"Thème immense – en littérature, en politique, en religion, mais aussi dans la spiritualité quotidienne – l’engagement, marque de l’action au sens le plus noble, s’est proposé aux humains au fil du temps sous les formes les plus variées. Le 20ème siècle l’a essentiellement entendu comme une prise de risque de l’individu se lançant dans le combat politique et social. De Gandhi à Martin Luther King, de Simone Weil à Hanna Arendt, d’Elisabeth Kübler-Ross à Albert Camus, de Don Helder Camara à Mère Teresa, de l’Abbé Pierre à Théodore Monod, les grandes figures engagées se sont offertes à la cause commune, parfois jusqu’au sacrifice intégral.
Avec la fin des grandes idéologies de masse et la montée des revendications hédonistes ou dionysiaques (« se faire du bien » et jouir au maximum) , les années 70 ont vu s’opérer un virage dans le concept même d’engagement. Désormais, il est devenu de bon aloi de s’engager… à la recherche de soi-même. Inspirés de dizaines d’écoles de psychothérapie, les mouvements de développement personnel prirent une place grandissante – jusqu’aux récents bobos (bourgeois bohèmes) de ce début de millénaire, aux valeurs et mœurs sympathiquement libérées des conformismes psychorigides, mais aussi, pouvait-on craindre… gravement égoïstes.
Si elle n’est pas sans fondement, cette crainte-là s’avère pourtant impossible à généraliser. Certes, nous manquons collectivement (nous, Français, et peut-être aussi nous, Européens) de grandes visions, de desseins transcendants, de projets enthousiasmants pour les jeunes générations. Mais il ne faut nullement désespérer.
Une forte minorité de nos contemporains (jusqu’à 25 % de la population), non seulement n’a pas régressé par rapport aux héroïques engagements de nos aînés « résistants », mais, si l’on se réfère par exemple à l’incroyable enquête sur L’Émergence des Créatifs Culturels (menée aux USA, mais ces derniers ne nous ont-ils pas précédés sur la plupart des grandes innovations de civilisation depuis 50 ans ?), les nouvelles générations d’Occidentaux ont désormais à cœur de mettre en adéquation, concrètement, leurs engagements publics et privés, leurs convictions politiques, écologiques, économiques, pédagogiques ou psychologiques et la façon dont ils vivent réellement, au quotidien, leur travail, leurs amours ou leur participation aux actions de la cité. Tout se passe comme si, après beaucoup de débâcles idéologiques, de plus en plus de gens actifs et vigilants se rendaient compte, dans la pratique, que les plus belles quêtes individuelles ne prennent leur sens, non pas en se sacrifiant, mais en s’inscrivant à l’intérieur d’un grand jeu collectif. Comme si la fameuse phrase : « Seulement ce que tu donnes est définitivement à toi » n’était pas prise pour un poncif hypocrite, destiné à surseoir à la jouissance, mais donnait au contraire à celle-ci sa pleine mesure, jusqu’à la métamorphoser en joie.
Moyennant quoi, vu que les principaux grands fléaux planétaires auxquels l’humanité se confronte demeurent tragiquement les mêmes – faim, analphabétisme, solitude…injustice générale -, la résistance à ces fléaux continue évidemment à alimenter les engagements les plus forts. Peut-être cela se passe-t-il de manière plus tendrement humaine et moins absolue qu’au siècle dernier. Certainement pas de façon moins spirituelle ! Qu’ils partent du social, de la psychiatrie, de la science, de l’art ou de la prière contemplative, tous les engagements finissent par se reconnaître nourris d’une quête intérieure intense, transcendante ou immanente peu importe, mais toujours ouverte sur l’Inconnu. Et donc riche de nouveaux mondes."
Jean-Paul PARENT
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