SeaWorld coulé par ses orques
ROMANE FRACHON 15 AOÛT 2014 À 15:14 (MIS À JOUR : 16 AOÛT 2014 À 10:58)
Un spectacle d'orques au SeaWorld de San Diego (Californie), en mars 2014. (Mike Blake. REUTERS)
DÉCRYPTAGE
Le groupe de parcs aquatiques s'est effondré en bourse mercredi matin. En cause : des mauvais chiffres et une campagne contre la captivité de ces mastodontes des mers.
SeaWorld a pris un bouillon. Le groupe américain, qui gère onze parcs aquatiques aux Etats-Unis, a vu son action s’effondrer de 31 % mercredi matin, à la publication de mauvais comptes trimestriels. La raison ? Elle est sans doute à chercher du côté d’un documentaire, Blackfish, sorti en salles en juin 2013 et qui dénonçait la captivité des orques dans les parcs d’attractions. Elle est aussi à chercher du côté de la campagne de sensibilisation, «Protest SeaWorld», lancée dans la foulée.
SeaWorld avance des raisons liées à une concurrence féroce, à des retards pris dans la construction d’un nouveau parc. Mais il admet «que la fréquentation au (deuxième) trimestre a pâti de la pression générée par la récente attention médiatique autour d’une proposition de loi dans l’Etat de Californie». Un parlementaire californien a en effet déposé un texte en mars 2014 visant à interdire l’exploitation des orques en captivité pour des spectacles. Il avait alors ciblé explicitement le parc SeaWorld de San Diego. Une proposition de loi qui n’est pas sans lien avec le film.
Blackfish, qui fait écho au livre Death at SeaWorld, aborde la question de la captivité – et de ses conséquences – sur les orques. Il raconte l’attaque mortelle de Tilikum, une orque venue d’Islande, sur Dawn Brancheau, dresseuse du parc. Le film retrace l’histoire de Tilikum depuis sa capture jusqu’à sa «vengeance» sur l’espèce humaine. La réalisatrice du documentaire a d’abord enquêté sur la mort de la jeune dresseuse, avant de faire le procès de la captivité de l’orque, captivité qui est certainement responsable de cette agressivité. Le film – qui rappelle que les orques en liberté n’ont jamais agressé les hommes – montre bien que la nature reprend le dessus sur l’homme lorsqu’elle est poussée à son extrême limite.
https://www.youtube.com/watch?v=w2vG_Ifu4zg
Le film a reçu de nombreuses critiques positives. The Hollywood Reporter avait loué le film, le présentant comme «un exemple persuasif contre la captivité de l’espèce dans le simple but de divertir les humains». Le 29 juin, Arte a rediffusé le documentaire. Des images violentes jusqu’ici jamais diffusées, accompagnées de témoignages d’anciens dresseurs et de pêcheurs, contribuent à faire de Blackfish un témoignage puissant sur la relation que portent les humains aux orques en captivité.
Dans le film de Gabriela Cowperthwaite, un expert interviewé affirme que «(les orques) ont des capacités cérébrales que toutes les autres espèces, y compris les hommes, n’ont pas». (capture d’écran du film Blackfish).
Les faits remontent à 1991, quand Tilikum, avec deux autres orques, tue une apprentie dresseuse après un show. En 1999, c’est au tour d’un visiteur nocturne – probablement ivre – de se noyer avant d’être lacéré par l’orque. Plus rien jusqu’en 2010, où cette fois-ci Tilikum tue sa dresseuse favorite, la réduisant en miettes. Pour la «punir de son crime», le documentaire révèle que les responsables de SeaWorld la droguent et l’enferment durant plusieurs mois dans un enclos long de seulement 6 mètres, et profond de 9 mètres. Dans le noir complet. Cette punition plonge Tilikum dans la folie et la dépression. Aujourd’hui, elle n’a plus de dents sur la mâchoire inférieure à force de ronger continuellement les barres d’acier qui entourent son bassin.
«C’est la pire chose que j’ai jamais faite», témoigne un pêcheur dans le film (capture d’écran du film).
L’opinion publique américaine semble avoir été touchée par ce documentaire. En décembre 2013, une quinzaine de groupes de rock qui devaient se produire au SeaWorld Orlando (Floride) dans le cadre d’un festival, dont les groupes Hear et The Beach Boys, ont annulé leurs participations. Début août, la compagnie aérienne Southwest Airlines a mis fin à son partenariat avec le groupe.
Manifestation à San Diego de «Protest SeaWorld», le mouvement de contestation né après le film Blackfish (image tirée de la page Facebook «Protest SeaWorld»).
SeaWorld a tenté de calmer la polémique en créant sur son site une rubrique intitulée «Truth About Blackfish» («La vérité sur Blackfish»), qui dénonce les mensonges «fallacieux»du documentaire. Sans succès pour l’instant. Le groupe a non seulement vu son chiffre d’affaires fondre de 5% au premier semestre, mais il prévoit une chute de 7% sur l’ensemble de son exercice.
Pour tenter de stopper la catastrophe économique, SeaWorld a annoncé vendredi la construction de delphinariums plus «spacieux». Le premier delphinarium de cette nouvelle génération doit être construit à San Diego, en Californie, et contiendra 38 millions de litres d’eau pour une surface de 6.000 mètres carrés et une profondeur de 15 mètres. Il devrait être prêt en 2018. Suivront ensuite les parcs SeaWorld d’Orlando en Floride, et de San Antonio au Texas. En outre, SeaWorld a annoncé le versement de 10 millions de dollars pour «l’étude et la protection des orques dans leur environnement naturel».
L’organisation de défense des animaux PETA a estimé que l’annonce de SeaWorld ne servait qu’à «gagner du temps, alors que les gens comprennent la souffrance des orques en captivité».
Romane FRACHON
VOIR LA BANDE ANNONCE DU FILM :
http://epanews.fr/video/blackfish-le-documentaire-choc-sur-les-orqu...
Commentaires bienvenus
Merci pour vos explications autour de ce documentaire que j'ai visionné sur ARTE. J'en avais parlé autour de moi.
Merci de souligner ces atrocités faites aux animaux en captivité. Pourtant, dans le film, ils nous feraient croire que ces animaux sont heureux ; et cela génère tellement d'argent !
Aux parents d'éduquer leurs enfants et de les amener à connaître ces animaux dans leur milieu naturel, mais il y a aussi ce phénomène de foire que de nombreuses personnes apprécient, c'est regrettable.
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