Afin d'inscrire Pâques autrement qu'un moment merveilleux de l'histoire.
Curieusement et/ou providentiellement, mon vécu, mes rencontres, mes partages et
lectures m'ont amené ces temps derniers à découvrir et expérimenter de façon plus profonde la réalité de la vulnérabilité. Toujours proche et même inhérente à chaque personne mais souvent masquée sinon enfouie sous une chape d' oubli plus ou moins volontaire.
Tout débuta par la découverte du témoignage de Brene Brown chercheuse en sciences humaines racontant comment elle fut bouleversée par les résultats de ses travaux : Ceux-ci portaient sur la recherche du "pourquoi de la peur d'être rejeté qu'éprouvent les personnes". L'analyse de ses données l'a amenée a établir une corrélation entre la marge de risques à laquelle les personnes acceptent de s'exposer en se montrant tels qu'ils sont et l'intensité du bonheur qu' elles peuvent atteindre. Elle qui, dans sa profession scientifique, était sensée contrôler et prévoir , en vient à formuler comme conclusion qu'au plus on s'efforce de contrôler les émotions de son existence, au moins on se donne la possibilité d'être heureux; qu' au plus on s'expose à l'imprévisible et se rend vulnérable au plus grandit l'effet et la sensation de bonheur…
Si profondément "é-mue " par ce qui pour elle apparu comme une révélation, elle tomba dans une profonde dépression…
Six années de recherche acharnées l'amènent ainsi à découvrir – en tant que chercheuse ….? !- que:
On passe trop de temps à essayer de rendre la vie par-faite. Un des procédés pour atteindre cet te perfection est d'étouffer les émotions sachant qu' on ne peut anesthésier les émotions de façon sélective, sentiments pénibles comme la peur ou la honte sans anesthésier aussi joie, bonheur et gratitude.. Nous aimons également "croire" que nos actes sont sans conséquences sur les autres…
Nous sommes aussi très portés, voire doués, pour rendre certain tout ce qui est incertain elle cite le dogmatisme des religions mais on peut y ajouter aussi la moralisation tout azimut et le déni des phénomènes scientifiquement (encore) inexpliqués. Enfin une façon de se décharger de la douleur, de l'inconfort et de l'incertitude est de rechercher et trouver des coupables… (ailleurs qu'en soi…)
Raconter de tout son cœur qui on est en abandonnant la peur d'être imparfait, être disposé à abandonner l'idée qu'ils se faisaient de ce qu'ils auraient dû être, croire que ce qui nous rend vulnérable nous rend "beau" oser entreprendre alors qu'il n'y a pas de garantie de réussite: voilà les attitudes qui conduisent à la dégustation d'un bonheur qui possède les trais de l'ouverture et de la libération.
Situation qui peut paraître paradoxale puisque le départ du chemin passe par une "dé sécurisation", une mise à nu, un abandon des principes de garanties que nous chérissons tant.
Je voudrais dire que ces années de recherches me paraissent un long mais beau travail –dans le sens de l'obstétrique y compris- d' Humanisation.
Elle termina sa conférence par cette conclusion adressable à chacun mais surtout aux jeunes: Tu n'es pas parfait et tu es fait pour rencontrer des problèmes mais tu mérites de recevoir de l'amour et d'être parmi nous.
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Il me fallut assez de temps pour mettre cette expérience en lien avec une rencontre faite avec moi-même: Alors que j'avais effectué un geste plus que maladroit occasionnant une blessure de la personne qui était en face de moi, je voulus me rendre vulnérable et punissable en écoutant un des témoins de l'incident débiter ses commentaires et appréciations sur l'événement. Je désirais assumer jusqu'au bout ma responsabilité et en supporter toutes les conséquences même la raillerie d'autrui. Au fond de moi comme devant tous j'exprimais ma profonde contrition.. Ce que je ne savais pas, c'est que ce mon "témoin critique" ne se contenterait pas d'une intervention, et lui, de me remettre les faits en mémoire à plusieurs reprises jusqu'à ce que j'atteigne mes limites: Je sentis mes "bonnes intentions s' étioler et lâcher brin par brin comme ceux d'une corde trop tendue jusqu'à me laisser emporter dans une vague ( voire un tsunami) d'ire sans nom. Ma voix s'éleva tel le tonnerre pour couper court à ce qui pour moi était devenu un acharnement ou une torture morale.
Peu après ce coup de colère, triple révélation et prise de conscience :
" Pierre, toi qui crois être doux, paisible et détaché des jugements d'autrui, voici ce que tu es:
-capable de bêtises et d'erreurs dignes d'un enfant,
-incapable d'assumer tout le poids de responsabilité de tes actes, limité dans le détachement par rapport à ce qu' autrui pense ou dit de moi.
Je n' étais pas celui que je voulais croire ou faire croire être
-et enfin, porteur et piètre contrôleur d'énergies "indomptées" dont la colère. "
Pas facile à assumer… Pas au point de tomber en dépression mais je sus que j'avais mis un genoux par terre; j'avais été défait….
Aujourd'hui que j'écris ces mots, je remercie le témoin critique et Celui qui l'a mis sur mon chemin pour m'avoir permis cette descente en moi-même et le nouvel éclairage qui en est résulté, J'ai encore un genoux ancré dans le sol car conscient de mes faiblesses et de ma vulnérabilité (qui sont non point des souillures indélébiles mais les appels à les travailler de mes "terres intérieurs non reconnues"). Parce qu' ayant beaucoup appris sur moi-même,--en réalité, ce n'est peut-être mon regard qui est devenu moins déformant-- , cette défaite m'a permis de me reconstruire dans une autre compréhension de ce qu'est mon Humanité. Aussi, mes yeux sont levés vers un horizon qui m'appelle, m'invite à aller vers une "enharmonie" avec les univers que j'abrite et que j'habite.
Fragilité, dépouillement des protections sont des chemins d'éveil parce qu'ils m'ont conduit vers une autre conscience; plus "juste", je pense, de moi-même.
"Tu n'es pas parfait et tu es fait pour rencontrer des problèmes mais tu mérites de recevoir de l'amour et d'être parmi nous"
Histoire d'une, sans doute pas la dernière, de mes petites "mort-et-résurrection"…..
Le lien entre la résurrection et le vendredi saint sont d'une infinie permanence
Il est important d'éviter de tomber dans les pièges du dolorisme perpétuel ou de la béatitude innocente qui figent autant l'un que l'autre les êtres dans un moule inhibiteur de la croissance et de l'éveil auquel nous invitent tous les éléments de l'univers et de la création.
Le chemin qu'ouvre le Christ est celui qui conduit l'Adam vers son accomplissement total: celui de la genèse avait consommé le fruit de l'Arbre de la connaissance sans qu'il puisse assumer intérieurement ses "qualités", Il ne les avait fait siennes, ne les avait pas intégrées. Croire (et/ou faire croire) être ce qu'on est pas encore devenu…
Le Christ, devenu ce fruit, libéré en même temps et en tant que "bar –abbas " (fils du père), est mûr pour donner tous ses fruits, non tant par le fait de sa condamnation que par son entrée dans cet incompréhensible silence auxquelles renvoient son attitude ou ses réponses et ce presque insupportable retrait de toute volonté personnelle traduisant un total effacement qui laisse place à un espace lequel s'il paraît d'un vide infini, pourra être le siège du déploiement de l'amour sans limite et de l'éclatement de la lumière.
Le chemin est tout tracé: tout comme Dieu s'est "brisé" dans sa divinité pour venir s'ancrer, s'"incarcérer" dans les limites de l'humanité, il faut à l'Homme se briser, faire sauter les parois bétonnées de son cœur sensées le sécuriser et le protéger mais qui le gardent enfermé dans un système de pensées et de raison opaque à La Lumière. Cette imperméabilité aux qualités de la lumière l'empêche d'entrevoir l'Autre Réalité à laquelle il participe pourtant.
Il n'est pas de naissance qui ne commence par une rupture ou une déchirure, -inutile de citer toutes ces "éclosions" qui s'opèrent aux différents moments et niveaux de l'existence-
La première séparation s'effectue d'ailleurs au tout début du livre de la Genèse; celle de la lumière et des ténèbres. Plus loin, il est intéressant de se pencher sur les prémices de la naissance d'Isaac – le rire de Dieu- .
Un nouveau couple se forme à partir d' Abram et de Saraï: celui d'Abraham et de Sarah résultant de l'éclatement du Ï (Yod) lettre préfigurant le noyau divin inscrit en l'Homme et de valeur 10 dans la kabbale en deux H (Hé) lettres polarisant le Nom YHVH et de valeur 5……
C'est alors qu'Il a pu pénétré dans le champs de ses terres intérieures qu'Abram (et celle qu'il nomme dans un premier temps "sa sœur") peut mettre en gestation et enfanter son enfant intérieur.
L'ultime Naissance qui fait entrer le Christ dans son accomplissement total commence par la déchirure des rideaux du temple et la fission de la terre comme si la terre se préparait à rendre aux cieux ce qu'ils y ont eux-même abandonnés.
Autant sera fracassante cette fracture qui conduit l'Homme à se rendre disponible autant sera silencieuse la résurrection non pas qu'elle soit sans tonalité mais parce qu'elle procède d'éléments et d'énergies qui nous échappent.
Tel est selon moi le sens du silence du matin pascal. Et Marie-Madeleine- celle qui a beaucoup péché, beaucoup aimé, renouvelée par/dans l'amour du Tout miséricordieux , pourtant choisie pour être le premier témoin de la résurrection, a bien du mal à reconnaître le Christ. Mais lorsqu'elle entend et, peut-être, découvre par la voix du Sauveur, du Verbe, qui fait résonner la beauté, la richesse de son nom et la "puissance" de l'amour qui la nomme, elle entend l'inaudible, peut penser à l'impensable, croire à l'incroyable, se laisser saisir par l'invisible lumière de celui qui est devenu Rire de Dieu.
Voilà quel chemin, quel passage s'offre à nous.:
Non celui de la culpabilisation mais celui d'une mise en "lumière";
non celui de la dévalorisation, mais celui de la prise de conscience;
non celui de la dépréciation mais celui d'une re-connaissance;
non celui de l'expiation mais celui de nouvelles épousailles.
Mourir à soi-même, passe par un détachement de nos constructions mentales intellectuelles ou autres qui se veulent rassurantes, "certifiantes" et qui font de nous des êtres "par-faits", finis, accomplis, justes et irréprochables. C'est descendre dans nos obscurités -sans connotation péjorative ou culpabilisante- pour découvrir ce que Dieu réalise en et avec nous. C'est enfin et surtout découvrir, reconnaître et accepter, afin de le nommer et s'y unir, ce qui se trouve inscrit au plus profond de nous:
à la fois abandonner et… épouser.
Mais n' oublions pas que Dieu est d'abord Souffle: il ne peut que passer; toute tentative de le saisir ne peut qu' aboutir à "manquer la cible"( en grec αμαρτια amartia généralement traduit par péché..) ; on ne peut, pour entrer dans son
"én-ergie" -mise en œuvre-, que s'en laisser saisir au creux d'un grand silence.
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Tout ce qui est écrit: tel que la diaphanie propre à mon existence me conduit à dé-couvrir comme "révélation" et me permet aujourd'hui(…) de percevoir .
Pierre
Commentaires bienvenus
La conférence de Bene Brown est à visionner ci -dessous:
http://epanews.fr/video/message-de-lumi-re-le-pouvoir-de-la-vuln-ra...
Etre vulnérable, se dévoiler, se mettre à nu, cela reflète le courage de faire des erreurs, de se prendre des "claques" ET aussi une confiance en soi et de l'amour pour qui l'on "est" à l'instant.
Etre vulnérable, se dévoiler, se mettre à nu est aussi le chemin de la réelle rencontre avec l'autre et avec son "Soi". Et cela c'est un cadeau.
Laissons tomber les armures, les voiles, le connu, le confort et donnons-nous l'opportunité, saisissons-la, pour nous transformer et évoluer. Etre simple et responsable.
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