LES RÊVES ET LA CONSCIENCE
Article d'Olivier Soulier.
Longtemps les rêves ont été considérés comme des messages ou des éléments divinatoires.
Comme le rêve de Pharaon interprété par Joseph ou le songe de Jacob, les rêves habitent notre histoire ancienne, qu’elle soit biblique ou générale.
Avec l’apparition de la psychanalyse, ils sont devenus matière de travail dans l’exploration de l’inconscient.
Récemment, les neurosciences et les dernières découvertes du cerveau ont ouvert de nouvelles perspectives qui n’entrent pas en contradiction avec les connaissances psychanalytiques, bien au contraire.
Ce qui change, c’est que nous découvrons chaque fois un peu plus à quel point notre corps est un merveilleux outil capable d’intégrer les éléments de notre existence. Ce que nous pensions se passer en dehors, se passe en fait en dedans.
Explorons tout cela d’un peu plus près.
Les rêves représentent un lieu de travail et d’intégration comme nous l’ont appris récemment les neurosciences.
Nous enregistrons tout au long de la journée de nombreuses informations et pendant la nuit nous les retravaillons pour les rendre “conscientes” et utiles .
Cette conscience est plus inconsciente que le jour mais au fond efficace.
Techniquement, nous abordons les informations de deux façons : analogique et cognitive.
Analogique, c’est-à-dire ressemblant à des choses que nous pensons connaître.
Nous captons à longueur de journée des informations qui nous semblent habituelles et donc sans plus d’intérêt apparent.
Elles n’attirent pas particulièrement notre attention. Mais c’est bien là que résident des points essentiels, car c’est dans le “banal et l’ordinaire“ que résident des messages importants.
C’est parce que nous sommes dans nos croyances, notre vision du monde, que beaucoup d’informations nous échappent.
Il nous faut souvent des drames, des maladies ou des accidents pour réaliser que les choses pourraient être autrement.
De nombreux aspects de la thérapie tentent de nous faire “voir et percevoir“ les choses autrement tout comme l’observation et la méditation.
Bertholt Brecht avait bien compris cette idée dans son effet de distanciation lorsque dans ses pièces de théâtre, il changeait les époques pour rendre les problèmes plus visibles.
Le film “le Cercle des poètes disparus” est un bel exemple de la possibilité de voir.
En faisant monter ses élèves sur les tables, le professeur joué par Robin Williams les aide à changer de perspective et à voir différemment ce qui pour eux était banal et donc capté sur le mode analogique.
C’est sûrement dans le banal que réside le terreau de notre intuition.
L’observation et l’attention aux faits sont essentielles aussi car elles nous confrontent au monde de nos croyances et de nos certitudes.
Prenons l’exemple d’un tremblement de terre qui se prépare.
Nous savons que les animaux modifient plusieurs jours avant leur comportement, car ils ont ressenti dans leur animalité les mouvements de la croûte terrestre.
Si nous pouvions capter les attitudes des animaux nous serions qualifiés de “clairvoyant “ avec tout l’aspect de l’odeur souffre qui va autour.
En réalité, nous aurions simplement les yeux ouverts pour ressentir les différences et tenter de les “ reconnaître “.
La question ici est de savoir quel est notre niveau d’éveil et d’attention à la vie ? Tout existe, à nous de le voir, à défaut le rêve peut faire ce travail.
Quand des situations nous semblent “ réellement nouvelles “ nous les abordons sur le mode dit Cognitif, c’est-à-dire de ce que j’apprends à connaître.
Ici la nouveauté est évidente, tout comme le travail d’apprentissage. C’est un mode de conceptualisation.
Quel est pour nous “le seuil d’évidence” ?
Il est important de savoir que la mémorisation des connaissances se fait toujours sur le mode analogique.
Le mode cognitif est un passage obligatoire, mais tout revient à la fin en analogique.
Un des principes des rêves est de faire passer les informations de l’analogique au cognitif.
D’une non conscience à une forme de conscience.
Nous emmagasinons à longueur de journée des informations et nous les retravaillons la nuit.
Comme un ruminant mange et rumine secondairement dans les phases de repos.
Nous savons que pendant le sommeil, il y a des phases de sommeil lent et des phases de sommeil paradoxal où le cerveau fonctionne aussi fort qu’à l’état d’éveil.
Le tout est entrecoupé de micro réveils. Nous rêvons dans toutes les phases.
En sommeil lent, les rêves sont cohérents alors qu’en sommeil paradoxal, ils sont incohérents.
Je les qualifierai plutôt d’intégrateurs; un mélange qui se travaille et cherche des points de cohérence.
Pendant la journée, nous sommes occupés par divers thèmes de préoccupations et de pensées qui créent au niveau du cerveau ce que l’on nomme des “bassins d’attraction“, que nous pouvons comprendre comme des zones de questionnement, des sujets qui nous travaillent, des zones de débats que le cerveau met en place pour trouver des solutions.
La nuit, pendant le sommeil, nous allons chercher dans les zones analogiques des informations que nous avons stockées sans savoir “si elles nous seraient utiles“, ni “sans réellement les comprendre“.
Toutes ces informations “brutes“ vont migrer dans les bassins d’attraction.
Puis se produisent les micro-réveils grâce auxquels les neurotransmetteurs se mettent en route et rendent notre cerveau capable d’interpréter “ce qui nous travaille“.
Les micro-réveils vont aussi nous permettre de capter des informations que nous allons intégrer dans le travail du rêve, comme les bruits de la nuit ou le son d’un radio-réveil.
Se rajoutent encore à tout cela nos événements vécus dans le quotidien des derniers jours.
Notre cerveau fait alors une sauce à sa façon pour tenter d’intégrer toutes ces informations et les faire passer au mode “cognitif“ soit le mode connu.
Nous voyons bien que ce mode connu reste encore non-conscient et que les rêves sont une tentative de conscientisation qui s’arrête à mi-route et nourrit notre inconscient autant que notre ressenti et notre intuition.
Ces informations sont maintenant plus proches et pré travaillées, à notre disposition, juste en retrait de notre conscience.
Le cerveau fonctionne par association libre comme l’avait pressenti la psychanalyse.
La psychanalyse, dans son intuition, n’a fait que plagier la physiologie cérébrale.
La position couchée tenterait de reproduire un état plus proche du sommeil pour favoriser ce processus associatif.
Erickson avec son hypnose vise à brouiller le conscient pour tenter laisser ce phénomène associatif s’exprimer plus librement.
Dans un rêve, tout est vrai, tout a une base, c’est la combinaison qui est imaginaire.
C’est sûrement la meilleure façon qu’ait trouvé le cerveau à ce moment pour tenter d’intégrer les informations.
Nous pouvons aussi aller encore plus loin en considérant certains aspects du cerveau.
Globalement il y a trois zones. Le conscient présent dans le cortex dit automatique et le thalamus.
L’inconscient situé plus bas dans le système limbique et le tronc cérébral.
Puis plus haut et devant, le supra conscient que nous pouvons localiser dans l’avant dit “pré frontal“.
Cette zone qui n’est jamais consciente est le lieu de notre intuition.
C’est sûrement la zone qui nous relie et où réside la part de nous qui a compris bien avant nous.
Celle qui parle quand vous vous dites “au fond, je l’avais senti“.
Le Eurêka des découvreurs, le “Bon Dieu mais c’est bien sûr “ du commissaire Bourrel.
Il y a un parallèle évident entre la capacité de travail, d’intégration et de conscientisation du rêve et la fonction du pré-frontal.
Ces deux zones sont pour nous d’un apport assez proche. Ce sont deux zones de communication, d’intégration et de compréhension.
Là, se produisent des processus essentiels à la conscientisation.
Mais ce sont aussi deux territoires que nous ne pouvons contrôler, qui nous servent mais qui nous dépassent.
Deux territoires qui sont en nous, une forme de connexion avec ce qui est plus grand, plus lucide que nous.
Deux territoires où l’homme est plus loin et plus grand que l’homme.
Prenons soin de nos rêves, restons à leur écoute. Mais surtout, ayons conscience que ces territoires sont en nous.
Qu’une attention à nous et à notre vie nous permet de les laisser parler plus librement.
La méditation et la prière sont une forme assez analogue de chemin.
Un moyen de nous laisser inspirer, un moment où nous pouvons laisser transpirer ce qui est en nous,et qui ne demande qu’a être compris.
Pour finir, je vous dirai : “ imaginez tout ce que vous avez déjà et que vous savez déjà,
si vous pouviez voir cela... vous ne verriez plus rien d’autre “.
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