Texte écrit par le philosophe Pascal Bruckner, à sa petite fille… : 

"Ma petite fille, 

(... )La liberté, c'est la capacité de résister à ce qui nous écrase, mais aussi d'échapper à ce qui nous définit, le milieu social, la famille, le sexe, la nationalité. L'on est pris de vertige parfois en considérant qu'on est son propre maître, seul responsable de soi. Et la tentation est grande, dans le désarroi de chercher des coupables à son propre malheur. Mais la liberté est à ce prix: aussi exaltante qu'insupportable parfois. 
(...)Tu te sentiras peut être perdue, découragée. Les déconvenues sont monnaie courante et ne doivent pas t'abattre. Certaines réussites trop faciles ne mènent nulle part, certaines impasses se révèlent ensuite riches d'enseignement. Les jeux ne sont jamais faits. A tout âge, il est possible de repartir sur de nouvelles bases, d'infléchir le cours des choses. La seule attitude qui soit vraiment hideuse, c'est la résignation au malheur, le consentement à son propre sort. Pourtant, même dans les pires situations il existe un moyen de relever la tête, d'affirmer sa dignité, de trouver une issue. NE LAISSE PERSONNE T'HUMILIER, T'INSULTER OU T'AVILIR. Mieux vaut la solitude et la misère que d'être esclave d'une opinion ou d'un système. Les chemins de la servitude sont innombrables et la pire est celle qu'on embrasse volontairement.
(...)Tu sauras que la plupart des gens croient courir après le bonheur mais n'osent pas le vivre quand il le croisent. Et le vrai bonheur réside peut être dans l'aptitude à transformer les petits moments du quotidien, à embellir l'ordinaire, à le rendre haussé au niveau d'un art de vivre. Ma petite fille, saisis toutes les chances que t'offrent l'existence, étourdis toi, jouis de chaque instant, ne remets jamais un plaisir au lendemain, le temps décantera les choses. Vis comme si tu étais immortelle.(…) »