Lorsqu’on se forme au massage tantrique, il est bon de s’entraîner régulièrement et, si possible, avec différents partenaires.
Lors d’un tel massage, il se peut que les participants travaillent sur l’énergie sexuelle (cfr. l’article Tantra et sexualité). Il est important de souligner qu’il ne s’agit cependant pas d’une pratique sexuelle. Bien que fondamentale, cette nuance s’avère subtile et peut parfois s’estomper une fois dans le feu de l’action.
J’ai envie de mettre en lumière quatre écueils que tout tantrika – aspirant ou confirmé – ne manquera pas de rencontrer un jour ou l’autre.
1. Quand le cadre est flou…
Lors d’une séance professionnelle, la personne massée sent qu’elle peut lâcher le mental et le besoin de contrôle, qu’elle peut se laisser aller en confiance aux élans spontanés de son corps car le praticien sera attentif au maintien du cadre et au respect des limites convenues. C’est son rôle, son éthique et sa responsabilité professionnelle de garantir ce cadre.
Il peut en aller différemment lors des séances « d’entraînement », qui consistent généralement en un échange de pratiques : « Je te donne un massage et puis c’est toi qui m’en donnes un » ou « Je t’offre une séance de massage et tu m’offres une séance de reiki »…
Il n’y a donc pas un(e) professionnel(le) et son/sa client(e) mais deux personnes sur un même pied d’égalité. Le caractère informel de telles séances amène parfois à une certaine déresponsabilisation des deux protagonistes et à ce qu’aucun des deux ne se sente réellement investi du rôle de gardien du cadre, avec pour conséquence que si le désir sexuel monte de part et d’autre, les choses peuvent parfois aller plus loin que ce que l’on aurait voulu initialement…
Plus le cadre est informel, plus il est souhaitable de communiquer préalablement sur les limites que l’on souhaite se fixer (cfr. l’article Les limites dans la sexualité) et sur ce que chacun désire expérimenter. Par exemple, s’il est convenu que je reçoive un massage thaï ou énergétique, il n’est pas juste que s’y ajoutent des aspects tantriques improvisés en cours de séance.
Plus le cadre est clairement délimité avant la séance, plus il est possible d’expérimenter en toute liberté et spontanéité au sein de ce cadre. Et si, en cours de séance, un des deux participants a le sentiment que les limites fixées ont évolué depuis et qu’il ressent comme juste qu’elles soient déplacées, il est cependant fondamental qu’il ne procède pas tacitement à cet ajustement mais en demande explicitement confirmation à son/sa partenaire, qui vit peut être quelque chose de tout différent. C’est vraiment une question de confiance : s’il y a eu engagement à respecter telle limite, cet engagement doit être impérativement tenu, à moins que l’autre ne nous en libère de façon claire.
2. Quelles parts de moi ont consenti ?
Lors d’un massage, il arrive que la personne massée fasse l’expérience de la « dissociation » : par exemple, une part d’elle ressent du désir et souhaite l’activation de l’énergie sexuelle tandis qu’au même moment, une autre part peut ressentir de la honte ou de la culpabilité face à cette montée de désir. En pratique, le moteur s’enclenche et le frein à main est tiré simultanément, ce qui donne l’impression inconfortable d’être tiraillé entre deux directions opposées.
La personne massée est invitée à lâcher la lutte intérieure entre ces deux parts d’elle-même, à ne pas occulter ou rejeter une des deux (elles ont toutes les deux leur légitimité) mais, au contraire, à les accueillir toutes les deux avec bienveillance et sans jugement. Cet accueil inconditionnel favorisera l’unification de ce qui semblait inconciliable. Même si cela peut paraître paradoxal, c’est à partir du moment où l’on s’accepte tel que l’on est qu’une transformation devient possible.
Mais tant que cette acceptation n’est pas effective et que le tiraillement subsiste, il est important que le masseur (pour la facilité de la suite du texte, ce terme englobe les hommes comme les femmes) ait conscience de la coexistence de ces antagonismes et de ce que certaines parts de la personne massée n’ont pas consenti à l’émergence de l’énergie sexuelle.
Cela demande une grande qualité d’écoute et d’attention de la part du masseur car ces parts fragmentées ne se manifesteront peut-être pas toutes avec la même visibilité : la part « qui dit non » peut se figer et donc passer inaperçue aux yeux d’un observateur peu attentif. C’est fréquemment le cas avec des personnes ayant du mal à poser et à verbaliser leurs limites, leur absence de réaction pouvant être prise (parfois de bonne foi) pour une acceptation tacite.
Surtout s’il est lui-même dans son propre désir, un masseur peu expérimenté risque donc de ne voir chez le/la partenaire que l’activation de l’énergie sexuelle – et de vouloir approfondir dans cette seule voie -, tandis qu’il pourrait être moins attentif aux parts d’elle qui sont en souffrance.
Si le massage prend un tour plus sexuel, il se peut qu’au moment-même, le masseur ait le sentiment que tout se passe bien et, même lors du partage verbal final, que la personne massée n’émette aucune réserve ou reproche sur le déroulement de la séance. La part qui s’est figée a en effet du mal à s’exprimer et, même si la personne massée ressent un malaise diffus, il lui faudra un certain temps pour intégrer émotionnellement le fait que ce qui s’est passé n’a pas été juste pour elle. De même, la conscience d’avoir exprimé deux énergies « contradictoires » lors de la séance peut lui donner (à tort) l’impression qu’elle a perdu toute légitimité à faire part de son vécu.
Il faudra généralement quelques heures ou jours pour que la personne massée prenne pleinement conscience de ce qu’elle ne s’est pas sentie respectée et, parfois, ressente le besoin d’exprimer de façon virulente son mécontentement au masseur, qui tombera peut-être des nues et aura du mal à comprendre ce qu’il percevra comme une « relecture » de la séance.
Afin d’éviter ces désagréments, il est donc utile qu’avant la séance, les partenaires communiquent avec franchise et authenticité à propos de leurs blessures ou de leurs manques susceptibles d’être réveillés lors du massage, de façon à ce que chacun y soit attentif.
3. Sauve-je ?
Si la personne massée a des blessures émotionnelles en lien avec la sexualité, il arrive que le masseur se glisse implicitement dans le rôle de thérapeute ou de « sauveur ».
Imaginons qu’avant la séance, la personne massée ait partagé qu’elle avait du mal à se connecter à son énergie sexuelle. Lors du massage, si le masseur sent que cette énergie s’éveille malgré tout, il pourrait ressentir l’élan de profiter de ce moment « favorable » pour inciter la personne massée à surmonter ses blocages, en redoublant d’ardeur dans l’activation de son énergie sexuelle.
Or, si le massage tantrique est par essence guérissant, il n’y a pas forcément de demande d’ordre thérapeutique dans le chef de la personne massée, qui n’est pas nécessairement désireuse ou prête à se confronter à ses blessures, ou ne se sent simplement pas suffisamment en confiance.
La spécificité du massage tantrique est justement de « ne rien vouloir », de ne pas chercher à viser un quelconque but, afin d’éviter que la tension vers un résultat futur à atteindre ne nous masque ce qui est à accueillir dans le moment présent (cfr. l’article L’esprit du massage tantrique). De ce fait, l’envie de guérir l’autre, même si très louable, risque de pousser le masseur à s’entêter dans un toucher qui n’est peut-être pas/plus juste.
Par ailleurs, il est rare que l’envie de « sauver l’autre » soit vraiment juste, surtout si cet autre n’a rien demandé. Derrière les motivations altruistes du sauveur se cachent parfois des besoins non nourris : être reconnu, compter pour l’autre, se sentir valorisé…, dont il est important de prendre conscience.
De même, si le masseur a déjà obtenu de beaux résultats dans une situation similaire, il sera tenté de reproduire cet agréable moment, si gratifiant pour son ego…
4. La gestion du désir
Vouloir donner du plaisir (sexuel) à l’autre répond souvent aux mêmes motivations que de vouloir le sauver : cela peut parfois être juste mais, fréquemment, derrière cette volonté se dissimulent nos propres besoins ou manques.
Le Tantra invite chacun, le masseur inclus, à ressentir pleinement ce qui se passe en lui et à ne pas se couper de son désir s’il survient. Mais c’est une chose d’être conscient de son désir et cela en est une autre que ce soit le désir du masseur qui lui dicte son toucher. Si le masseur est trop dans son désir, il aura tendance à vouloir induire un état similaire chez la personne massée, au risque de « forcer » quelque chose, de la pousser dans une direction qu’elle n’aurait pas prise spontanément.
Durant le temps de la séance, le masseur veillera à rester au service de la personne massée et à l’accompagner uniquement là où c’est juste et bénéfique pour elle. Afin de ne pas se laisser submerger par son propre désir, il est important que le masseur apprenne à faire circuler fluidement ce désir en lui, en sorte que toute tension puisse se relâcher et que s’estompe chez lui le besoin de « faire quoi que ce soit » avec son désir (cfr. l’article Que faire avec son désir ?).
Pour conclure, je dirais qu’en s’aventurant dans des terres peu explorées, le massage tantrique offre de magnifiques opportunités de réhabilitation et de transformation. Pour ne pas s’y perdre, la meilleure balise est la qualité de présence aimante à soi et à l’autre : « Si tu sens l’amour et la compassion pour le massé, si tu le regardes comme énergie de valeur inestimable, si tu es reconnaissant de sa confiance en toi et du fait qu’il te laisse jouer de son énergie, alors, de plus en plus, tu auras l’impression de jouer de l’orgue, et tu ressentiras la création d’une harmonie en toi » (Osho).
Didier de Buisseret
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