Imazighen, la résistance à l'étouffement à travers l'histoire

Etude :

I/ Le problème des origines :   

                L'histoire atteste que cette région du monde qu'est l'Afrique du Nord a, depuis la nuit des temps, été peuplée de berbères. Ce que nous savons aussi c’est que cette région a subi - dans le temps et dans l'espace – plusieurs invasions : les phéniciens, les romains, les vandales, les byzantins, les arabes, les turcs et les français.

Et chaque envahisseur amena avec lui, non seulement, son lot de misères, d'injustices, de séquestrations…mais aussi ses théories, ses modèles de pensée, son mode de vie, sa vision du monde…qu'il imposa quelque fois par force, d'autre fois de manière sournoise -c'est-à-dire idéologiquement, à travers la religion, l'école et tous les autres appareils idéologiques. Une fois la conquête accomplie, l'envahisseur ne se contentera pas seulement d'usurper les biens des autochtones, de s'accaparer de toutes les richesses, mais il s'attellera à régenter la société à sa manière, selon ses modèles idéologiques sus-cités :

-          toute résistance doit-être matée, réprimée.

-          tout doit rentrer dans le moule du nouveau maître.

-          Désormais, tout appartiendra au nouveau maître: terre, biens et peuples.

         Toutes les localités, tous les lieux conquis seront vite rebaptisés : car NOMMER, C'EST S'APPROPRIER, C'EST POSSÉDER ! . C'est ainsi que l'on verra par exemple des villes comme Bgayet, Skikda, Annaba et autres lieux dans diverses contrées du territoire national et de l'Afrique du Nord  changer de nom au fil de l'histoire et au gré des colonisations :

        - bgayet           saldae             bougie                 bidjàya

        - annaba          regices            hippone               bône             anàba

        - skikda            Rusicade         Philippeville         Sukaykida

               C'est ainsi que nous verrons le fait militaire, répressif, conjugué au fait idéologique, persuasif, s'atteler à gommer toute trace de la civilisation autochtone.

               L'élite intellectuelle de la colonisation quant à elle, travaillera de manière sournoise, de manière insidieuse à conforter, à asseoir durablement, confortablement sa classe et à justifier l'occupation souvent par l'imposture.

Bien souvent quand elle ne justifie pas l'occupation par des missions de civilisation (vous étés des sauvages, nous sommes venus pour vous civiliser),des missions de christianisation, (vous êtes des barbares, nous vous ramenons la parole du Christ) on d'islamisation (vous êtes des païens, des impies, nous venons pour vous montrer le bon chemin….) Cette élite colonialiste tente de délégitimer l'autochtone en essayant de le complexer par rapport à ses origines: (nous sommes des romains, mais vous qu'est ce que vous êtes ? nous sommes des français, et vous? Nous sommes des arabes et vous?)

               Plus grave encore, afin de faire taire toute velléité d'indépendance, d'altérité, les "intellectuels idéologues" ;  chercheurs, anthropologues et autres universitaires au services de leur mère patrie  font……des découvertes ahurissantes.

C'est ainsi que nous verrons au fil de l'histoire nos ancêtres changer d'origines au gré de l'occupation, du nouvel occupant.

               Selon les romains et les français nos ancêtres seraient d'origines Latines et / ou gauloise : thèse défendue même par ceux qu'on appelle les algerianistes issus de l'école d'Alger Louis Bertrand et consort… 

               Selon les arabes, nous serions des descendants des canaàns ou des Yéménites.

               Des thèses de descendance européenne de ces peuplades blanches en Afrique du Nord avaient été développées. En effet, sous prétexte que l'Afrique étant un continent noir, et paradoxe(sic) qu' il y existe des blancs (et même de grands, blonds aux yeux bleus) ces autochtones blancs ne pourraient-être que d'origine européenne . Ces amazighs de race blanche seraient donc, selon cette thèse,  des descendants d'anciens vikings, qui auraient conquis cette région et qui auraient adopté la langue, les us et coutumes des autochtones  …ahurissant !

             A notre sens la question des origines ne doit pas être posée. En tout cas, elle ne se pose pas pour nous !

Nous savons que nous sommes nés ici, que nos ancêtres y sont nés aussi. Ils ont combattu pour  cette partie, bien souvent, ils y ont laissé leur vie. Quant à nous, nous devons, à l’instar de nos ainés, continuer de lutter contre tout colonisateur et barrer la route à tout prédateur.

 

II/ Les grandes périodes historiques :  

         L'histoire des amazighs remonte très loin dans le temps. Les plus anciens royaumes connus datent du 5e siècle avant J.Christ :

                              Le royaume des hierba.

                              Le royaume  de aYlamas (lybie)  

                              Le royaume de navaras (numidie)

(rapporté par Polybe (Historien grec.200-125 a)  dans Histoire générale

Cependant les historiens contemporains délimitent dans le temps les royaumes les plus connus vers l'an 208 av. j.c  le roi GAÏA, aïeul de JUGURTHA.

  De ces royaumes, il y eut deux grands aguelid très connus:

          1/ le grand aguelid massinissa : qui a régné de 203 à 148 Av. JC  (55 ans de règne).

Il réussit à battre Carthage à l'âge de 88 ans (SAHLI).

Cependant, Rome avait empêché massinissa de régner sur tout le territoire carthaginois de peur de lui faire de l'ombre

massinissa fut un grand personnage, d'une autorité attestée- On parle même du culte  royal.

En effet massinissa a marqué son époque d'une empreinte indélébile : il fut le premier roi à sédentariser les nomades (les Gétule.), il leur donna des terres qu'ils cultivèrent, c'est ainsi que l'Afrique du nord devint " le grenier à blé". Il favorisa aussi l'essor de la culture notamment par la création de l'alphabet berbère " TIFINAGH".

C'est aussi à son époque que l'activité économique avait pris un essor considérable : ceci  est attesté par les pièces de monnaie portant son effigie (musée de Constantine).

          2/ le deuxième grand aghelid connue fut jugurtha : Il a régné de 118 à 105 A.J.C (13 ans)

 Jugurtha est connu pour être surtout le symbole de la résistance. En effet, il opposa une résistance farouche contre les romains.

Il lutta contre les grands chefs romains : calpurnius, metellus et contre marius.

trahi par bachus, son beau frère, il fut livré à sulla un des lieutenants de marius. Il fut capturé et emprisonné à Rome.

Avec la mort de Jugurtha (104 Av.J.C), ce fut la fin de l'unité, ce fut le partage de l'Afrique.   

            Il y eut par la suite les rois vassaux (liés aux Romains). De ces rois vassaux deux vont émerger :Juba I et Juba II

            JUBA I organisa une révolte contre Rome, mais il fut battu et déclaré ennemi public par cesar il s'allia alors à pompee (général et homme d'etat romain rival et ennemi de césar).                  

            Son fils JUBA II sera élevé par la sœur d'octave on tenta de l'assimiler, on lui donna nom romain galus julius. Il fut nommé : rex juba, mais il renonça à son nom romain et s'attacha à ses racines africaines.

      La résistance à l'occupation:

      Objet de toutes les convoitises, notre pays n’a jamais fini, depuis le premier millénaire  avant Jésus Christ, à la fois d’être occupé par des étrangers  et de lutter contre ses envahisseurs :

 

                                          2 822 ans d’Histoires 

-         860 à 146 Avant J.C.  Occupation carthaginoise         soit 714 ans

-         145-Av J.C. à 439 Après J.C. Occupation romaine      soit 584 ans

-         439 à 538 Après J.C.   Occupation vandale                soit 100 ans

-         538 à 650 Après J.C.   Occupation byzantine             soit 112 ans

-         650 à 1515 Après J.C. Occupation arabe                   soit 865 ans

-         1515 à 1830 Après J.C Occupation turque                 soit 315 ans

-         1830 à 1962 Après J.C. Occupation française            soit 132 ans

 

 Outre la résistance sur le plan militaire …

         Des révoltes, des guérillas, des guerres, des révolutions ont été organisées tout au long de l’Histoire contre l’occupant – depuis MASSINISSA jusqu’à ABANE en passant TAKFARINAS, JUBA, KAHINA, EL MOKRANI, FADHMA N’SOUMER – des résistances farouches ont de tout temps eut lieu face aux velléités du colonisateur.

-          la résistance des nomades –les Gétules- a duré prés de 30 ans. C’est une résistance qui s'est faite sur deux fronts : Contre  les rois vasseaux, et contre rome 

-          la légendaire résistance de JUGURTA contre les Romains

-          la révolte de JUBA II contre Rome      

-          La révolte de Takfarinas pendant 7 ans. (TAKFARINAS était engagé volontaire à l'armée romaine, puis il déserta et organisa une révolte contre l'Empereur TACITIE et l'Empereur TIBERE qu'il obligera à traiter avec lui d'égal à égal)

-          La révolte de KAHINA contre les Arabes.

-          La guerre de libération nationale qui fut l’une des plus meurtrières.

 

…   Il y eut aussi une démarcation face au colonisateur sur le plan religieux sur le plan culturel et sur le plan organisation sociale.

         Du point de vue religion, en campagne on adorait les divinités locales (soleil, lunes et autres fétiches) dans les villes on adorait ball (Dieu de l'atmosphère chez les phéniciens). 

TANIT (Déesse de la fécondité chez les phéniciens) hammon- HAOS.

         Puis il y eut l'adhésion des berbères au christianisme car à l'époque le christianisme s'était opposé à Rome surtout par rapport aux pratiques impériales.

         Plus tard, avec la venue des arabes, les berbères sous les contraintes d'abord puis avec une adhésion plus ou moins acceptée, commencèrent à s'islamiser. Il n'est nullement besoin de rappeler ici l'apport des berbères à cette religion qu'ils ont embrassée.

        Ce qu'il faudrait rappeler ici, c'est que avant l'hégémonisme arabo-baathiste, deux grands théologiens  berbères ont  traduit le coran de l'arabe au tamazight : Il s'agit de ibn taref, un  kharidjite et de ibn toumert, Les traductions de ce dernier se trouverait actuellement à  l'université de Fes (Maroc).

        Plus tard, sur le plan de la résistance, l'islam jouera un rôle assez  important face aux coups de boutoirs de la colonisation française. 

La résistance sur le plan social.

             L'organisation sociale de la berbérie (surtout dans les villages reculés) a, de tout temps, joué un des plus grands rôles face aux tentatives de «déstructuration- destruction »  des colonisations successives: elle a été presque imperméable à ces tentatives, aux divers coups de boutoir.

             En effet, l'organisation de la société berbère a toujours été faite selon son modèle propre qu'on ne trouve nulle part ailleurs et surtout jamais chez ses différents et successifs colonisateurs.

             La "cité" berbère fonctionne selon les règles de la Djemââ qui sont, au fait, l'émanation pure des règles de la démocratie moderne.

             Les lois de la Djemââ sont établies par les membres de cette même Djemââ (tout citoyen en est membre), et dictées par le souci du respect du code de l'honneur, du respect d'autrui et du bien de la collectivité, (tachemlit) et d'entraide (tiwizi)…chacun est tenu de les respecter sous peine d'excommuniassions. A tel enseigne que certains ethnologues ont parlé de "société égalitariste", de société acéphale. (À part la période du règne de Massinissa, il n'y a jamais eu de concentration de pouvoir).

            Jusqu'à  présent, que ce soit en Kabylie, dans les Aurès, dans le m'Zab, nous retrouvons une même organisation sociale fondée sur la Djemââ. Le Qanun de tajmaït - un trésor public - qui a pour souci majeur la sauvegarde de l'honneur de chacun, la sauvegarde des biens individuels et collectifs....

La résistance sur le plan culturel

a/ Les us et coutumes.

              La culture, bien entendu, ne s'exprime pas seulement à travers la langue: elle se manifeste aussi et surtout dans les pratiques quotidiennes (l'organisation sociale dont on vient de parler est en soi une forme de manifestation civilisationnelle, culturelle).

 Les us et coutume en sont aussi une manifestation.

              Avoir des coutumes différentes est une manière de marquer son altérité, donc une façon de s'affirmer surtout lorsqu'il s'agit de le faire face à un colonisateur négateur: sauvegarder et perpétuer ses traditions est une forme de résistance.

             Ainsi en dehors des cérémonials, des "Twiza" et autre "Anzar" l'une des pratiques, les plus anciennes, et spécifiquement berbère est la célébration de Yennayer.

       - Qu'est ce que Yennayer?

  Yennayer est le premier jour de l'an amazigh.

C'est également le nom du premier mois coïncidant avec le 12 janvier de l'année grégorienne.

             Il y a 2964 ans nos ancêtres commencèrent à compter les jours, les années: c'est-à-dire 959 ans avant la naissance de j.c.

       -  En quelle occasion nos ancêtres ont-ils commencé à établir le calendrier ?

           Cette date correspond à la victoire du roi berbère "chachnaq" sur les pharaons lors d'une bataille ou fut tué Ramses III. Cette date correspond au règne de la 22éme dynastie berbère ("chachnaq" fut le 22éme roi de la lignée des rois qui avaient gouverné sur la berbèrie).

Cette bataille entre chachnaq et Ramses III est dite trad n wayrad "la bataille du lion", ceci s'appuie sur le sens de la manifestation du carnaval des ayrad, rite encore observé observé au village de khmis de Tlemcen et  perpétué le  12 janvier de chaque année.

         Dans cette région, il est encore de tradition qu’à la fin du carnaval des Ayrad, les gens déguisés en lions jettent les masques pour se congratuler tout en se souhaitant bonne et heureuse année.                 

Les vœux les plus ardents et les plus exprimés  vont vers le souhait de prospérité agricole : Ad imud rebbi ssaba.

          Le rite signifie que les amazigh ont perçu très tôt l’importance de la sécurité alimentaire, d’où l’intérêt accordé à l’agriculture. (Cf.  Calendrier agricole )

          Les paysans continuent encore d’utiliser le calendrier comme référence incontournable pour l’accomplissement des travaux agricoles.

          Les données climatiques, météorologiques réglant l’activité surtout agricole de l’homme, recueillie d’une façon empirique  sont relevées dans ce calendrier.

Chaque mois est subdivisé en période de 7, 15 ou 20 jours. Chaque période est affectée d’un nom, d’un proverbe ou d’une légende. (Ex amardil)

Cette datation conseille ou déconseille l’exercice des différentes activités agricoles.

            Pour revenir au 1˚ Yennayer, en plus du carnaval observé à Tlemcen, la plupart des villages reculés ont gardé la tradition du changement de menu ce jour-là : Soit  ahdour iyouzad, soit uftiyen (irkman) selon.

            A la fin du repas, les membres de la famille se réunissent autour du kanoun pour faire le bilan de l’an qui vient de s’écouler et formuler les vœux pour le nouvel an.

            Entre autres rite: On change les supports du brasier (inyen el kanoun) des garçons en bas âge  font leur première coiffure. Les femmes se parent de leurs plus beaux atours

Résistance sur le plan de la langue.

        La langue amazighe, qui est l’une des plus anciennes langues et qui a traversé l’histoire, est le SYMBOLE VIVANT DE LA RÉSISTANCE à l'ostracisme de l'ensemble des colonisateurs successifs de l'Afrique du Nord.

 Ce qui est extraordinaire, disait M.MAMMERI , c’est que cette langue continue à résister en dépit de tous les coups de boutoir qu’elle a subi tout au long de l’Histoire et qu’elle continue de subir encore : sa structure, sa syntaxe, sa morphosyntaxe sont demeurés intactes.

Elle est toujours là ! N'en déplaise à ceux qui voudraient l'effacer de la surface de la terre.

 

                                                                                                  Med Akli  LANNAK

 

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