Je suis allée dernièrement à une présentation d'activités d'un organisme qui fait la prévention de la violence auprès des enfants et des adultes, pour que les enfants soient outillés pour ne pas en subir, l'organisme ESPACE.
J'ai écouté avec attention toutes les mises en situation et les outils que les animateurs nous ont présentés. Je me suis parfois surprise à me dire «Si mes parents/proches/profs avaient agi comme ci ou comme ça, je n'aurais probablement pas vécu cette violence et maman non plus».
Je suis ce qu'on appelle «une enfant de la violence». Physique et psychologique. De 5 ans à 18 ans, de la part de mon beau-père envers ma mère et moi. Je n'en ai pas l'étiquette collée sur le front et je suis profondément pacifique mais la violence sera toujours collée quelque part en moi.
Cette violence, je la porte encore aujourd’hui, très loin au fond de moi. Je l’avais enfouie car je la détestais. A l’âge de 11 ans, j’ai même décidé que je ne me mettrais plus en colère, que ça n’était pas moi. J’ai dès lors «pompé» parfois sans (presque) plus jamais éclater, jusqu’à ce que je réapprenne à exprimer ma colère en la gérant consciemment et non juste en la laissant jaillir en format réflexe.
Mon passé dans la violence n’avait jamais pointé le bout de son nez à travers toutes les années de thérapie que j’avais faites… jusqu’en mai 2002. Ce jour-là, j’étais mûre. Ma mère était décédée quelques semaines plus tôt, emportant avec elle son passé qu’il me restait à libérer aussi. Mon conjoint m’a traitée de quelques mots des plus dénigrants. J’ai éclaté. La profonde blessure causée par ces années d’enfance et d’adolescence dans la violence s’est rouverte, béante.
Cette explosion d’une marmite remplie à ras-bord de refoulement de mes émotions depuis toute jeune m’a permise d’accueillir puis de prendre en mains la violence qui m’habitait pour permettre de cicatriser la blessure au maximum de ce qu'il est possible de faire. Je me sens aujourd'hui beaucoup plus en paix et je ne pars plus en courant devant un film où une certaine violence peut avoir lieu, par exemple, ni une personne qui porte de la violence.
Je sais aujourd’hui que la violence est un système de défense face à ce qu’une personne perçoit comme un danger, qui ne le serait pas du tout pour une autre personne. En une fraction de seconde, tous les gyrophares du système de défense s’allument, déclenchant une série de réactions en chaîne, malheureusement souvent incontrôlables.
Je crois que personne, à l’origine, n’est violent. Par réflexe de survie, nous pouvons devenir violent alors que d’autres vont devenir soumis, par exemple. Ma mère s’est soumise à un homme violent, par exemple.
La violence n’est une solution à rien et on n’a pas à en vivre.
Instinctivement, j'ai donc fait en sorte, depuis toute jeune, de m'entourer de gens qui ne portent pas de violence ou, du moins, qui ne m'en déclenche pas, ou plus.
Il m’arrive cependant, comme tout le monde, de perdre patience parfois. Quand je sens la moutarde me monter au nez, je fais le point dans ma poche, ce qui m’aide à rester en contact avec moi-même et à gérer l’émotion, éventuellement violente, en train d’émerger.
Surtout, j’applique ce que les animateurs d’ESPACE nous ont rappelé hier soir, la technique des «3 R » :
Reculer – Respirer – Réagir.
J’en ajouterais un 4e :
Reculer - Respirer - Réfléchir - Réagir.
Réfléchir à voir pourquoi cette situation nous a déclenché dans notre impatience, peut-être notre colère voire même de la violence (car nous en portons tous) là où une autre personne n’aurait même pas bronché ?
Là est la question qui va nous permettre de mettre le doigt sur notre blessure et la guérir, si on décide d’arrêter de se faire vivre - et de faire vivre - de la violence…
Avec amour et gratitude,
Dominique Jeanneret
Thérapeute, Québec
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