ALLEZ ZANE...
Je ne sais pas encore ton nom et pour ce moment partagé je t’appellerai Zane…Zane pour ta robe et allez pour la vie qui va, la vie qui s’en va, la vie qui s’en vient…
Je suis arrivée ce matin là et je t’ai vue allongée sur le sable, l’œil mi-clos, immobile. J’ai cru l’espace d’un instant que tu avais déjà quitté ce monde.
Mais non, un frémissement de ton oreille et les paroles de Daniel me ramènent la réalité : Tu es bien vivante même si un arrêt de mort a été signé et pèse sur toi de manière imminente
Le vétérinaire est attendu d’un instant à l’autre pour t’administrer l’injection finale, seule solution à envisager après plusieurs jours de souffrance déclenchée par une grave colique de stress. Le destin semble avoir décidé que le soleil s’est levé la dernière fois pour toi au-dessus du mont Ventoux, te laissant épuisée, sans force sur le sable de la carrière.
La souffrance sommeille dans ton ventre et t’accorde un répit grâce aux médicaments, mais elle couve comme une braise sous la cendre.
Malgré ma réticence et mon émotion, Daniel me propose de maintenir notre programme et nous allons chercher Hercule pour ma leçon.
A quelques mètres de Zane, dans la carrière voisine, nous voilà partis tous les deux, Hercule et moi, foulant de nos pieds le même sable, d’un côté la vie qui s’en va, de l’autre la vie qui va.
Nous respirons ensemble l’air du matin, Hercule m’encourage à me relier à mon corps, à mon cœur qui bat, à mes muscles qui s’activent dans le plaisir de nos mouvements.
En même temps, je ne peux m’empêcher de rester avec toi, Zane, et je te regarde. Tu es toujours inerte sur le sable, apparemment indifférente à ce qui se passe tout près de toi, sans doute occupée à lutter contre ta douleur.
Le temps s’écoule, Hercule tourne à la longe et je l’invite à marcher, puis à trotter dans la ronde de la vie, c’est là qu’elle rayonne et m’immerge dans le plaisir de la sentir vibrer en moi…
De l’autre côté du fil, soudain, Zane lève la tête.
Que se passe-t-il ? Je m’interroge avant de revenir à Hercule et à nos exercices partagés.
Un moment plus tard, te voici levée, tu te tiens sur tes quatre jambes.
Et lorsque nous terminons la séance, tu es toujours debout, l’œil vif, tu cherches à brouter les brins d’herbe à ta portée derrière la clôture…La vie qui s’en allait revient, la vie qui va ne s’encombre pas des clôtures et des fils tendus.
As-tu senti l’urgence de manifester ton désir de rester avec nous ? A cet instant le vétérinaire arrive.
Toujours est-il qu’après t’avoir examinée, il donne son pronostic : tu as 5 chances sur 100 de t’en sortir, elles te sont accordées et le vétérinaire repart avec sa seringue…
Un immense soulagement me saisit, tu viens de manifester une belle victoire de vie et je m’y sens associée par les circonstances dans une unité d’espace de temps, d’émotions et de sensations. De chaque côté du fil…ce fil qui nous séparait, était aussi celui qui nous a reliées…
Tu reviens de loin Zane et grâce à toi, je sens d’autant mieux la puissance de vie qui jaillit des moments partagés avec Hercule, vous m’avez accompagnée tous les deux ce matin.
Avec vous je suis aussi revenue de loin, j’ai retrouvé des moments privilégiés de mon enfance quand je vivais cette plénitude de l’instant présent, totalement engagée dans la vie avec toutes les sensations de mon corps et sans arrière-pensées.
Les ombres de mes doutes et de mes angoisses se sont effacées et Je suis repartie avec ce cadeau, le cœur en joie et dans l’espoir et la confiance
Lorsque je reviens quelques jours plus tard, le rétablissement de Zane suit son cours, elle va aussi bien que possible…
Elle broute tranquillement dans un paddock au moment où je gare ma voiture. Elle lève la tête et nous échangeons un long regard.
Je revis l’émotion de notre rencontre l’autre jour et lui demande intérieurement de venir vers moi pour me confirmer qu’elle est aussi avec moi dans ce ressenti .
En soufflant doucement, elle s’approche de moi, encore une fois un fil entre nous… mais nous sommes ensemble.
Allez Zane, nous voici reparties toutes les deux pour de nouvelles aventures, dans la vie qui va, la vie qui vient…
Avril 2008
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