimiques qui affectent l’ADN, autres que les mutations qui touchent la structure même de la molécule.
Les scientifiques sont encore loin de pouvoir faire la part du biologique dans les maladies psychiatriques. Cependant certaines données sont troublantes : c’est parfois en remontant très loin dans l’histoire d’un individu, avant sa naissance, que l’on trouve la « source » de la maladie.
Ainsi en 2008, une étude danoise menée sur 1,38 million de femmes a montré que le fait d’être confronté à la maladie ou au décès d’un proche juste avant ou pendant la grossesse augmente de 67 % le risque de schizophrénie chez l’enfant à naître.
Les émotions positives peuvent heureusement, elles aussi, laisser leur empreinte.
En 2008, des travaux menés au Massachusetts General Hospital ont montré que huit semaines de relaxation suffisaient à modifier l’expression de plusieurs centaines de gènes, selon un profil totalement opposé à celui induit par le stress. Par ailleurs, une nouvelle étude menée à l’université de Saarland, à Hambourg, vient de montrer que l’activité physique ralentit le raccourcissement des télomères dans les globules blancs. De son côté, Elissa Epel lance une étude pour étudier les effets de la méditation sur la longueur des télomères.
Ainsi, contrairement à ce qu’affirmaient les scientifiques dans les années 1990, nous ne sommes pas uniquement le produit de nos gènes. Nos expériences, nos émotions, nos actions façonnent l’expression de ces gènes en permanence. Avec la certitude que rien n’est irrémédiable.
Une étude célèbre, menée en 1992 sur la famine ayant frappé les Pays-Bas en 1945 tend à prouver que l’empreinte de nos expériences au cœur de nos cellules, le marquage épigénétique de nos gènes peut se transmettre à la descendance et lui faire ainsi subir le poids de notre passé.
En réaction au manque de nourriture, les bébés conçus à cette période étaient plus petits que la moyenne, et avaient plus de risque, à l’âge adulte, d’être atteints de diabète ou de maladie cardiovasculaire. Ce qui est étonnant, c’est que leurs propres enfants souffrent eux aussi d’un faible poids de naissance et d’une mauvaise santé. L’empreinte épigénétique laissée par la famine a été transmise sur deux générations et semble en être la cause.
Source : SCIENCE & VIE - Mars - 2010
Commentaires bienvenus
Ho ! c'est super ! De même que les travaux de Luc Montagnier sur la mémoire de l'eau (j'ai vu ce titre aussi sur epanews quelque part) :
http://www.ouvertures.net/luc-montagnier-retrouve-memoire-eau/
Là aussi, ça fait beaucoup de "peut".
En tout cas merci Karen de participer, j'ai un peu l'impression de surinvestir le sujet (même si je n'en sais pas plus) et les questions que tu poses sont vraiment pertinentes.
Une partie des "histoires" familiales qui étaient considérées comme influentes sur le comportement par le biais d'impression lors de l'éducation, peut (je dis bien peut, pas certaine) se voir "emmagasinée" dans cette partie de l'ADN. Surtout si cette "histoire" a eu un gros impact en son temps.
Il peut en outre, s'agir de comportements familiaux qui se justifiaient à une époque et n'ont plus cours, seraient même contre-productifs ?
Exemple, pour ne pas stigmatiser, toujours les populations déjà (bien assez) stigmatisées, on va changer : les populations bourgeoises ou même noble à une époque et qui ont "perdu leurs statuts", continuent à perpétrer des attitudes et comportements qui peuvent se montrer contre productifs pour les descendants qui ne sont plus du tout des "nobles" ou des bourgeois.
On ne sait que très peu encore en matière de génétique, mais y a 98 % du génome humain est "non codant", ils tendent même à l'appeler "matière sombre", comme celle de l'univers.
http://www.journaldelascience.fr/genetique/articles/des-geneticiens...
Si le patrimoine génétique s'inscrit à la conception, le fait sur le modèle des ADN disponibles (parents)
et si l'un d'eux (ou même les deux) a vu ses informations génétiques marquées par un "traumatisme" (la stigmatisation en est un),
Il est possible que l'information, se transmette ?
Cela fait beaucoup de "si", c'est vrai.
Une expérience de catégorisation induisant l'impuissance acquise dans une autre population stigmatisée :
http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&...
Les résultats présentés par Patrick, confirment ce que beaucoup (dont moi) pensaient : la stigmatisation, les inégalités sur des critères subjectifs ou "culturels" ont une portée bien plus grave, qu'on ne le pense (en particulier sur les concernés) puisque le vécu des stigmatisé peut s'inscrire dans leurs gênes.
La bonne nouvelle, est que ce n'est pas définitif.
L'objectivation féminine :
http://nous-et-les-autres.blogspot.be/2012/10/etre-un-objet.html
J'ai lu beaucoup de travaux qui vont, effectivement dans ce sens.
Les empreintes remontent même aux générations antérieure à la naissance du bébé.
Déjà, bien avant ces découvertes en génétique, les psychiatres savaient que certaines maladies (comme la Schizophrénie) ou certains syndromes comme celui du spectre autistique, ont possiblement, pour origine ce qu'ils appelaient les "secrets de famille".
Ces secrets pouvaient remonter à plusieurs générations.
Des familles où certains évènements ou certains "personnages", "faits" sont entourés d'une sorte de "non dit", de "silence" tout en restant omniprésents. Des faits ou comportements qui, une fois la lumière faite (quand c'est possible) peuvent s'avérer, aujourd'hui, presque ordinaires, mais qui à l'époque des "aïeux" qui ont généré cet espèce d'égrégore familial, ça devait représenter une grande importance.
Cela peut être un cousin, un frère, une soeur, tante....lointain qui a vécu quelque chose, à cette époque là, ou eu un comportement, à cette époque là, encore tabou.
Et effectivement, d'autres travaux soulignent l'impact d'intériorisation de l'impuissance apprise : les peuples qui furent longtemps opprimés (conférer les travaux sur les populations minoritaires dans un milieu quand même ségrégationniste : les USA) les "classements" de personnes dans des secteurs professionnels (conférer les travaux sur la présence des filles dans les filières scientifiques).
Dans ces tests, si une remarque ou une injonction concernant la "différence" entre des candidats représentatifs d'une population "stigmatisée", les résultats aux tests sont moins bons, que si tous les candidats sont "traités" à égalité dès le début (pas de remarque, pas de test -comme le fait de faire essayer des robes ou maillots de bains à des filles et des garçons, les résultats des filles sont moins bons que ceux des garçons, mais également, moins bons que s'il n'y a pas cette séance d'essayage-).
Je vais essayer de vous retrouver quelques uns de ces travaux.
Ho ! en voilà un sujet intéressant !
Pour ajouter un commentaire, vous devez être membre de ‘épanews’.
Rejoindre épanews (c'est gratuit)