La synchronicité ou ces hasards chargés de sens…

Qu’on le nomme hasard ou coïncidence (du latin coincidentia : tomber en même temps), ce phénomène intriguant et mystérieux fascine tellement l’homme qu’il  cherche à en décrypter le sens depuis des millénaires. Pour un grand nombre de civilisations, les coïncidences ont même été considérées comme des présages et l’on a longtemps pensé qu’il existait des liens prémonitoires entre les faits observés et des évènements futurs.

C’est seulement au début du vingtième siècle, qu’un biologiste autrichien, Paul Kemmerer, ouvrit la voie en s’intéressant scientifiquement au hasard puis en élaborant le principe de la sérialité, appelée aussi loi des séries. Il fonda sa théorie sur l’observation, pendant plusieurs années, de coïncidences étonnantes et récurrentes, identiques ou semblables mais n’étant pas reliées par la même cause et échappant aux principes de causalité physique connus.

A la même période, le psychiatre Carl G. Jung, fasciné lui aussi, par des séries de coïncidences qui lui semblaient si chargées de sens que les expliquer par le simple hasard lui paraissait trop improbable, décida de consacrer ses recherches à ce phénomène. Il proposa alors le terme de « synchronicité » (du grec, « sun », « avec » qui marque l’idée d’une union – et « kronos », « le temps ») pour caractériser la simultanéité d’au moins deux faits ne présentant aucun lien de causalité, mais dont l’association prend un sens significatif pour la personne qui les perçoit. Il approfondit  les travaux de Kammerer, avec l’aide du physicien Wolfgang Pauli, un des fondateurs de la mécanique quantique, avec lequel il poursuivit et développa ses recherches sur cette théorie tout au long de sa vie.

Les évènements synchronistiques qui nous touchent le plus émotionnellement, semblent être ceux liés aux rencontres et à notre sphère relationnelle. Qu’elles soient d’ordre affectif, professionnel ou artistique, ces rencontres nous marquent à jamais en nous invitant à nous (re)découvrir et nous transformer en profondeur.  

C’est ce sujet qu’a exploré le psychologue Jean-François Vézina dans son premier ouvrage Les Hasards Nécessaires  (Editions de l’Homme - 2001) devenu un best-seller avec plus de 50 000 exemplaires vendus. Ce livre parcourt en toute liberté de nouvelles voies de compréhension reliées à la passionnante question de la synchronicité relationnelle. Il met en lumière ces rencontres phares de nos existences ainsi que la valeur symbolique des transformations qu’elles occasionnent.

Loin du cliché un peu étroit et normalisant du discours classique de la psychologie,Jean-François Vézina propose un discours original, tant dans ses livres que lors de ses conférences, où il partage son goût de l’exploration de l’inconscient d’une manière poétique, ludique et décomplexante.

Ce n’est pas par hasard, mais après avoir pris rendez-vous, que nous nous sommes entretenus sur ce sujet…hasardeux mais ô combien passionnant !

Interview de Jean-François Vézina

Quel est votre définition du hasard et est-il forcément nécessaire?

Le terme hasard désigne pour moi ce que le mathématicien Antoine-Augustin Cournot en a dit : La rencontre de deux séries causales indépendantes.

Le hasard deviendra un hasard nécessaire (synchronicité)  lorsque cette rencontre sera liée par un sens pour l’individu (critère 1), qu’elle aura une forte charge émotionnelle (critère 2), qu’elle proposera une nouvelle direction ou traduira une transformation (critère 3). Ce hasard nécessaire ou cette synchronicité est susceptible de se produire dans les entre-deux de notre vie (critère 4).

Le hasard est nécessaire et il y a des hasards qui sont plus nécessaires que d’autres. Un hasard ou une coïncidence peut ainsi  exister et être banale si elle ne répond pas aux 4 critères mentionnés.

Pourquoi cette notion fascine t-elle autant l’homme ?

Parce qu’elle nous invite à nous questionner sur le pouvoir que nous avons de changer notre vie ou de la subir. De tous les temps, nous avons tenté de trouver des moyens de nous donner des illusions de contrôler la vie. Ces illusions sont nécessaires tant que nous arrivons à bien délimiter où se trouve notre pouvoir et où se trouve le pouvoir de la vie de nous déstabiliser. C’est comme d’apprendre à jouer avec les règles dans un jeu.

Si je joue en croyant que je peux contrôler l’issue des dés, ou si je modifie les règles pour que je ne joue que si j’ai une paire de 6, cela rend le jeu de la vie terriblement ennuyeux. Le hasard nous offre cette possibilité de redonner du jeu au jeu de la vie !

Quelle était votre démarche en écrivant votre premier livre « Les Hasards Nécessaires » ?

J’ai voulu simplement développer un art de la rencontre. Apprendre à sortir de nos zones de conforts pour rencontrer véritablement de l’altérité et des symboles qui peuvent nous transformer.

La synchronicité concerne t-elle les rencontres de tout ordre?

Oui, toutes les rencontres peuvent être ou non synchronistiques. Dans le livre collectif de Michel Cazenave, (La synchronicité, l'âme et la science, Editions Albin Michel) il y est même fait mention de la dimension biologique des rencontres qui ont fait muté les espèces au cours de l’évolution, dans un chapitre intitulé "L’évolution en tant que continu synchronistique".

Est-ce qu’une synchronicité a toujours un sens, un « message » à transmettre ?

La vie est une longue conversation et la synchronicité en est un de ses canaux privilégié. La synchronicité n’a jamais un sens précis. Son langage est comme le symbole, il est multi sens et s’adresse donc aussi à tous les sens de l’être pour le garder vivant dans sa conversation avec le vivant.

Si on ne comprend pas ou que l’on résiste aux sens de ces signes, que se passe-t-il ?

Il existe une obsession de trouver le bon signe, de trouver toujours le sens des synchronicités. La clé consiste à rester visible et disponible. Si le sens n’a pas été saisi, la vie continuera sa conversation avec nous d’une manière ou d’une autre.

Est-ce que lorsque l’on a, comme vous, autant écrit et réfléchi sur ce thème, on arrive à déceler et accepter davantage ces signes ?

Le but est d’accepter la vie et non les signes. Imaginons un être qui se promènerait sur la route en collectionnant les panneaux de signalisation et les emmagasinant dans sa voiture pour se sécuriser. Tout dépend des endroits où l’on circule dans la vie. Certes dans certains aspects de notre vie, nous pouvons développer des capacités à mieux lire les signes. Mais la signalisation de type symbolique est toujours à réapprendre, surtout dans les autres pays.... !

Comment arriver à faire la distinction entre reconnaître certains symboles et en voir partout ? Ne serait-ce pas là qu’interviendrait l’intuition ?

Tout à fait. Selon Jung, l’intuition est la capacité de voir avant la courbe. Autrement dit, c’est notre capacité à nous fier à notre sens intérieur et à répondre aux appels intérieurs qui nous indiquent par exemple de tourner à gauche alors que tout à l’extérieur nous pousse à tourner à droite. Par exemple, lorsque vous vivez une synchronicité ou une rencontre, demandez-vous simplement : Qu’est-ce que cette rencontre me pousse à faire ? Qu’ai-je envie de découvrir, de lire, de voir suite à telle rencontre ? Quelles nouvelles actions cette rencontre me propose d’entreprendre ?

La synchronicité semble aussi très liée à la notion de créativité…

Effectivement, et le plus difficile dans la véritable créativité est d’accepter de détruire ou transformer quelque chose ailleurs dans notre vie pour faire de la place à la nouveauté. La vraie créativité est une  transformation et nécessite souvent l’aide d’une rencontre avec l’inconnu et l’inattendu.

Existe-t-il une loi de la synchronicité comme il existerait une loi de l’attraction ?

Lorsque le Christ est arrivé dans le monde, il a proposé quelque chose de totalement révolutionnaire pour l’époque : Le principe d’amour gratuit. Cela a choqué considérablement les tenants des lois de tout acabit. La synchronicité est un peu comme l’amour gratuit et il peut choquer des théories comme la loi d’attraction qui est toujours sous le registre de la causalité.

La synchronicité tente de nous libérer d’un monde où la loi et la causalité dominent pour nous faire entrevoir des mondes plus complexes où le sens peut lier les événements et où les causes peuvent précéder les effets comme dans le monde quantique.

Dans votre dernier livre « Danser avec le chaos » (Editions de l’Homme - 2012), vous abordez le thème de l’inattendu et  le génie des rencontres qui peuvent en être issues. L’inattendu est un parent très proche du hasard, qu’avez-vous voulu transmettre en abordant à ce thème ?

Une ouverture sincère à la créativité qui peut se cacher dans l’inattendu. Mon livre est une invitation à « inattendre » ce qui arrive dans nos  vies et à danser avec l’inattendu plutôt que de lutter contre.

J’ai voulu aussi tenter de remettre un peu de gratuité qui est une notion déstabilisante, dans le vaste shopping existentiel qui existe dans le développement personnel de nos jours. J’ai souhaité insister sur un message essentiel : celui d’aimer et d’accepter pleinement de ne pas attendre, et de respecter la gratuité de ce geste.

Vous faites également une large place dans votre livre à une figure archétypale ; le Trickster. Qui est-il et quel est son rôle exactement ? 

Appelé aussi Fripon Divin ou Jocker, il est l’archétype des transitions et du chaos. Le personnage farceur et rusé rencontré dans toutes les mythologies, notamment dans la mythologie grecque, avec Hermès. Le Trickster symbolise le renversement de l’ordre établi. À ce titre, il incarne la dynamique de l’ombre dans une conscience unilatérale dominée par la rationalité. Son apparition dans les rêves, les synchronicités, les lapsus, les actes manqués, voire dans des situations vécues comme chaotiques, signale la libération d’une énergie compensatrice. Il fait partie du quatrième critère pour qu’une synchronicité se produise. C’est le principe déstabilisateur dans nos vies et dans nos histoires. Il survient pour remettre de la vie dans un système qui s’est rigidifié.

Sommes-nous tous le trickster de quelqu’un, et donc qu’un trickster sommeille en chacun de nous ?

Nous sommes surtout et avant tout les grand tricksters de la vie.... Une vie qui a besoin de nous pour la pousser à se dépasser,  même si on a tendance à lui mettre de gros bâtons dans les roues par les temps qui courent.....

 

Pour en savoir plus sur les activités de Jean-François Vézina, ou se procurer ses différents livres en version audio, je vous invite à visiter son site : http://www.jfvezina.net

Article et interview : Carine Songeon-Riondel

http://www.inrees.com/soutien/VEZINA-Jean-Francois/

https://www.youtube.com/user/Jfvezina1969

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