Ça y est ! J’ai compris ce qu’est la permaculture



La permaculture, tout le monde en parle, mais personne ne sait vraiment de quoi il s’agit. Une branche radicale de l’agroécologie ? Une nouvelle tendance New Age ? Notre reporter s’est rendue à un week-end d’initiation, pour tenter de lever le voile.

- Thoiras (Gard), reportage

Le hameau de Rouveyrac se niche sur les pentes abruptes d’une vallée cévenole. Sous les châtaigniers, Tom, Simon et Charlotte ont installé une vieille gazinière, un canapé en cuir défoncé et un tableau en bois bricolé. Des livres s’éparpillent sur la table. Guide de botanique, essai sur l’agroécologie, manuel d’outils participatifs... Tout y est.

Nous sommes une douzaine, venus nous initier à la permaculture. Je me sens jeune novice, prête à recevoir les enseignements. Mais quels enseignements, au fait ? Le terme « permaculture » me semble entouré d’un mystère savamment entretenu.

Nombreux sont ceux qui ont déjà entendu le mot, très en vogue dans les milieux alters, mais peu savent le définir. Il faut pour cela passer par un stage d’initiation, voire une formation de plusieurs semaines. Moi et mes compagnons apprentis n’avons que deux jours pour nous immerger dans le monde permacole. La tâche paraît ardue...

Idée reçue n°1 : C’est la même chose que l’agroécologie

« La permaculture, c’est une démarche, une philosophie, explique Tom. Le but est de prendre soin de la nature, des Hommes et de partager équitablement. » Autrement dit : concevoir des cultures, des lieux de vie autosuffisants et respectueux de l’environnement et des êtres vivants. Comment ? En s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes et des savoir-faire traditionnels. Une éthique, et beaucoup de bon sens.


- Les trois piliers de la permaculture, sur le site http://videopermaculture.com/ -

Mais attention, elle ne se résume pas à l’agroécologie. « Aujourd’hui, on cherche à créer une culture durable, permanente, en prenant en compte tous les domaines de la vie humaine », explique Simon.

En 2002, David Holmgren, l’un des cofondateurs de la permaculture, tente de résumer cette idée dans un ouvrage, Permaculture : principes et approches au-delà du développement durable. Pour lui, la recherche d’équité, de coopération et de durabilité peuvent s’appliquer à tous les domaines. Les monnaies locales, l’enseignement à la maison ou le recyclage sont aussi essentiels que l’agriculture biologique.


- La fleur illustre la dimension globale et évolutive de la permaculture. On part de soi-même pour aller vers le collectif, on part du local pour aller vers le global. -

Idée reçue n°2 : C’est une mode récente

Le livre fondateur, la « Bible », date de 1978. La permaculture a donc plus de trente ans d’existence et d’expérience. Sans compter qu’elle se fonde sur des principes vieux comme le monde, comme l’observation minutieuse de la nature.

Charlotte égrène les noms des fondateurs, Mollison, Holmgren... Dans les années 1970, les deux Australiens participent à l’émergence de la conscience écologiste. Ils font un constat simple : l’agriculture industrielle menace la biodiversité et la fertilité des sols, il faut donc créer et développer des systèmes agricoles stables et résilients. En 1978, ils publient un livre, Perma-Culture 1, une agriculture pérenne pour l’autosuffisance et les exploitations de toutes tailles.

Idée reçue n°3 : C’est une nouvelle méthode de jardinage

« La permaculture est une culture sur butte », peut-on lire sur le site monpotager.net. Pas vraiment, même si le jardin reste la meilleure mise en pratique de la démarche permacole. Créer sa production, viser l’autonomie, partir de l’échelle locale, valoriser la diversité d’un lieu. Les buttes ne sont qu’une technique parmi d’autres.

« Ça permet d’augmenter la surface cultivable, de jardiner sans se baisser, et de multiplier les microclimats, avec des zones ensoleillées, ou d’autres plus humides », résume Tom.


- Atelier de construction d’une butte -

Depuis un an, il cultive avec Simon légumes, fruits, aromates et légumineuses en suivant les préceptes de la permaculture. Les buttes de terre noire débordent de verdure : une abeille n’y retrouverait pas ses petits, entre la consoude, les carottes, les laitues, et les pois-chiches.

Un bazar végétal pourtant savamment organisé : les plantes amies se retrouvent côte à côte, celles qui ont besoin d’ombre se déploient à l’abri du feuillage... Plus loin, une petite mare bordée de fleurs et un hôtel à insectes invitent les alliés des jardins à s’installer ici.

Idée reçue n°4 : C’est une méthode inaccessible

A l’ombre d’un arbre, Simon nous montre comment bouturer un figuier. « On coupe une jeune pousse, qu’on place dans un pot recouvert d’un plastique, et voilà ! » Apprendre à faire soi-même et partir de ce qui existe sur place... La permaculture est une philosophie concrète, dont les concepts se vivent dans les petits gestes du quotidien. « Chacun fait de la permaculture sans le savoir ! », note Simon.

Pendant plus de vingt ans, les fondateurs de cette démarche ont eu à cœur de transmettre leurs connaissances. Ils ont mis en place de nombreux outils, dont le plus connu est le design. Dans le « jargon » des initiés, design signifie « conception, réalisation, maintenance et réévaluation » d’un espace.

Nous nous mettons donc dans la peau d’un designer, avec un cas très concret, la maison du frère de Simon. Notre mission, si nous l’acceptons, est de proposer un aménagement de l’espace extérieur, le plus harmonieux possible. Observer et identifier les atouts, les contraintes du lieu.

Chaque élément doit se retrouver à la place la plus judicieuse, pour qu’il n’y ait ni gaspillage, ni perte d’énergie. « On cherche l’efficacité et le confort, dit Tom. Dans l’idéal, la permaculture nous donne le temps de regarder pousser nos tomates. »

- Exemple d’un design (artistique) pour réfléchir en amont à la meilleure organisation de l’espace. -

Quelles plantes sont les plus adaptées au relief ? Comment faire pour récupérer au mieux les eaux de pluie ? Et pourquoi pas des toilettes sèches, pour produire du compost ? Armés de crayons de couleur et de guides botaniques, nous gribouillons un plan du futur jardin. Chacun se prend au jeu. « Moi je verrais bien un hamac, sous la pergola, avec une vigne vierge ! », « Mais on a déjà mis le compost juste en-dessous, attention aux odeurs... »

Au bout de trois heures de dessins et de réflexion, nous remettons nos copies colorées au frère de Simon. Rendez-vous dans quelques mois pour voir le résultat de nos essais permacoles.


- Pour comprendre la différence entre le modèle permacole et le modèle actuel, nous avons réfléchi à l’échelle d’une tasse de thé. Celle-ci devient tasse en céramique locale avec chicorée ou infusion de plantes sauvages, compostées ensuite dans le potager ! -

Idée reçue n°5 : C’est une utopie, un rêve d’idéalistes

De la ferme du Bec Hellouin au jardin de Mouscron, et plus encore en Australie ou en Grande-Bretagne, des paysans ou des jardiniers montrent depuis des années qu’il est possible de vivre grâce à la permaculture.

« On cherche à densifier et à intensifier la production sur des petites surfaces », explique Tom. D’après une étude en cours menée par l’Inra à la ferme du Bec Hellouin, « mille mètres carrés cultivés en maraîchage bio permaculturel permettent de créer une activité à temps plein. »

Aujourd’hui, sans doute galvanisés par l’effet de mode, les formations se multiplient, et des recherches sont menées pour prouver l’efficacité d’un point de vue économique et agronomique de telles structures.

« Il y a peu de chiffres, mais ça explose, dit Charlotte. De nombreux maraîchers s’y mettent. » Un essor qui concerne surtout l’autoconsommation. « Le but, ce n’est pas d’être rentable, mais d’être autonome », souligne Simon.

Au-delà des jardins, ces principes se retrouvent aussi dans les Villes en transition. Initié par un enseignant en permaculture, Rob Hopkins, le mouvement vise à passer « de la dépendance au pétrole à la résilience locale », en réduisant les consommations d’énergie, en relocalisant les activités et en intensifiant les relations humaines. Il y a aujourd’hui des centaines « d’Initiatives de Transition » à travers le monde.

Pour Charlotte, il s’agit de changer de paradigme : « La permaculture peut permettre de faire évoluer notre façon de faire de la science, passer d’une approche cartésienne à une approche systémique et holistique. » « Ce n’est pas réservé aux alternatifs qui vivent en communauté au fin fond des Cévennes », conclut l’un des participants.

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Commentaire de Albatros le 6 Janvier 2016 à 10:20

Merci pour ce texte qui détaille bien l'avancée la plus pertinente pour réconcilier l'homme et la nature...

Pour aller plus loin, la méthode du Bec Hellouin , voici le lien:

http://www.ecoledepermaculture.org/images/methode%20de%20la%20Ferme...

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