ODE A UNE MUSE

Paris, Gare du Nord, 8 heures du matin.

Je viens de quitter le quai 16 où vient
mourir le TGV surgissant de Lille.
J’étais intrigué par des pensées qui m’habitaient.

Comme pour les fuir, j’accélérai le pas pour
sortir de cette enceinte immense tourmentée
par le froid, les courants d’air et les gesticulations anarchiques
de tous ces pigeons qui prennent certainement plaisir à déposer
leurs fientes sur les bagages des voyageurs, les bancs métalliques
des badauds et des globe-trotters de la banlieue parisienne.

8h07, j’atteignais enfin le passage clouté, gardé
par un feu tricolore alternatif qui décrétera
le droit de traverser de l’autre coté de la chaussée.

Les épreuves avaient déjà commencé.
Je m’étais frayé un chemin, un dédale plutôt, dans
une marée humaine, hétéroclite et bigarrée de mille couleurs.

Décidemment, je ne suis pas fait pour la ville
avec son trafic, ses turpitudes, sa pollution,
ses bruits, ses passants courants dans tous les sens,
tous ces murs mangés et dévorés par des affiches de toute nature.

« Piétons attendez, Piétons attendez… » dit le feu tricolore alternatif
telle une injonction portée par une voie métallique et saccadée
comme sortant du tréfonds d’un robot.

Ma montre indiquait 8h08.
Il me restait 22 minutes pour atteindre le lieu de ma réunion.

Devant moi, une circulation effrénée de voitures,
de motos, d’autobus léchait avec impudeur
et arrogance ce passage zébré appelée clouté.

Un moment, mon regard fut attiré, inexorablement,
par un panneau d’affichage qui se dressait fièrement
et péremptoirement de l’autre coté de la chaussée,

Ma terre de liberté !

Une mosaïque riche de couches successives
d’affiches déchirées par la pluie, par des passants mal intentionnés,
par un employé pressé, préposé à ce travail
laissait apparaître un kaléidoscope tournoyant en un melting-pot
scandaleux de couleurs et de lettres.

Ma vue était trouble et troublée par cette tornade de lettres
qui s’entrechoquait entre elles et qui subitement fit apparaître un mot,
un nom, peut-être un prénom : Calliope

Calliope préfigurait l’apparition, la manifestation, la vision d’un être
exceptionnel qui venait d’une quelconque contrée de la mythologie Grecque.

Une femme, une muse, une demi-déesse certainement !

Des yeux de braise, ces yeux immenses évoquant l’histoire de l’humanité
et l’immensité de l’univers me regardaient, me faisaient frissonner.

Un regard envoutant était mis en valeur par un océan de chevelure mélangé de
couleurs d’or et d ébène.
L’évasement d’un cou, enlacé d’un collier de pierres précieuses, portait ardemment
et avec provocation un visage radieux et serein communiquant
la force de braver l’impossible, l’énergie de changer l’eau en vin.

Les courbes gracieuses de ses épaules étaient couvertes d’une faseye,
une voile à peine transparente qui battait au vent comme un drapeau.
Ses mains avec des doigts longs et fins pourraient tracer toutes les lignes
avec la précision d’une plume à écrire et la légèreté d’une plume d’oiseau.

Ses mains éventaient des seins neigeux qui semblaient poindre à peine
derrière cette voilure claquant au vent.
Un vent qui laissait échapper des parfums de pain d’épice et de lavande.

Un ventre à peine visible, suggéré telle une mystérieuse voute aux abimes
insolites et sibyllins calmait en ce moment cette voile cinglante qui m’apparaissait
comme une mousseline blanche de coton.

Cette mousseline, cette voilure me renvoyait l’image de jambes longues dont les
pieds un peu charnus s’enracinaient dans une atmosphère étrange, un rêve embrumé d’une…

« Piétons passez ! Piétons passez ! Piétons passez ! »

Je regagnais l’autre coté de l’avenue de la gare du Nord.

Le creux de mon estomac, de mon intérieur était animé, bousculé,
interrogé par la sensation d’un poids et d’un vide simultanément.

8h09, je dois me hâter car dans 21 minutes une réunion m’attend.

Jean-Paul PARENT

In « Ateliers d’estampe-écriture Textes d’enfants et d’adultes » Médiathèque de Gravelines en partenariat avec le Musée de l’Estampe originale et de la Gravure de Gravelines

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