"Tous les êtres mentaux développés, du moins ceux qui dépassent la moyenne, doivent, d'une façon ou d'une autre, à certains moments de l'existence et dans certains buts, séparer les deux parties de leur mental : la partie active, qui est une usine de pensées, et la partie réservée, maîtresse, à la fois Témoin et Volonté, qui observe, qui juge, rejette, élimine ou accepte les pensées, ordonnant les corrections et les changements nécessaires; c'est le Maître de la maison mentale, capable d'indépendance. Mais le yogi va encore plus loin; il est non seulement le maître du mental, mais, tout en étant dans le mental, il en sort pour ainsi dire, et il se tient au-dessus ou tout à fait en arrière, libre. Pour lui, l'image de l'usine de pensées n'est plus valable, car il voit que les pensées viennent du dehors, du Mental universel ou de la Nature universelle, parfois formées et distinctes, parfois sans forme, puis elles reçoivent une forme quelque part en nous. Le travail principal de notre mental est de répondre et d'accepter ou de refuser ces ondes de pensée (de même pour les ondes vitales et les ondes d'énergie physique subtile), ou de donner une forme mentale personnelle à cette substance mentale (ou aux mouvements vitaux) venus de la Nature-Force environnante. J'ai une grande dette envers Lélé pour m'avoir montré ce mécanisme : "Asseyez-vous en méditation, me dit-il, mais ne pensez pas, regardez seulement votre mental; vous verrez les pensées entrer dedans. Avant qu'elles ne puissent entrer, rejetez-les, et continuez jusqu'à ce que votre mental soit capable de silence complet." Je n'avais jamais entendu dire avant, que les pensées puissent venir visiblement du dehors dans le mental, mais je ne songeai pas à mettre en doute cette vérité ou cette possibilité; simplement, je m'assis et fis comme il m'était dit. En un instant, mon mental devint silencieux comme l'air sans un souffle au sommet d'une haute montagne, puis je vis une, deux pensées venir d'une façon tout à fait concrète, du dehors. Je les rejetai avant qu'elles ne puissent entrer et s'imposer à mon cerveau. En trois jours, j'étais libre. À partir de ce moment, l'être mental en moi devint une Intelligence libre, un Mental universel. Ce n'était plus un être limité au cercle étroit des pensées personnelles, comme un ouvrier dans une usine de pensées, mais un récepteur de connaissance qui recevait des cent royaumes de l'être, libre de choisir ce qu'il voulait dans ce vaste empire de vision et ce vaste empire de pensée."
Parti d'une petite construction mentale où il se croyait à l'aise et très éclairé, le chercheur regarde derrière lui et il se demande comment il a pu vivre dans pareille prison. Il est frappé surtout de voir comment pendant des années et des années, il a vécu entouré d'impossibilités, et comme les hommes vivent derrière des barrières : " On ne peut pas faire ceci, on ne peut pas faire cela, c'est contraire à telle loi, contraire à telle autre, c'est illogique, ce n'est pas naturel, c'est impossible..." Et il découvre que tout est possible, et que la vraie difficulté est de croire que c'est difficile. Après avoir vécu vingt ans, trente ans dans sa coquille mentale, comme une sorte de bigorneau pensant, il commence à respirer au large.
Et il s'aperçoit que l'éternelle antinomie intérieur-extérieur est résolue, qu'elle aussi faisait partie de nos calcifications mentales. En vérité, le "dehors" est partout dedans! nous sommes partout! l'erreur est de croire que si nous pouvions réunir d'admirables conditions de paix, de beauté, de campagne solitaire, ce serait beaucoup plus facile; parce qu'il y aura toujours quelque chose pour nous déranger, partout, et que mieux vaut se résoudre à briser nos constructions et à embrasser tout ce "dehors" - alors nous serons partout chez nous. De même pour l'antinomie action-méditation; le chercheur a fait le silence en lui et son action est une méditation (il entreverra même que la méditation peut être une action); qu'il fasse sa toilette ou qu'il règle ses affaires, la Force passe, passe en lui, il est à jamais branché ailleurs. Et il verra enfin que son action devient plus clairvoyante, plus efficace, plus puissante, sans pour autant empiéter sur sa paix : "La substance mentale est tranquille, si tranquille que rien ne peut la troubler. Si les pensées ou les activités viennent... elles traversent le mental comme une bande d'oiseaux traverse le ciel dans l'air immobile. Elles passent, ne dérangent rien, ne laissent pas de traces. Même si un millier d'images ou les événements les plus violents nous traversaient, l'immobilité tranquille resterait, comme si la texture même du mental était faite d'une substance de paix, éternelle et indestructible. Le mental qui est parvenu à ce calme peut commencer à agir, il peut même agir intensément et puissamment, mais il gardera toujours cette immobilité fondamentale, ne mettant rien en mouvement par lui-même, recevant d'En-Haut et donnant à ce qu'il a reçu, une forme mentale, sans rien y ajouter de son cru, calmement, impartialement, mais avec la Joie de la Vérité et la puissance, la lumière de son passage."
Faut-il rappeler que Sri Aurobindo dirigeait alors un mouvement révolutionnaire et préparait la guérilla dans l'Inde?
Extrait "SRI AUROBINDO ou l'aventure de la conscience" Satprem (p.60-62)
Vidéos : Mantra OM http://epanews.fr/video/om-mantra-chant-1
La Symphonie du Nouveau Monde http://epanews.fr/video/symphonie-no-9-adagio-allegro-molto-antonin...
Commentaires bienvenus
Dans la Concentration de la Présence, apparaît la Conscience-Témoin qui, paisible, observe et ajuste le mental.
Le Témoin est en quelque sorte notre Masculin, cette Conscience qui veille, qui donne son Attention aux pensées, aux émotions, à la blessure du Féminin... pour les transmuter, les intégrer, vers l'Unité, l'Harmonie en Soi...
La Méditation est un moyen à s'offrir régulièrement pour installer cette Connexion, puis la rendre de plus en plus automatique dans le quotidien, en étant Présent à Tout ce qui est, autant dans l'action que dans la méditation.
Sri Aurobindo montre clairement que nos pensées ne sont pas nous : elles viennent de l'extérieur à notre insu. L'Être en Soi ne saurait s'y identifier, comme le fait la personnalité en toute inconscience.
Se libérer par la Présence, c'est pouvoir choisir Consciemment ses pensées dans le domaine de la Connaissance de son Être divin.
La Libération c'est se connecter à notre Être véritable tout en restant relié au monde extérieur. Ce n'est plus l'époque des méditations dans des grottes pour quelques Initiés.
Relier l'intérieur et l'extérieur dans notre action, pour changer le monde...
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