« Cette âme, qui est au-dedans de mon cœur, est plus petite qu’un grain de riz,

qu’un grain de moutarde, qu’un grain de mil, que le noyau d’un grain de mil […] »

Chândogya-Upanishad (III, 14 – 6ème siècle avant notre ère)

 

 Le regard de l’Occident perçoit communément le corps comme un assemblage de viscères, de chair et d’os, sillonné de vaisseaux sanguins et d’artères, de centres nerveux et de cellules, le tout contraint dans une enveloppe charnelle, souvent dépréciée ou jugée encombrante. Il omet fréquemment d’évoquer l’âme, celle-ci ayant été enfouie au profit de l’esprit. Il en est tout autrement du regard de l’Inde, notamment celui  de l’Âyurveda et du corpus yoguique. Allant bien au-delà de cette approche physiologique, anatomique et éthique, il dépasse la seule matière et appose une empreinte bioénergétique complexe à un ensemble corporel très sophistiqué mais jamais méprisé.

Les sages indiens conçoivent la vie comme étant la symbiose étroite des énergies célestes et terrestres, englobant substances et éléments cosmiques, sens et forces de la Nature. Ils l’envisagent telle une harmonie immatérielle entre âme individuelle et âme universelle, entre corps et esprit, composant un Tout indivisible, et affirment d’une façon certaine, qu’elle est une alchimie extraordinaire entre le Divin et l'Humain, le Sacré et le Vivant, l'Absolu et l'Individu.

 

Afin d’expliquer cet assemblage invisible à l’œil nu, la pensée indienne a envisagé une grille de lecture énergétique composée de « méridiens » nommés nâdî, de points corporels sensibles appelés marma et de centres nerveux dénommés çakra. De cette façon, l’ossature bioénergétique de tout être est conçue comme un fourreau tissé de flux énergétiques.

Le corps, enfanté par l’Énergie Mère, est parcouru d’un tissu invisible et délicat. Il relie entre eux, d’un canevas sensible, çakra, corps subtils, nâdî, organes et souffles vitaux. Interdépendants, ils définissent les capacités psychiques et psychogènes de l’être, sa nature profonde, ses traits de caractère ainsi que les fonctions physiologiques, métaboliques et somatiques.

 Demeure l’essentielle question : qu'est-ce que l’être humain ? Qu’est-ce qu’être « humain » ? Pour l’Inde, l'être humain est de nature divine comme tout ce qui forme et constitue le Vivant (plante, animal, pierre, rivière, montagne, etc.). Né d'une poussière de Brahmâ, l'Absolu, il le contient blotti dans son cœur, portant en lui un bouton minuscule et infime de l'Énergie première : « Enracinés dans une seule vie, nous sommes des fragments du divin, fils de l'immortalité »[1].

Le corps humain est corps d’énergie et instrument privilégié dédié à la réalisation spirituelle, une table d’harmonie où l’on devient tour à tour musicien et explorateur en quête de vie. Nous sommes tous chercheurs d’âme, exécutants et interprètes de notre existence. Nous explorons, tâtonnons, vacillons, perdant pied parfois, nous trompant souvent d’accord - la fausse note nous poursuit longtemps dès lors. Jusqu’à ce que nous regagnons la berge, notre terre charnelle singulière où âme et conscience veillent. L’exploration perdure car il faut du temps pour parvenir à intégrer chacune de nos trois composantes. Mais est-ce bien « Je », ce champ où se livrent tant de batailles, cet espace tapissé de fleurs magnifiques ne demandant qu’à s’ouvrir à notre demande ?

 

Qui est donc ce « Je » ?

Je vis. Je respire. J’existe. Je suis hors « Je », je ne suis pas en « Je ».

Le Divin s'est estompé pour que je puisse prendre forme, me laissant graviter dans la pesanteur.

Il me faudra donc me « dé-créer » pour toucher l'apesanteur, consentir à n'être rien, rien d'autre que ce que « Je » suis, une partition de musique – et rejoindre le Divin :

« Celui qui se tient dans tous les êtres, qui est à l'intérieur de tous les êtres, mais que tous les êtres ne connaissent pas, dont le corps est tous les êtres, qui contrôle l'essence de toutes les entités, c'est ton Soi immortel. »[2]

 

Le corps est lieu de témoignage divin, où se joue la reconquête par l’être de sa véritable nature. C’est par lui que nous pouvons nous réajuster, faire résonner les forces organiques et cosmiques. L’alignement entre corps, esprit et âme peut être long, ardu. Nous devons pénétrer couche après couche (traverser tout ce qui nous compose), descendre strate après strate jusqu’au cœur de notre être, toucher la parfaite harmonie de la corporéité - incluant les étoffes corporelles, les organes sensoriels, les quatre Moi (âtman) -, et la cohésion harmonique entre esprit, âme et conscience. Là où illumine le Divin, notre Centre intérieur, où les fleurs de nos cœurs s’épanouissent, là où  irradie la claire lumière de notre âme.

Sylvie Verbois (copyright)
Extrait : Les Chakras, exercices de méditation (Editions Eyrolles, 2013)

[1] S. Radhakrishnan, Religion et Société

[2] Brhadâranyaka Upanishad - III, 7, 15-23

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