Water Makes Money (le film « citoyen »)

Water Makes Money (le film « citoyen »)

 

 

un film réalisé par Leslie Franke et Herdolor Lorenz

en coopération avec Christiane Hansen, Jean Luc Touly, Marc Laimé, Markus Henn et aquattac

une co-production de KernFilm avec Achille du Genestoux et La Mare aux canards

La plupart des humains ne se rendent compte de la valeur d’une chose que lorsqu’elle leur manque : l’eau fait partie de ces choses. Un être humain est constitué à 70% d’eau. Il lui faut refaire le plein sans cesse sinon c’est la mort au bout de 3 jours. C’est pourquoi l’eau, nourriture de base indispensable, a toujours été un bien public, géré publiquement. Jusqu’à aujourd’hui l’approvisionnement en eau dans le monde entier, est à 80% encore public. L’eau potable et l’assainissement sont toujours un monopole local. Nulle part au monde ne circulent dans les mêmes tuyaux, des eaux distinctes, de fournisseurs concurrents. Un marché est impensable. Qui privatise malgré tout ce service vital, remplace un monopole public par un monopole privé.

Bande annonce du film

https://www.youtube.com/watch?v=jNRDIc1VHqo

 

 

Pourtant c’est exactement ce qui se passe actuellement, partout dans le monde, au nom de la concurrence et du marché, lorsque des multinationales de l’eau comme Veolia et Suez, frappent à la porte de communes à court d’argent. Veolia, multinationale née en 2003, à la suite du plus important crash financier de l’histoire en  France, celui de Vivendi Universal, – Veolia donc est présente dans au moins 69 pays sur les cinq continents et en cela le N°1 incontesté de la gestion privée de l’eau. En Allemagne, la multinationale française a réussi, par des participations dans les services des eaux de plus de 450 communes, à prendre la première place dans l’approvisionnement  en eau potable et le traitement des eaux usées. Les multinationales françaises annoncent tous les jours de nouvelles conquêtes. Ils promettent l’efficacité, des financements avantageux et le développement durable. Cependant, chez eux, en France, on leur fait de moins en moins confiance….

Le « modèle français »

C’est précisément là où Veolia et Suez fournissent l’eau de 8 citoyens sur 10, que de nombreuses communes veulent se débarrasser des deux entreprises, l’opacité, la mauvaise qualité de l’eau, une augmentation continue des prix et l’abus de leur situation de monopole, voilà les reproches qu’on leur fait. Les communes ont du mal à contrôler si les prix facturés correspondent bien au travail effectué. Est-ce que les milliards de redevances payés pour la réparation des tuyaux ont bien été utilisés à cet effet ?  L’argent de l’eau des communes françaises n’a-t-il pas financé l’expansion mondiale de Suez et de Veolia ?

À Paris, au cœur de leur pouvoir, les géants de l’eau ont déjà une plaie dangereuse. La capitale et plus de cent communes françaises ont décidé de reprendre le contrôle de ce service vital. À la fin de cette année Veolia et Suez devront faire leurs valises à Paris. La gestion de l’eau redeviendra communale.

Un film « citoyen »

Le film « Water Makes Money » veut informer sur cette évolution actuelle. Il veut montrer les leçons que Paris et d’autres communes françaises ont tiré de la domination de Veolia & Co et comment elles réussissent à reprendre l’eau en régie publique. Des exemples européens et américains complètent le film qui deviendra ainsi un cas d’école pour le monde entier. « Water Makes Money » donnera du courage : l’eau aux mains des citoyens/citoyennes c’est possible !!!

« Water makes money » est un film « citoyen » financé par ceux qui veulent le voir, le montrer, qui ont besoin de cette aide pour mieux comprendre. La constante progression de la privatisation de l’eau, indispensable à notre vie, n’est pas inévitable. Il est important de transmettre l’information, par exemple par l’image qui bouge et parle. Les derniers films de Leslie Franke et Herdolor Lorenz « Eau : service public à vendre » et « Bahn unterm Hammer » (film sur les intentions de privatisation de la « Deutsche Bank » allemande) ont montré, des milliers de fois, l’efficacité qu’un tel film peut avoir pour la prise de conscience et combien un tel projet est éclairant et capable de mobiliser.

 


Water makes money

L’irrésistible expansion des privatiseurs mondiaux de l’eau ?

À l’échelle mondiale l’approvisionnement en eau est encore à plus de 80% public. Mais partout où des communes à court d’argent cherchent un soulagement financier, Veolia et Suez, les 2 multinationales les plus importantes, frappent à la porte. Veolia à elle seule, a réussi, pendant les 10 dernières années à prendre en charge l’approvisionnement de plus de 450 villes allemandes ou d’y prendre des participations. Entre temps la multinationale française et ses participations dans l’assainissement et l’eau potable se trouve être pratiquement le distributeur d’eau le plus important en Allemagne à égalité avec Gelsenwasser.
Ces succès expansionnistes sont identiques en Pologne, dans les républiques baltes, Lettonie, Estonie, Lituanie, en Tchéquie, en Slovaquie, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis et même en Chine où Veolia proclame constamment la signature de nouveaux contrats. Lorsque en Californie il y a risque de pénurie d’eau, Schwarzenegger reçoit Henri Proglio, le PDG de Veolia. C’est à lui que s’adresse en premier lieu le président chinois lorsque ce pays décide d’un programme de 100 milliards de dollars pour le renouvellement du système de traitement des eaux usées.

Veolia et Suez sont présents dans 69 pays sur les 5 continents. Est-ce l’ascension irrésistible de deux géants de l’eau, traçant leur voie en direction de l’hégémonie mondiale d’une eau privatisée ?

Au cœur du pouvoir

A Paris précisément, au siège des multinationales, on voit cela d’un tout autre œil. Avec plus d’une centaine d’autres collectivités territoriales, Paris a décidé de reprendre le contrôle de l’« élixir de vie » : l’eau. Lorsque les contrats avec Veolia prendront fin, ces services vitaux devront retourner en régie publique.
A ce sujet, Paris revêt une importance particulière. Les contrats avec Veolia et Suez arrivent à échéance fin 2009. En novembre 2008, Anne Le Strat, maire adjointe chargée de l’eau et présidente de « Eau de Paris », a annoncé publiquement que la ville allait reprendre en mains l’approvisionnement en eau à partir du 1.1.2010. Dans les revues spécialisées, la gracieuse Verte est déjà comparée à Margaret Thatcher. Dans un monde obsédé par la privatisation où la Dame de Fer ouvrait la voie à l’ère du néolibéralisme, Anne Le Strat reprendrait le flambeau du retour au service public.

Comment se fait-il que, précisément dans la patrie de Veolia, de plus en plus de communes s’en détournent ?

Modèle France

La base de l’expansion mondiale de Veolia, est ce qu’on appelle « le modèle français de gestion de l’eau ». D’après ce modèle, 8 Français sur 10 achètent leur eau à un fournisseur privé ; dans les agglomérations urbaines, cette proportion atteint même 9 sur 10. Trois entreprises se partagent ce marché : à leur tête Veolia puis, et souvent liées par une collaboration avec Veolia, Suez et de moindre taille, la Saur. À elles trois, ces entreprises forment un monopole structurel opaque, qu’elles ont même, depuis les années 80, étendu aux médias, notamment à la télévision française. Veolia a des intérêts dans Canal Plus, la Saur dans TFI et Suez dans M6.

Cette position dominante facilite les abus les plus divers, notamment pour Veolia, qui dans de nombreuses villes ne contrôle pas seulement l’eau mais presque tous les secteurs du service public, l’électricité, le gaz, le traitement des ordures, le chauffage urbain, le nettoyage municipal, les transports en commun de proximité, les cantines, les services sanitaires : dans tous ces domaines, Veolia Environnement SA dispose d’un programme complet de services communaux pour zones urbaines de toutes tailles. De nombreuses villes françaises, mais aussi anglaises, allemandes et du monde entier ont volontiers recours à cette offre, parce que Veolia dispose d’un savoir-faire inégalé notamment dans les domaines de la recherche-développement et de ce que l’on appelle aujourd’hui l’ingénierie financière. En cette période de caisses publiques vides, les compétences en ce domaine sont au moins aussi importantes que la maîtrise technique des problèmes de gestion de l’eau. C’est ainsi que bon nombre de municipalités courent le risque de « se faire avoir » par Veolia.

L’ingénierie financière est le savoir-faire le plus important

En 2003, l’association citoyenne toulousaine „Eau Secours 31″ découvrit la véritable nature de ce qu’on appelait alors le „ticket d’entrée », celui que la Compagnie Générale des Eaux (aujourd’hui Veolia) a payé lors de la signature du contrat de concession avec Toulouse. Ces 473,5 millions de FF, Dominique Baudis, le maire de l’époque, les présentait comme une véritable prouesse dans le deal avec Veolia. Avec cette somme, la ville pouvait boucher les trous de son budget, subventionner la construction de quelques bâtiments publics et baisser les impôts locaux.
Peu après, l’association « Eau Secours 31 » est tombée sur un passage resté secret du contrat de concession. Celui-ci prévoit une augmentation du prix de l’eau pour financer le droit d’entrée. Ce n’était plus Veolia mais bel et bien l’usager toulousain qui payait le ticket d’entrée. De sorte que, d’ici à la fin 2020, date prévue d’échéance du contrat, Veolia aura encaissé plus du triple de son prétendu « cadeau à la ville ». Un joli profit supplémentaire pour Veolia ! Mais les augmentations de redevances sont également des impôts déguisés. Ce que les usagers toulousains paient en réalité, ce sont les dépenses somptuaires de la ville, financées par le droit d’entrée. C’est illégal depuis 1995. En France, la loi spécifie que les taxes payées par les usagers de l’eau ne peuvent être affectées à un autre usage que l’eau.

Pierre Cohen, le nouveau maire de Toulouse, élu en mars 2008, aspire à rompre dès que possible ce contrat avec Veolia en s’appuyant sur l’association « Eau Secours 31 » et à remunicipaliser la gestion de l’eau à Toulouse.

Où les eaux usées se transforment en or

Depuis 1995 « le droit d’entrée » est interdit en France. Les techniques financières permettent cependant de contourner habilement les interdits en tous genres et Veolia maîtrise parfaitement cette discipline dans ses transactions internationales. En 2005 la multinationale achète le système d’assainissement de la ville de Braunschweig après en avoir acheté les services techniques. Le maire monsieur Hoffmann exulte : 238 millions d’euros représentent une importante recette pour une privatisation. De plus la stabilité des redevances est garantie pour les 10 ans à venir.
Mais certains sceptiques s’étonnent de ne voir arriver que 112 millions d’euros dans les caisses municipales. Des recherches révèlent alors que la ville avait renoncé à 38 millions d’euros afin de permettre à Veolia de constituer des réserves pour s’assurer contre des risques financiers futurs. Et l’étonnement ne fut pas mince lorsque l’entière vérité apparut au jour, à savoir que la multinationale ne dépense en réalité pas un cent en fonds propres pour l’achat de l’assainissement de Braunschweig. Le prix d’achat sera entièrement payé par les redevances de la génération future. Il est en effet financé par un crédit pris par l’entreprise des services de l’assainissement mettant en gage les redevances des 30 prochaines années auprès d’un tiers (banque) avec interdiction pour l’entreprise d’une prise d’influence et d’un quelconque contrôle des prestations de Veolia. Cela signifie que pendant les 30 prochaines années les citoyens de Braunschweig paieront ce crédit par leurs redevances, plus les intérêts et les intérêts composés et cela indépendamment du fait que Veolia fournisse des prestations, se retire ou fasse faillite.
C’est de cette étrange façon que la multinationale française veut à l’avenir exploiter l’entreprise ainsi achetée. L’une des premières annonces fut que l’on allait réparer moins mais investir généreusement dans le système de canalisation. Le contrat prévoit en effet, une somme d’au moins 7,5 millions d’euros allouée au groupe annuellement et sur une période de 30 ans gagée là encore sur les redevances futures. C’est ainsi que les contribuables de Braunschweig devront après les 30 années, payer en plus un crédit de 215 millions d’euros pour les investissements de l’opérateur.
Pour conclure ce marché Veolia voudrait acheter l’appellation « service technique de la ville de Braunschweig ». La multinationale attache un grand prix à se couler ainsi sous cette appellation respectable et ancienne de la gestion communale. Mais qui devra payer cette supercherie ?

Contrats secrets

Il est toujours très difficile de démasquer les voies étranges et tortueuses du financement des nouvelles acquisitions de Veolia & Co. Les contrats déterminants sont le plus souvent secrets. Le partenaire privé s’assure en général qu’il échappera de façon durable à tout contrôle public et juridique. Même les députés n’ont pas la possibilité juridique de faire valoir un droit de regard.
En 2000 à Berlin, 49,9% du service des eaux de la capitale allemande furent vendus à deux multinationales, l’allemand RWE et le français Veolia. Pendant 4 ans ce marché a paru exemplaire : presque 2 milliards pour boucher les trous du budget, des prix constants et la ville restait l’actionnaire principal. C’est alors que l’ancienne député berlinoise, Gerlinde Schermer, à l’époque de la privatisation membre de la commission économique du Sénat, découvrit des contrats secrets en faveur des privés. Par exemple : la gestion de l’entreprise était confiée aux multinationales bien qu’elles ne soient qu’actionnaires minoritaires. La plupart des députés berlinois ignoraient cette clause lorsqu’ils consentirent à la vente. Le contrat secret garantissait aux privés un gain d’à peu près 8% plus une augmentation garantie. Le Sénat de Berlin s’engageait à payer les dédommagements si ces bénéfices n’étaient pas atteints. En 2004, la ville dut ainsi renoncer à 41,2 millions d’euros. La même année le prix de l’eau augmenta de 15%, de même que les trois années suivantes. Pendant toutes ces années, Berlin fut forcé de renoncer à sa part de gains car les multinationales menaçaient sinon de pratiquement doubler les prix.

En 2003, le Conseil Constitutionnel du Land de Berlin déclara l’illégalité du montant de cette garantie de gains mais une clause du contrat prévoit que le Sénat de Berlin doit des dédommagements même en cas de jugements défavorables. Les exigences des multinationales sont ainsi garanties indépendamment du droit, de la loi et des décisions démocratiques. En 2007 une demande d’initiative populaire, initiée par un groupe de citoyens, exigea la publication des contrats secrets et fut dans sa première étape couronnée de succès. Malgré cela, elle fut déclarée illégale. Même un référendum ne peut dévoiler le caractère secret des contrats.

La démocratie sous tutelle

De nombreuses variantes de financement opaque, des contrats secrets, un manque de contrôle démocratique, la corruption, et des augmentations continues de prix à long terme sont les caractéristiques de milliers d’entreprises de l’eau appartenant à Veolia et Suez dans le monde entier, à Berlin comme à Klagenfurt, Budapest, Odessa, Tbilissi, Erivan, Soweto, Casablanca, en Chine à Haikou, dans la province italienne du Latium ….ou à Paris

Quand Anne Le Strat a été désignée présidente d’ »Eau de Paris », en 2001, elle s’est retrouvée au milieu d’un monde d’hommes, face à un système de gestion d’une extrême opacité. Un certain Jacques Chirac, ancien maire de Paris, l’avait crée et jusqu`à aujourd’hui il se trouve confronté à de vifs reproches de corruption concernant cette affaire. La distribution de l’eau, c’est-à-dire les milliers de kilomètres de canalisation, la comptabilité etc., tout cela est privé et relève de Veolia sur la rive droite de la Seine et de Suez sur la rive gauche. En revanche, la production de l’eau potable et le traitement des eaux usées relèvent de la municipalité – en principe, car même dans le conseil d’administration d’ »Eau de Paris », Veolia et Suez étaient présents avec 30 % des actions jusqu’en 2007.

Dans cette structure un nombre infini de compétences se chevauchent. Le plus grave, d’après Anne Le Strat, c’est que la commune a perdu tout contrôle dans les questions les plus essentielles : les prestations concrètes de Veolia et Suez sont-elles en rapport avec leurs profits exorbitants ? Les prix indiqués sur les factures correspondent-ils réellement aux prestations réalisées ? Quels sont les coûts réels de la gestion, rapportés à ceux mentionnés sur les factures ? Combien parmi les collaborateurs appointés ici par Veolia et Suez sont en fait employés au service des Parisiens ? Les moyens énormes alloués depuis des années pour entretenir le réseau – ont-ils été véritablement affectés à cet effet ? La fulgurante expansion de Veolia et Suez n’a-t-elle pas été financée aussi par les factures des Parisiens ?

Lille, Lyon, Toulouse, Rennes, Sedif, Bordeaux, Grenoble : c’est la triste chronique de ces dernières années (prix excessivement élevés, corruption, malversations et disparition de moyens d’investissement) qui appelle ces questions.

Corruption structurelle

De tels dysfonctionnements, révélés depuis des années par des enquêtes publiques, constituent sans aucun doute une forme de corruption structurelle. Ce mode de corruption est beaucoup plus répandu que l’enrichissement personnel ou les financements occultes de partis, qui avaient défrayé la chronique au début des années 90. Ce n’est pas sans raison que Veolia et Suez apprécient comme une marque de qualité, le pantouflage, l’échange avec l’entreprise privée de managers en place à des postes-clés et issus de la bureaucratie d’État.
Stéphane Richard, auparavant chef de Veolia Transport, est depuis 2007 directeur de cabinet au ministère de l’économie et des finances. Le PDG de Veolia, Henri Proglio, entretient des liens très amicaux avec Rachida Dati, la ministre de la Justice, ce qui lui procure un excellent contact direct avec le gouvernement Sarkozy/ Fillon. Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères en 2002, puis ministre de l’Intérieur et enfin Premier ministre entre 2005 et 2007, pantoufla brièvement chez Veolia comme conseiller international. Sylvain de Forges, directeur financier de Veolia depuis 2003, est en même temps PDG de la puissante Agence France Trésor, l’organe du Ministère des Finances chargé de la gestion du patrimoine et des dettes de l’État. Rainier d’Haussonville, l’actuel directeur de Veolia pour les Affaires européennes, a été jusqu’en 2004 chef du Secrétariat général des affaires européennes au Ministère des Affaires étrangères, avant d’être nommé Conseiller aux affaires économiques européennes dans le Cabinet du Premier Ministre (2005-2007). Le politologue Gérard Le Gall, conseiller du premier ministre Jospin pour les sondages d’opinion, a quitté son poste à l’université en juin 2004 pour rejoindre Suez. Jean-Pierre Denis, chef de Dalkia, le pôle Énergie de Veolia-Environnement, après avoir démissionné de son poste de secrétaire général adjoint de l’Elysée, est resté conseiller de Jacques Chirac. Avant la dernière élection présidentielle de 2007, Eric Besson était, avant de s’allier à Sarkozy, responsable du programme économique du parti socialiste. Auparavant, entre 1998 et 2002, il avait été à la tête de la Fondation Vivendi (aujourd’hui Veolia).

La plupart de ceux qui, dans l’industrie française de l’eau, sont passés par le « tourniquet » politique-« big business » sont passés par l’ENA, – c’est même le cas de l’Allemand Joachim Bitterlich, vice président exécutif pour les affaires internationales de Veolia. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’on ait longtemps dit de Vivendi (qui allait devenir Veolia en 2003) que le nom de l’entreprise n’était rien d’autre qu’une abréviation pour « VIVier pour ENarques en DIsponibilité ».
Soit dit tout à fait en passant, l’État français lui-même est un des actionnaires principaux de Veolia.

Entre le marteau de la compétence privée et l’enclume du marché monopolistique

Même si, tirant les conséquences, Paris se sépare définitivement de Veolia et Suez en 2009, cela ne constituera en rien pour la ville une voie triomphale, tant sont puissantes les ramifications de ces multinationales. Dans les 144 communes de l’Ile-de-France vient d’éclater un conflit violent pour savoir avec qui, de Veolia ou de Suez, le contrat arrivant à échéance en 2010 devra être prolongé. Ceux qui préconisent un renouvellement de la délégation craignent qu’après l’éviction de Suez et Veolia le syndicat de l’eau, manquant de compétences techniques et personnelles ne se heurte à des difficultés insurmontables. Il est vrai que par le passé les communes ne se sont guère préoccupées de former des spécialistes de la gestion de l’eau, ni de mener leur propre recherche. Dans ce secteur, le développement de la technique et de la formation relève de fait, en France, de Suez, Veolia et Saur.

Anne Le Strat nous amène sur un chantier où les canalisations d’eau sont ouvertes et où des techniciens soudent des capteurs de rupture: une invention brevetée de Veolia et certifiée comme technique standard par l’Union Européenne, qui permet de localiser les fissures à distance. La future régie communale « Eau de Paris » devra en acheter un à Veolia, au prix que lui proposera celle-ci, en position de monopole. Dans un tel cas, il n’est pas facile de trouver une alternative. Il en va de même pour le contrôle de la qualité de l’eau autrefois confiée dans chaque département à des laboratoires publics. Aujourd’hui ces missions relèvent de trois multinationales. Les groupes Eurofins, Carso et Institut Pasteur Lille, qui entretiennent d’excellentes relations avec les « Trois Sœurs ».

Des communes contre-attaquent

Jacques Perreux, Vice-président du Conseil Général du Val de Marne dans la petite couronne, est fier de disposer au moins d’une gestion départementale des eaux usées. Le prix du traitement de l’eau y est nettement inférieur à celui que Veolia propose aux agglomérations voisines d’Ile-de-France. Et pourtant, le niveau technique des stations d’épuration de l’eau en fait des modèles. Avec son projet de passer dans les prochaines années à l’épuration de l’eau de pluie, le Val de Marne se situe aujourd’hui à l’une des rares premières places à l’échelle européenne. La seule chose qui lui cause du souci, c’est le monopole du laboratoire de Veolia pour la recherche sur la qualité des eaux usées. C’est pourquoi il a lancé avec Anne Le Strat et quelques communes proches de Paris la construction d’un laboratoire intercommunal, qui pourrait apprécier en toute indépendance la qualité de l’eau dans la région parisienne.

Veolia revient par la petite porte

Dans la détermination des standards concernant la qualité de l’eau, le contrôle de sa qualité et la technique, l’UE joue elle aussi un rôle. Et là encore, évidemment, les spécialistes de Suez et de Veolia sont partie prenante. Ainsi, l’été dernier, on a pu voir des voitures et des personnes en tenue de travail et aux couleurs de Veolia tout le long des côtes françaises. La toute dernière trouvaille de l’entreprise pour le contrôle de la qualité de l’eau des plages venait d’être certifiée aux normes européennes juste au bon moment pour la saison. Pour un service que les communes pouvaient assurer jusqu’alors en régie, elles doivent aujourd’hui mettre la main à la poche. Et largement.

Position clé dans la recherche au niveau de l’Union Européenne

Veolia participe activement aux programmes de recherche sur l’eau de l’UE. La multinationale joue un rôle clé dans la plate-forme technologique pour l’eau et l’assainissement: WSSTP, celle-ci étant directement établie près de la Commission Européenne. Dans son comité de 10 membres siègent 3 employés de Veolia dont le vice-président de WSSTP, Xavier Chazelle. Suez et Veolia financent ensemble au moins 60% des subventions du comité. Au départ la plate-forme avait été installée pour promouvoir le développement durable, atteindre les buts du Millenium des Nations Unies et pour renforcer la compétitivité de l’industrie de l’eau européenne. En 2008 seul le troisième but officiel subsiste.
En juin 2008, lors de la rencontre des membres, il ne fut plus question que des nouvelles technologies autour de la collecte et du traitement des eaux usées. On parla à peine de sujets qui avaient été à l’ordre du jour, comme la protection et la préservation des eaux souterraines, l’encouragement à l’agriculture biologique pour préserver l’eau contre les pesticides et la terre contre le dessèchement. Ces questions sont du ressort de l’État déclara un représentant de Veolia. Le marché de l’industrie (privée) de l’eau étant la pollution, nul ne peut être intéressé par une diminution de cette branche économique.

Développement durable et responsabilité ?

Dans un mémorandum à l’adresse du commissariat européen à l’environnement de fin 2007, Veolia pose la question : « peut-on justifier que le client paie un prix de l’eau plus élevé à cause d’une gestion protectrice » (mesures prises pour réduire la consommation d’eau, pour la protection des eaux souterraines) » alors que l’exploitation de nouvelles ressources revient moins cher ? » En d’autres termes, lorsque la remise en état de tuyaux défectueux, et l’utilisation à long terme des eaux souterraines existantes revient plus cher que le recyclage des eaux de surface, que l’assainissement des eaux usées ou que le dessalement, pourquoi réparer des tuyaux et protéger les eaux souterraines ?
Pourquoi parler de développement durable si ces mesures réduisent la consommation de l’eau et de ce fait les bénéfices de Veolia ? !
Officiellement, et surtout en Allemagne, Veolia revendique cette étiquette, écrit des rapports détaillés sur le développement durable et proclame des prestations brillantes en matière d’environnement. Comment expliquer cette image alors qu’à Bruxelles sa politique est uniquement orientée vers le profit et ignore ces mêmes ressources naturelles ?

En 2006 Veolia s’octroya l’image d’un « lobbying responsable » et publia sous ce titre des renseignements sur les activités de lobbying de la multinationale, le tout inspiré par une initiative de l’ONU pour plus de transparence dans ce domaine.
Veolia y révèle faire partie de deux groupes-eau (EUREAU et Aquafed), d’un groupe économique (Business Europe) et d’un thinktank (Confrontationes Europe). Les observateurs indépendants de « Corporate Europe Observatory » ont prouvé quand à eux la participation à 7 groupes eau, 11 groupes économiques et 5 thinktanks.
Est-ce là l’image d’un « lobbying responsable » ?

Tirer les fils derrière les coulisses

En fait la multinationale préfère exercer son influence sur l’UE, à l’abri des regards, derrière les coulisses, à travers un enchevêtrement de plus de 50 organisations auxquelles Veolia participe plus ou moins. Et bien sûr ce pantouflage qui rend flou les frontières entre intérêts de l’entreprise, de l’État national et de l’Union Européenne.3 exemples de gros poissons.
Le PDG de Suez, Yves Thibault de Silguy est ancien commissaire européen. Il enseigne à l’École Nationale Des Ponts et Chaussées, qui forme 120 ingénieurs dans chaque promotion. En même temps il dirige la section communication de l’association professionnelle des métiers de l’eau, une fondation commune de Suez, Vivendi et de la Saur. De plus il se glorifie d’avoir participé au gouvernement de la gauche.
Joachim Bitterlich, vice-président exécutif de Veolia, fut pendant 11ans un collaborateur très proche du chancelier Helmut Kohl, tout d’abord pour les questions européennes, de 1993 à 1998, chef du département pour les questions de politique extérieure, des relations Nord-Süd, et de sécurité à la chancellerie fédérale. Un article du « Zeit » de 1998 le considère comme un co-ministre des affaires étrangères et comme le « fonctionnaire le plus puissant de Bonn » Son dernier poste fut celui d’ambassadeur de la BRD auprès de l’OTAN. Son très fort engagement pour l’UE lui vaut jusqu’à aujourd’hui influence et grande confiance à Bruxelles. Stéphane Buffetaut, le directeur des relations Veolia-UE, est ancien membre du Parlement Européen et siège encore au « Comité Économique et Social » CESE.

Accès privilégié aux processus de décision de l’Union Européenne

« Corporate Europe Observatory » accorde à Veolia, sa meilleure note : « accès privilégié aux processus de décision de l’Union Européenne » grâce à ses possibilités de prise d’influence. Cette influence s’exerce principalement dans deux directions. D’un côté il s’agit de faire pression pour imposer des techniques d’épuration chères et gourmandes en énergie au lieu de mesures conservatrices des ressources hydriques. De l’autre il s’agit d’influencer la législation afin d’écarter des concurrents, particulièrement ceux du service public. Les efforts de Veolia pour soumettre l’eau, comme une prestation ordinaire, aux lois de la concurrence européenne, ont toujours été soutenus par la commission. Ils ont cependant échoué en 2004 devant une forte opposition au sein du Parlement Européen. Depuis Veolia et Suez concentrent leurs efforts dans une campagne commune « pour des structures plus performantes dans l’adduction de l’eau » Cette campagne a pour cible le patchwork soi-disant inefficace des nombreux petits et tout-petits prestataires de l’eau, particulièrement en Allemagne mais aussi dans d’autres pays européens. Lors d’une rencontre avec la commissaire européenne de la concurrence, les représentants de Veolia se sont plaints de discrimination de la part de prestataires publics. Ceux-ci doivent être forcés, par l’introduction de benchmarks obligatoires, de références comparatives obligatoires à plus de transparence et d’ouverture pour les prestataires privés.

Qui est le plus efficace ?

Plus de 90% de la gestion des eaux en Allemagne se fait en régie communale. L’eau potable n’y est chlorée que dans des situations exceptionnelles, En France, où les opérateurs privés distribuent plus de 80% de l’eau, c’est la règle. Mais la chloration qui engendre des produits réactifs nocifs pour la santé et ne peut donc être recommandée, est de plus en plus à l’ordre du jour en Allemagne. Depuis la semi-privatisation des eaux de Berlin, Veolia voit la chloration comme une option.
La maintenance régulière des tuyaux fut à plusieurs reprises remplacée par une gestion du risque: on répare lorsqu’il y a un incident. Dans le domaine de l’équipement, les intervalles de maintenance sont rallongés et pour les investissements c’est souvent le prix le plus avantageux qui sert de critère d’achat.
Les conséquences à long terme de cette politique sont manifestes dans le pays voisin. 840.000km de canalisations contrôlés (à 80%) par Veolia, Suez et Saur depuis des décennies ont plus de 30 ans d’âge. La moyenne des fuites d’eau est de 26,4% contre 7,3% en Allemagne.
D’après Veolia il est plus efficace et moins cher d’exploiter de nouvelles ressources en eau que de procéder à des réparations de canalisations particulièrement coûteuses dans les agglomérations. Il n’est donc pas étonnant qu’en France comme en Angleterre d’ailleurs, on se fasse quelques soucis à l’horizon de 2015, lorsque la réglementation européenne pour l’eau potable, entrera en vigueur. Pour l’Allemagne, en revanche, à part quelques exceptions, elle ne pose pas de problème.

Un rêve : être numéro 1 mondial

Veolia est né en 2003 suite au crash politico-financier de Vivendi Universal, une entreprise qui, à l’ère de l’engouement médiatique pour la spéculation financière globalisée, s’était fixé pour but de devenir le numéro 1 des grands acteurs économiques mondiaux. Six ans avant l’éclatement mondial de la bulle financière, le rêve de faire de Jean-Marie Messier, le PDG de Vivendi, «Monsieur Univers», s’effondra dans une faillite dont les pertes en capital furent les plus grandes jamais enregistrées dans l’histoire de toutes les entreprises françaises. Aujourd’hui encore, dans le monde entier, des investisseurs escroqués portent plainte.
Entre-temps, Veolia Eau, avec 8 400 contrats d’exploitation, a manifestement réalisé le rêve de Messier. Au moins parmi les distributeurs d’eau privés, l’entreprise est le numéro 1 incontesté! Aurait-on oublié, avant même que l’herbe ait recouvert sa tombe, le destin de l’entreprise-mère? Les sceptiques sont apparemment les réalistes. Rien qu’en 2008, Veolia a perdu 70 % de sa valeur boursière, tandis que les dettes nettes atteignaient la somme inquiétante de 16,33 milliards d’euros (contre 5,727 milliards d’euros d’actifs financiers disponibles à long terme)…

Dans le domaine de la distribution de l’eau, les investissements, dans les canalisations par exemple, se calculent sur une durée de 30 ans, les mesures à prendre pour protéger les nappes phréatiques sur des durées bien supérieures encore. L’horizon de Veolia, c’est la période comptable d’un an : après la présentation du bilan, les actionnaires lèveront-ils ou baisseront-ils le pouce ? Dès l’année prochaine, tout peut changer. Dans ces conditions, qui peut approuver des investissements à long terme ? Pas un investisseur aujourd’hui pour parier que Veolia survivra aux 30 prochaines années. D’ici là, soyons-en sûrs, bien d’autres rêves de « No. 1 of the world » se seront effondrés, avec des ardoises se chiffrant en milliards.

(source: WaterMakesMoney.com

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