Dans le précédent article, nous avons vu que la frontière entre soumission, domination et manipulation est très mince, et que par conséquent, il est nécessaire de rester vigilants, sans pour autant devenir paranoïaque.
Cette semaine, je vous propose de parler d'un principe quasi "universel" : le principe de réciprocité, qui peut, malheureusement, être utilisé comme levier dans la manipulation malveillante.
Le principe de réciprocité est lui aussi un des comportements automatiques que l'être humain a mis en place inconsciemment afin de pouvoir vivre en société de façon harmonieuse.
Comme vous l'avez vu dansl'article précédent, l'homme crée et transmet à sa progéniture certains automatismes : ainsi, tout le monde respectant les mêmes règles, la vie en communauté devient plus simple.
De plus, cela permet de ne pas avoir à analyser sans cesse son environnement, car réfléchir sur chaque stimulus ou sur chaque action aurait un coût énorme au niveau psychologique.
Le principe de réciprocité est donc une des bases de la vie en communauté. Il s'articule autour d'un précepte très simple :
"si une personne nous fait grâce de quelque chose, il faut lui rendre en retour"
Il peut s'agir de n'importe quelle transaction : mon voisin me rend service, je m'efforcerai de lui être utile le moment venu; je reçois une carte de vœux, j'en enverrai une en retour; un simple "bonjour" demande une réponse équivalente etc.
Et ce n'est pas qu'une règle de politesse restreinte : ce principe a cours dans toutes les sociétés humaines et s'applique à tous les échanges. C'est même l'un des principes de cohérence de toute société. Nous agissons tous de cette manière et nous trouvons cela naturel.
La réciprocité encourage l'échange entre deux personnes, deux entités ou deux groupes de personnes. C'est un peu la loi du Talion en version positive : "œil pour œil, dent pour dent".
Cette règle de réciprocité a été créé afin d'encourager les relations d'interdépendance entre les hommes, pour qu'ils partagent leurs ressources et leurs biens et qu'ils produisent ensemble plus et mieux que s'ils avaient produit séparément.
Cette règle se base sur la confiance en l'autre et sur sa capacité à s'engager dans une relation d'entraide mutuelle.
Quand je rend service à quelqu'un, j'en fais mon "obligé" et le terme n'est pas anodin. Il se sent véritablement contraint de me rendre la pareille. La possibilité d'accepter quelque chose sans rien faire en retour n'est pas envisageable.
De ce fait, on préfère refuser un avantage, même présenté sans aucun engagement, que risquer d'être redevable à un moment donné à quelqu'un sans pouvoir honorer sa dette.
Cette règle de réciprocité est tellement ancrée en chacun de nous qu'il est très difficile de s'en affranchir.
D'abord, au niveau interne, la réciprocité provoque chez nous un sentiment d'obligation assez désagréable, en devenant les "obligés" de quelqu'un qui nous a rendu service.
Ce sentiment nous contraint, bon an mal an, à nous acquitter de notre dette. Il n'est jamais confortable de se sentir redevable envers quelqu'un, même et surtout si on ne l'aime pas particulièrement.
La pression peut être plus ou moins forte selon votre propension personnelle à toujours rendre la pareille aux gens qui vous ont aidés.
Il est évident que certaines personnes sont plus enclines à fonctionner de cette façon que d'autres.
Ensuite, la force de ce principe vient du fait qu'il est quasiment impossible de refuser un cadeau, un service ou un avantage, comme il est quasiment impossible de ne pas le rendre : "cela ne se fait pas".
Combien d'entre vous ont déjà accepté un cadeau venant d'une vieille tante, le sourire crispé et avec déjà dans la tête : "Mon Dieu, qu'est-ce que je vais en faire ?"
La pression sociale peut être plus ou moins forte est telle qu'il est très difficile de refuser ces "cadeaux empoisonnés". C'est la même pression sociale qui vous oblige ensuite à offrir en échange un autre cadeau, même si entre-temps vous avez revendu sur eBay les napperons en dentelle gracieusement offert !
La société, en effet, ne pardonne pas ceux qui n'honorent pas leurs dettes : elle les traite de parias, de profiteurs, d'ingrats, voire de traîtres....
On peut se soustraire à ce principe quand il est évident. Par contre, il est également possible de créer des dettes.
Prenons un exemple : si votre fille est adorable, qu'elle s'active à toutes sortes de tâches ménagères dans votre maison sans que vous ne lui demandiez jamais rien, qu'elle est serviable et obéissante, vous vous sentirez obligé d'accepter le service qu'elle vous demandera à un moment donné, quand elle voudra sortir en discothèque avec ses copines. En effet, comment lui refuser alors qu'elle a fait autant de choses pour vous, qu'elle est irréprochable ?
Vous vous dites qu'elle mérite bien cette distraction, après toute l'aide qu'elle vous a apportée.
Sa façon de procéder vous met devant le fait accompli, vous êtes comme piégé, car elle a fait toutes ces choses d'elle-même et crée ainsi une sorte de dette.
Le "don" n'a pas à être seulement matériel, il peut tout simplement s'agir de temps.
C'est sur ce principe que reposent la plupart des ventes en réunion : le vendeur donne de son temps, de son énergie, de son enthousiasme, pour présenter ses produits et les gens se sentent "obligés" de lui acheter au moins "un petit quelque chose" en contre partie du temps qu'il leur a consacré et du mal qu'il s'est donné pour transporter son matériel, faire sa présentation, répondre aux questions etc....
LES FAILLES DU SYSTÈME : QUAND ON SE SENT OBLIGE D'ACCEPTER ....
Evidemment, comme tout comportement automatique, celui-ci fonctionne dans 90 % des cas, ce qui laisse 10 % de marge de manœuvre pour les manipulateurs de tout poil.
Car il y a plusieurs façons d'exploiter ce principe à des fins de manipulation.
Il est facile de manipuler autrui avec ce principe car finalement, les règles sociales sont du côté du manipulateur.
Avec un peu de persévérance, il est possible d'amener les autres à faire ce que vous souhaitez, parfois en les inondant d'attentions ou de cadeaux.... car il est difficile de les refuser sans provoquer un conflit.
C'est ce qu'on appelle communément une dette forcée.
2 façons de procéder pour cela.
QUAND LE SERVICE DEMANDE EN ECHANGE EST PLUS COÛTEUX QUE LE SERVICE RENDU AU DÉPART
En effet, il est facile pour quelqu'un de rendre un service à autrui pour provoquer ce sentiment d'obligation inhérent au principe de réciprocité....
Car ce sentiment peut se révéler tellement inconfortable que la personne débitrice peut alors accepter de rendre un service beaucoup plus coûteux pour s'en acquitter.
La technique dite de la porte au nez repose aussi sur ce principe de réciprocité.
En voici le fonctionnement : je demande quelque chose à une personne, quelque chose qui, je le sais, est beaucoup trop coûteux (en argent, en temps, en énergie, en volonté etc) pour qu'elle puisse accepter, bien qu'elle soit d'accord sur le principe de m'aider.
Bien entendu, elle refuse.
A ce moment, je peux demander ce que je veux réellement, c'est à dire une chose qui n'aurait pas été acceptée de prime abord, mais parce que je l'amène juste après son premier refus, ma requête va obtenir un bien meilleur accueil.
Pourquoi cela fonctionne-t-il ?
Grâce au principe de réciprocité : j'ai fait une concession en diminuant mes exigences, mon interlocuteur se sent comme obligé d'en faire une aussi en accédant à ma seconde demande.
Ici, on joue sur le sentiment de culpabilité de notre interlocuteur : on sait qu'il est plein de bonne volonté, qu'il a réellement envie de nous faire plaisir et de nous aider.
Et puisqu'il a refusé notre première demande, il est prêt à tout accepter pour se rattraper.
Pour que cette technique fonctionne, il faut bien savoir gérer les deux propositions qui sont soumises.
Du statut de règle universelle permettant simplement la vie en communauté, le principe de réciprocité est devenue une loi morale et éthique. On pourrait presque dire que ce principe est la base de ce que l'on appelle maintenant les droits de l'homme, de par son côté universel.
La réciprocité entraîne, de par sa nature même, des idées d'équité, de compassion, de justice. Elle s'exprime aussi via l'empathie : car il faut parfois se mettre à la place de l'autre pour ne pas le traiter comme nous ne voudrions pas être traités à sa place....
Ce principe de réciprocité est tellement ancré dans nos civilisations que la plupart des grandes religions ont repris ce thème dans leurs lois et préceptes, ce qui leur a donné d'autant plus de force.
Ainsi la réciprocité apparaît comme une loi fondamentale dans les trois religions monothéistes importantes en Occident : le christianisme, l'islam et le judaïsme.
Elle apparaît dans la Torah et dans la Bible dans des phrases comme : "tu aimeras ton prochain comme toi-même".
Mahomet lui-même disait : "Aucun d'entre vous ne croit vraiment tant qu'il n'aime pas pour son frère ce qu'il aime pour lui-même"
Même les religions orientales, comme le confucianisme, l'hindouisme et le bouddhisme, exaltent cette valeur d'échange, d'entraide et d'empathie, bref, de tolérance... Tolérance qui est parfois malheureusement restée de pure forme....
Chaque jour, vous respectez cette loi, afin de vivre harmonieusement avec les autres. La réciprocité implique confiance, respect et entraide, concepts sans lesquels nos sociétés n'auraient pu voir le jour. Elle peut s'exprimer en une phrase "il faut s'efforcer de payer en retour les avantages reçus d'autrui" et s'applique dans toutes les relations que vous avez avec autrui.
Une obligation
Cela ne se réduit pas seulement à de la politesse. C'est un fondement de la vie en société sans lequel nous ne pourrions vivre ensemble. Quand quelqu'un fait quelque chose pour vous, on veut faire quelque chose en pour lui en retour.
C'est ressenti comme une obligation.
C'est pourquoi il peut vous arriver de refuser de l'aide, pour ne pas vous sentir redevable.
En effet, les pressions internes (psychologiques) et externes (sociales) sont très fortes, afin que tout le monde respecte cette règle, qui est devenue au fil du temps un principe moral. Il est donc difficile de refuser un avantage, un cadeau ou un service, et plus encore, de ne pas rendre la pareille....
Il est bien plus facile de refuser un avantage que de ne pas s'acquitter de la dette naturelle qui en découle. Des dettes peuvent être créées sans que les personnes s'en aperçoivent : vous pouvez leur rendre service à leur insu, leur offrir un cadeau.... Le don n'est pas forcément matériel. Il peut aussi être plus abstrait comme du temps, de l'attention etc....
Quoi de plus facile, en effet, de rendre l'autre débiteur en lui rendant un service qu'il n'a peut-être jamais demandé, à seule fin de pouvoir, au moment opportun, lui demander une aide qu'il lui sera très difficile de refuser.... Mais le coût de ce service est finalement bien supérieur au service initial...
La peur du conflit est, dans cette situation, bien utile au manipulateur malsain.
La technique de manipulation de la porte au nez, repose essentiellement sur ce principe de réciprocité.
On fait une demande coûteuse à quelqu'un en sachant qu'il ne pourra que refuser. Il se sent coupable et est donc prêt à accepter la seconde demande, qui est celle qu'on veut concrètement obtenir.
Chacun a eu l'impression de faire un effort pour l'autre.
Ici, c'est le sentiment de culpabilité qui va servir de levier au manipulateur.
Dans le prochain article, je vous parlerai de la relation entre l'estime de soi, l'influence et la manipulation.
Bonne lecture et à la semaine prochaine :)
Valérie Madej
Experte EFT
Dans la gestion de la douleur
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