L'Âyurveda, médecine de prévention et d'harmonisation

L’Âyurveda a une vue extrêmement précise de ce qu’est la bonne santé et préconise un certain nombre de mesures pour y parvenir. Dans la CharakaSamhitâ, on peut lire : « La bonne santé (âyus) se résume à la parfaite harmonie du corps, des organes sensoriels, du mental et du Moi (âtman). On lui connaît quelques synonymes tels : conservation (dhâri), vie saine (jîvita), équilibre constant (nityaga), durée (anubandha). »[1]. Il est souligné que le terme « santé » renferme trois expressions synonymes : «  la persistance de la conscience introvertie (cetanâvrtti), le mouvement naturel de la vie (jîvita), le flux ininterrompu d’énergie (anubandha). On y ajoutera tout ce qui permet au corps de survivre (dhâri). »[2]. Dépassant de très loin notre approche de la santé, cette définition augure l’ouverture d’esprit avec laquelle la conscience thérapeutique et le soin préconisé réfléchissent la maladie et l’être en souffrance.

 

Médecine de prévention et d’harmonisation

Dès son origine, l'Âyurveda propose une hygiène de vie générale et définit des règles de vie adaptées à chacun tout en respectant les rythmes biologique, énergétique ou saisonnier. Elle restaure l'équilibre entre l'être et son milieu, l'esprit et le corps souvent en bataille : entre corps-matière (charnel) et corps-intérieur (spirituel). Elle insiste particulièrement sur l’harmonisation de l’être avec son milieu ambiant et l’univers, préconise le renforcement des défenses naturelles permettant au corps de réagir directement au moindre signe et souligne l’importance de la prévention. Prévenir et anticiper facilite l’application des soins et encourage la guérison. Ainsi, la recherche du bien-être se révèle être essentiel pour parvenir à l’harmonisation intérieure, comme prêter attention à l’énergie du souffle (prâna), car c’est avec lui que toute vie commence : il doit donc être protégé afin de protéger la Vie. D’autres recommandations viennent parfaire cette approche : être et demeurer en harmonie avec l’ordre universel (dharma) et avec Soi (conscience) ; viser la perfection dans la gestion des richesses (artha[3]), entreprendre une activité : le confort matériel est utile, et le travail un moyen de subsistance nécessaire à l’existence ; veiller à la juste perception sensorielle, rester attentif aux sens (kâma[4]) et les contrôler si nécessaire ; conserver une vue adéquate en fonction des situations rencontrées ; se libérer de la dualité,… : « L’esprit (où domine le sattva), le Soi dans l’individu (âtman) et le corps constituent la triade définissant l’être vivant. La personne ayant pris pleine conscience de cette unité est alors l’Homme essentiel (purusha ou pums), le vrai réceptacle de ce Veda. C’est en cet être-là que l’Âyurveda se manifeste dans tout son éclat. »[5].

 

  • Responsabilité

Pour la pensée âyurvédique, chacun est entièrement responsable de son état de santé. En effet, tout procède de l’être, de son homogénéité comme de sa concordance intérieure, et provient de sa verticalité, c’est-à-dire de l’entente naturelle entre les quatre Moi (1er çakra) et le Soi (çakra supérieurs) : ses racines et sa cime. Le moindre désaccord faisant naître un différend à l’intérieur du corps, veiller à ce que l’accord entre esprit, psychisme et âme soit préservé, se révèle donc primordial. Cet accord est toutefois fragile et dépend, pour une large part, de la façon dont l’être appréhende son existence, de son comportement et de sa sensitivité.

 

  • Harmonie

Le désir de vie (avoir goût à la vie) et l’espoir vital sont facteurs spontanés d’équilibre. Bien se nourrir, être attentionné à ce que l’on absorbe, pense et ressent favorise la plénitude et suscite la cohésion entre les différents composants de l’être : « Ce que l’on considère comme salutaire ou sain (pathya) se résume à ce qui ne nuit pas au corps et se trouve en accord avec nos besoin, selon le tempérament de chacun. »[6]. L’une des bases pour préserver l’harmonie est de s’alimenter en conscience c’est-à-dire être attentif au Soi (âtman), savoir entendre les réels besoins du corps sans les réprimer, s’entretenir avec attention, prendre plaisir à la vie et déguster ce qu’elle offre, mener une existence saine en accord avec sa nature, ainsi : « Celui qui mange sainement et contrôle sa vie et sa santé vivra trente-mille nuits (c'est-à-dire cent ans)… »[7].

 

  • Système immunitaire

L’Âyurveda prête une attention toute particulière à la qualité de vie, l’alimentation, l’hygiène personnelle et l’entretien du corps. Préserver l’immunité et renforcer journellement les défenses naturelles du corps est l’un de ses impératifs premiers. Pour ce faire, les aliments, notamment les épices, contribuent largement à la protection et au soutien du système immunitaire. En effet, si l’on apporte une alimentation insuffisante, l’immunité régresse. Les excès en tous genres : exercice physique, jeûne, réactions émotionnelles trop vives, trop manger, etc. sont considérés comme néfastes et abîmant les défenses naturelles. La diététique âyurvédique insiste grandement sur ce point et se montre extrêmement vigilante sur les qualités nutritives et l’état d’esprit avec lequel elles sont absorbées par le corps.

 

  • Prévention

La prévention est l’un des fers de lance de l’Âyurveda. Si l’on anticipe aux altérations éventuelles, à partir de l’instant où l’on connait son corps, son mode réactionnel et sa capacité de défense, il est tout à fait possible de devancer la maladie comme de se prémunir des agressions potentielles provenant de facteurs extérieurs (climatique, environnemental, existentiel), ou tout du moins, en atténuer l’incidence voire adoucir les effets. Pour cela, l’Âyurveda possède de nombreuses méthodes adaptées à chacun : régimes (diètes, jeûne, cures), rééquilibrage alimentaire, massages, yoga, méditation, écoute et accompagnement spirituel, etc.

 

La conscience indienne du corps est alchimie spirituelle, vision magique et divine côtoyant conceptions logiques et analyse rigoureuse. Elle accueille le corps incarné tel une ouverture vers une autre forme de la réalité. Fourreau matériel, le corps est instrument privilégié où se déploie les forces vives de la vie, et itinéraire où cohabitent flux énergétique, facultés de conscience, étoffes des sens, éléments cosmiques, principes animateurs, esprit, intuition, âme et Absolu (Purusha). 

 

Dans l'Âyurveda et les yogas, le mot çakra illustre des espaces par où circule l'énergie subtile interne et externe du corps astral des êtres vivants. Les çakra ne sont pas, à proprement parlé, des organes matériels, mais des nuances énergétiques délicates, des portes, des trouées traversant l’être de part en part. Chacun d'entre eux répond d'une symbolique spécifique et correspond à un niveau de conscience, un palier de désirs, une élévation d'âme. Aucun n'est meilleur que l'autre, ni supérieur à l'autre. Ils forment un Tout cohérent, inaltérable, indivisible et n'ont raison d'être qu'ensemble. Nul n'est besoin de vouloir en activer l'un plus que l'autre, ils sont totalement fondamentaux et indispensables au bon fonctionnement des flux énergétiques corporels. Au cours de sa vie, l’être humain ne cesse d'évoluer de l'un à l'autre. Etendue de compréhension, lieu de motivation, les çakra transportent émotions, affectivité, humeurs. Ils sont les véhicules précieux de la conscience. Grâce à eux, l'Énergie ne cesse d'aller et venir, de se mouvoir et d’animer le corps en un ruissellement incessant, venant nourrir l’organisme de la force vitale émise par la Nature réceptionnée par ces réceptacles bien particuliers, non visibles à l'œil profane.

 

Conscience des sens

Les çakra sont la conscience des sens permettant d'appréhender le monde intérieur et extérieur. Par eux, l’être désire, pense, ressent, vibre, consent. Antennes tactiles tenant en éveil, la fermeture, le blocage ou la dysharmonie de l'un d'entre eux entraîne immédiatement obscurcissement de la conscience et arrêt de la libre circulation du flux énergétique. Par répercussion spontanée, la corporéité est en alerte. Une pression (stress) va s'exercer sur une partie de l’organisme : le corps charnel se met en « mal » : un léger malaise est ressenti, puis un mal plus profond, qui peut aboutir à une véritable maladie ; l'esprit vagabonde en proie à l'inconstance, à la dispersion, ne cessant d'aller et de venir, butiner ça et là sans parvenir à s'accorder ; l'âme entre dans le silence et disparaît de la conscience, elle se tait et se terre.

 

 

En Inde, le corps a la parole, l'assise de la santé étant l'étonnant équilibre entre le corps, l'âme et l'esprit. Comprendre la maladie, ce qui perturbe, dérange (les petits malaises coutumiers), c'est comprendre le corps et l'esprit, le physique et le mental : reflet visible de ce qui trouble l'être à l'interne. Ce trouble propre à chacun génère un mal-être qui va se manifester de diverses façons selon la personne. En (se) faisant mal, le corps tente d'exprimer ce qui le dérange car c'est en lui que la maladie va prendre toute sa signification. Lorsque le corps s'emballe, s'enraille, se délabre, il est temps de s’arrêter, l’être entrant dans l'urgence. Les symptômes ne sont que le moyen trouvé par l'organisme pour dire la difficulté qu'il a à se réguler par lui-même. Ce qui gêne, perturbe, n'est pas (ou n'a pas été) digéré par la personne prend chair à travers des signes spécifiques, distinctifs, particuliers : psychiques, émotionnels, physiques, énergétiques. La révélation étant qu’il n'y a pas deux êtres semblables, il faut aller au-delà de toute vraisemblance et ressemblance. Cela semble être pareil, prendre des aspects similaires, parfois en une étroite analogie, mais ne l'est pas. L'expression de la maladie est chargée de l’histoire personnelle, familiale et congénitale, la programmation parentale et le schéma véhiculé par l’hérédité. Le corps communique par association, établissant des correspondances, parfois curieuses ou surprenantes, entre l'effet (le mal) et la cause. Il ne peut être considéré comme un objet : le corps est profondément vivant et fonctionne comme un tout, ne peut être divisé sans perdre alors sa cohésion. Changeant sans cesse, en mutation ininterrompue, il se modifie constamment, renouvelé par ce qu'il vit car il ne peut être isolé, ignoré, mis à part.

  

Si l’on explore les perspectives indiennes, le corps par la maladie exprime les imperfections de l'esprit : tout provient de l'esprit car tout est Esprit. Le corps souffrant manifeste un éveil de l'âme, une dissonance des Guna, un rappel à l’ordre. Il rappelle que l'être humain ne se réduit pas à la seule corporéité et dit : « J'ai mal à ma vie ». Toute maladie provient de l'intérieur de soi, discordance entre la personne (ce qu'elle est, ce qu'elle vit) et sa nature profonde, elle est une dissonance qui s'extériorise par un déséquilibre de l'une (ou des trois) Guna.

Il y a déstabilisation et déplacement de l'énergie (de la qualité) concernée : « Les deux éléments psychiques (mânasa dosha) sont rajas – le feu passionnel – et tamas – la pesanteur et la torpeur. Ils sont à l’origine de désordres tels que les ravages de la passion, la colère, l’avidité, la confusion, l’envie, la vanité, la narcose, l’anxiété, la peur ou l’exaltation. »[8]. Le corps émet alors des fausses notes, en désaccord, il ne peut (ne sait, ne veut) plus être juste en lui-même. La maladie apprend à déserter l'extériorité pour revenir en Soi, elle est le signe extrême du Retour.

 

  • Lorsque Sattva (énergie Feu) est atteinte, l'esprit de décision diminue ainsi que la volonté et le goût de vivre. Le courage manque, l'être se traîne, il s'épuise. L'esprit devient chagrin, l'humeur se fait sombre. L'être fait du mauvais esprit, il rumine, ressasse. Ses pensées comme ses intentions sont maussades. Il se bute, devient revêche, se renfrogne.
  • Lorsque Rajas (énergie Air) est atteinte, l'être se sent sale ou sali, impropre à quoi que ce soit. Il peut devenir maniaque de la netteté mais peut tout aussi bien plonger dans l'impureté, c’est-à-dire refuser de se laver, de s'entretenir. L'être se sent rabaissé, amoindri, dévalorisé. Il tend à se couper du monde, à se déprécier. Il éprouve une sensation d'étouffement, d'être étouffé (parole, vent, personne, environnement…) et de manquer d'air.
  • Lorsque Tamas (énergie Terre) est atteinte, le corps devient lourd, pesant. L'être glisse dans l'obscurité mentale, il est incapable de raisonner avec logique, d'avoir un esprit d'analyse, de prendre du recul vis-à-vis de la situation qu'il vit. Il voit tout en noir, a peur du monde environnant. L'extérieur l'angoisse, surtout les regards posés sur son corps et notamment sur son visage.

 

 Les désaccords intérieurs

 Tomber malade est un trait de rupture, la vie est un cercle ouvert, la maladie un cercle fermé. La santé est l'équilibre des trois essences du Vivant comme des énergies déterminant la vie, la maladie un choix du corps, exprimant une défaillance, un fléchissement venant infléchir le cours de l’existence. La maladie naît d'une dualité, d'une séparation, de « quelque chose » qui s'est déliée : elle raconte l’être  autrement et le repense différemment.

 Le corps du mal

La maladie donne du corps (matérialise, incarne) à ce qui a atteint, touché, ébréché l'être dans son intégrité, son  identité. Abîme du corps, elle révèle et transcende la blessure, il demeurera toujours un inconnu du corps, une inconscience de la pensée. Être à l'écoute des signes (symptômes) c'est se mettre à l'écoute de la partie non consciente de l’être : ce « Soi » (Âtman) emprisonné dans les tréfonds de la conscience parce que le droit de participer à la nature de l’être ne lui est pas donné. Or, c'est dans cette partie non consciente que se trouve le noyau du Moi, le cœur de l’âme. L'enfermement infligé fait naître des mots mal dits, des maux troublants, signant la fermeture et la rigidité, désigne les résistances et les négligences.

 

Moyen sublime de connaissance, c’est par le corps que l’on parcourt, apprécie, prend contact avec la vie. La maladie emprunte le même chemin. Chacun est maître des maux : si l’on est bien, on se fait du bien, on fait du bien à tout ce qui existe. La maladie ressemble à chacun, elle n'est pas un élément antagoniste, ne s'oppose pas, n'est pas opposée à ce que l’on est. Bien qu'elle puisse sembler un élément dangereux, elle est mise en alerte, avertissement, signe avant-coureur, témoignant de l'impossibilité que l’être a à se rencontrer. Parce que l’on se sent inachevé, la maladie est conscience d'un manque, elle se fait douleur : on réalise que l’on ne peut se suffire à soi-même, que le petit Moi est bien étroit pour la largesse de l’âme, que l’on se trouve entre ce que l’on possède et ce que l’on désire. Le Moi a besoin d’un renvoi, d'un retour à la ligne, marque de reconnaissance : si la nature originelle est reconnue comme d'essence divine, l’être peut guérir de son sentiment d'exil et de vide, d'avoir perdu quelque chose d'essentiel. La maladie est le sens du Divin, forçant à descendre au fond de l’être matériel, à inverser la dynamique, à ne plus s’exprimer vers l'externe mais bien à faire un retour vers l’interne, à retrouver le chemin du Soi (Brahman) et à opérer une subtile osmose avec la réalité spirituelle du Moi et de toutes les composantes de l'univers.

 

L'Âyurveda insiste sur la prévention afin que le corps ne parvienne pas à des états d'épuisement. L'élimination comme la purification régulière de l'organisme est une nécessité, sans oublier bien sûr l'esprit et l'âme qui doivent aussi être nettoyés et purgés de la toxémie mentale, des poussières spirituelles liées aux pratiques et des altérations émotionnelles. Le mental ne cesse de déposer des débris dommageables pour le Soi et l’environnement : pensée, émotion, énergie psychique, confusion, polluant ce qu’il touche à plus ou moins haute dose selon ses états d'âme.

L'Âyurveda a développé des techniques corporelles pour pallier aux flétrissures humaines. Elle s'est appliquée à répondre en conseillant une hygiène de vie concernant le corps, l'esprit et l'âme : par l'utilisation des plantes, il est possible de drainer efficacement l’organisme et l'entretenir ; par des règles diététiques basées sur des principes simples et applicables au quotidien, il est envisageable de se nourrir avec plaisir et sans désagrément particulier, il suffit pour cela d'être attentif aux associations alimentaires nocives, source d'embarras digestif ; les exercices de yoga, le travail sur la respiration ou la méditation sont aussi préconisés pour l'entretien de la corporéité et la dégager de toute morbidité. Attention de chaque jour portée à son corps, la santé n'est ni un luxe ni une ascèse, elle est naturellement « Bien Être ».

 

Le corps altéré

Par le biais des perceptions sensorielles et de l’esprit, le corps engrange des milliers d'informations depuis sa conception jusqu'à sa disparition. L’altération corporelle est sensible dès le plus jeune âge et se manifeste par des troubles émotionnels, des besoins surabondants et des débordements caractériels, ceux-ci s’évacuant rapidement, du fait qu’un enfant ne se retient pas, il exprime spontanément ce qu’il ressent. Mais les dommages s’amplifient au fil des années, ils sont liés à l’éducation, les interdictions parentales, sociales ou communautaires, le contrôle et la maîtrise excessifs des sensations, l’effusion immodérée des humeurs (aversion, convoitise, lubie, contrition, etc.) : « On ne doit pas exiger trop des organes des sens, ni les négliger. On n’agira jamais sous l’emprise de l’émotivité, de la peur ou de l’excitation. Et on ne peut vivre dans la douleur ou le chagrin permanents. »[9]

 

Les maladies n’apparaissent par hasard ni au hasard, elles suivent un fil conducteur précis et inné. Ordinairement induites par la dénaturation des perceptions, les indispositions dérivent soit d’une connexion parasite par usage abusif des sens (ouïe, odorat, goût, vue, toucher), d’un excès (trop sollicité) ou d’une déficience (mise en sommeil, inutilisé), d’une aggravation (augmentation), d’une insuffisance ou d’un dérèglement (en désaccord : par opposition) sensoriel, soit d’une incohérence de l’intelligence ou d’une erreur de entendement corrompant le mental. L’affection mentale se reconnaît à l’altération de l’esprit et sa déformation intellectuelle où truquage, désordre, défaut contaminent l’appréciation et les facultés discriminatives, l’esprit se trouvant sous la dépendance des penchants, des possessions et des plaisirs : « Quant à la perversion de l’esprit, ses symptômes ne trompent pas : peur, accablement causé par le chagrin, colère, avidité, confusion mentale, envie et formulation de concepts insensés. »[10]

 

La perception indienne de la corporéité dépasse de très loin la simple réalité physique. Le corps est scruté comme une combinaison de structures internes et externes physiologiques, biologiques, bioénergétiques, quantiques, anatomiques, vibratoires, autour et dans lequel se meuvent énergies, formes, couleurs, artères subtiles, force vitale et principe de vie : « Le corps est défini comme le siège de la conscience (cetanâ), composé de l’amalgame complexe issu de la production des cinq éléments fondamentaux (mahâbhûta). »[11]. Il est une surprenante entité où cohabitent molécules, émotions, sentiments, pensées, ego, organes, tissus vitaux, flux énergétiques, esprit, mental, psychisme, humeurs, cellules, et constituée de corps différenciés. Peuplé d’impressions, doté de perceptions, affecté de sensibilité, il est appréhendé avec attention et un soupçon de recueillement : « Qui » accueille-t-on au fond de lui ? Car l’être humain n’est pas seulement Cela : ce corps, il est aussi une fraction du Divin. Réceptacle de l’âme, il est apprécié comme une véritable maison de vie et vénéré tel un temple au cœur duquel réside Âtma, le Soi (l'Absolu).

  

L’être, homme de désirs et de sensations, manifeste le « je » (personnel), possédant un sens aigu du Soi individuel, au sein duquel les émotions et l’ego trouvent un champ d’existence, une terre sur laquelle le « je » va croître, évoluer, apprendre, grandir, comprendre. Les émotions emportent l’être dans un tourbillon incessant entraînant l’esprit dans les ténèbres de l’Ignorance. Reconnues comme nécessaires et inhérentes à l’incarnation humaine, ni reniées ni repoussées, elles sont un dispositif alloué à chacun pour descendre au cœur de Soi, libérer l’âme en écartant les portes de la matière. Jetant un voile sur la conscience, secondées par l’ego, elles habillent le cœur et les sentiments de désirs. Lorsque ceux-ci ne se réalisent pas ou du moins végètent, l’être se trouble, se disperse dans la résolution des insatisfactions, perdant de vue le Soi incarné en lui (Purusha).

Le filet émotionnel trace un canevas subtil, tissant des nouures au creux des organes, des tissus vitaux et cellulaires. Eléments, émotions et organes entrent en résonnance subtile faisant jaillir des maux singuliers coalisés, venant exprimer un mal-être particulier et propre à chacun. L’alliance du somatique et du psychique, et leur interaction, offre une grille de lecture permettant de décoder les maladies dites psychosomatiques, déjà reconnues par l’Âyurveda : « Parfois les maladies psychiques et somatiques se développent de concert et sont étroitement liées, comme, par exemple, la passion (kâmâdaya) et une forte fièvre (jvarâdaya). »[12]

 

  • Un système de mise en relation entre organes, énergie (élément cosmique concerné) et réaction émotive, de cause à effet, a été établi, ainsi :
  • Les glandes surrénales, d’énergie Eau et Terre, avec l’anxiété et l’impression de manquer de soutien affectif.
  • La Vessie, d’énergie Terre, avec l’insécurité, le manque de confiance et la crainte de l’abandon.
  • Le Côlon, d’énergie Air, Espace et Terre (impliquant la sphère intestinale), avec la nervosité et la crainte du pire.
  • L’Intestin grêle, d’énergie Espace, avec le sens de l’échec et le sentiment d’impuissance. L’Estomac, d’énergie Eau, avec le vide intérieur, l’insatisfaction et le manque de plénitude.
  • La Vésicule biliaire, d’énergie Feu, avec le sentiment de haine, l’agressivité et l’irritation permanente.
  • Le Foie, d’énergie Feu également, avec toutes les formes de colère (colère rentrée, exprimée ou intériorisée, malentendu, non-dit, etc.).
  • Le Cœur, d’énergie Espace, avec la sensation de profonde blessure et l’impression de manquer d’amour, s’accompagnant d’une grande exigence personnelle.
  • Les Poumons, d’énergie Air, avec la tristesse, le chagrin et les états de dépression, touchant, par répercussion, le Gros intestin.
  • La Rate et le pancréas, d’énergie Eau, avec l’attachement, la possessivité et les pensées obsessionnelles.

Sylvie Verbois, ethnothérapeute 

auteur de "La médecine indienne" (Ed. Eyrolles, 2009)



[1] Section I, chapitre I, [41-42].

[2] Section I, chapitre XXX, [22].

[3] Artha (masculin) : but, cause, motif ; avance pratique, utilité, récompense ; chose, objet ; fait, réalité ; propriété, biens ; affaire, cas ; sens, signification ; membre viril.

[4] Kâma (masculin) : désir, amour, passion ; objet du désir, de l’amour ; Dieu de l’amour.

[5] CharakaSamhitâ, Section I, chapitre I, [46-47].

[6] CharakaSamhitâ, Section I , chapitre XXV, [45-47].

[7] CharakaSamhitâ, Section I – chapitre XXVII, [348].

 

[8] CharakaSamhitâ, Section III, chapitre VI, [(5].  

[9] CharakaSamhitâ, Section I, chapitre VIII, [27].

[10] Ibidem, [39].

[11] CharakaSamhitâ, Section IV, chapitre VI, [4].

[12] CharakaSamhitâ, Section III, chapitre VI, [8].

 

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