Retour sur le DSM, ce manuel répertoriant et définissant les troubles mentaux : la bible des psychiatres à travers le monde. La cinquième édition est parue le 22 mai 2013 aux Etats-Unis et a fait l'objet d'une vive controverse. Controverse que nous allons tenter d'éclairer un peu avec Anne-Laure Gannac de "Psychologies Magazine".
Etablissement public de santé mentale Charcot à Caudan © Maxppp
Ce qui fait débat c'est la façon dont, avec cette nouvelle version, des comportements, ou des états émotionnels jugés jusque là non problématiques, "naturels", basculent du côté des maladies mentales à renfort de diagnostics que nombre de psys estiment être très discutables. Le DSM V, est pour beaucoup une "fabrique des maladies", manipulés par les laboratoires particulièrement influents auprès des experts responsables de ce manuel. Donc ce n'est pas qu'un débat d'experts, il nous concerne tous, puisque le danger c'est que cela aboutisse à un recours excessif aux médicaments, puisque, forcément, chaque pathologie a son médicament.
Ce qui pose problème
Ce qui a toujours pu poser problème à des psychothérapeutes, c'est que le DSM, depuis son origine, c'est-à-dire en 1952, fait fi de toute recherche de causes, il se limite à faire correspondre tel symptôme à telle pathologie. Mais cela renvoie à l'éternel débat entre comportementalistes et psychothérapeutes et psychanalystes. Hormis cela, beaucoup lui reconnaissent cet avantage de permettre à tous les psychiatres et chercheurs à travers le monde de se mettre d'accord sur les diagnostics ; il a été lancé par l'Association Américaine de Psychiatrie dans ce but d'harmonisation. Sauf qu'aujourd'hui, la dissension est forte au sein de la communauté psy, du fait de ces abus.
Le DSM concerne tout le monde
Le DSM concerne tout aussi bien les troubles des adultes que des enfants. C'est ce qui alerte d'autant plus certains experts : ce risque de renforcer cette tendance déjà visible de "médicamentaliser" les enfants dès le plus jeune âge. Seulement, lorsqu'un parent consulte parce qu'il s'interroge sur le comportement de son enfant, il lui est plus confortable de s'entendre dire : "Il souffre de tel trouble, il suffit de lui donner telle pilule deux fois par jour pendant un mois", plutôt que de songer à une psychothérapie à plus ou moins long cours, et de continuer à se culpabiliser, à s'inquiéter, etc.
De nouveaux symptômes
Dans une enquête publiée ce mois ci, la journaliste Hélène Fresnel en a soumis cinq au jugement de spécialistes, psy et historien de la psychiatrie. Un premier : cette nouveauté qui fait passer à deux mois le temps jugé normal de tristesse après un deuil. Au-delà ? Et bien c'est que l'on souffre de ce qui est nommé un "épisode dépressif majeur". C'est une aberration évidente : on ne prend pas en compte l'histoire personnelle du patient, les circonstances de la perte, tout ce qui rend le processus de deuil tout à fait variable, intime et absolument nécessaire. La conséquence à craindre c'est que, désormais, passés ces deux mois, les médecins multiplieront les prescriptions d'antidépresseurs qui sont déjà, on le sait, très élevés, d'abord et surtout en France.
Sachez que si un jeune pique plus de trois colères par semaine pendant douze semaines, il est atteint, selon le DSM V, du "trouble d'humeur explosive". Sauf que, pour nombre de médecins pédiatres et pédopsychiatres, ce trouble n'existe tout simplement pas, il ne correspond à aucune donnée de terrain fiable et qui aurait été sérieusement évaluée, comme ce doit normalement être le cas.
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