Quel temps idéal pour être brassé de toutes parts. Les paupières en digue, qui lâche régulièrement sur les malheurs du monde. Quand il y a rupture, la pression est à son meilleur. Artisan de ce que nous vivons.
« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». C’est oublier que le désespoir se fout de la vie. L’espoir maintient la vie, pas l’inverse. Parce qu’il arrive que la vie, celle qui bat dans le corps, ne suffit pas à s’insuffler l’espoir pour elle-même. Le mental, pour la condition humaine, reste nécessaire à son alimentation. De son côté, le désespoir se pointe en proportion égale à l’espoir déchu. L’espoir, c’est aussi les souhaits, les attentes. Plus nous nous y consacrons pour obtenir un résultat, plus grande sera la déception en cas de non réalisation. Voilà ce que l’on fait de notre vie; construire des barrages pour inonder des parties de nous-mêmes.
Ce que nous ignorons, ou feignons d’ignorer, c’est que ces parties ne se noient pas. Elles descendent à la base du mur et exercent une pression de plus en plus forte. Des fissures apparaissent. En nous, cela peut s’appeler tristesse, angoisse, manque d’énergie. Quand tout craque et s’ouvre, les rêves s’écoulent, s’écroulent rapidement, en dépression.
L’association dépression-maladie relève d’une pure escroquerie. Affirmer que des sentiments de dévalorisation, de manque de considération de soi, d’absence de projet d’avenir constituent une maladie, leur opposé, dans cette logique, obligerait à faire en sorte que tout sentiment de bien-être, de bonheur, d’espérance pour l’avenir soit également vu comme une maladie à traiter. Il s’établit un clivage entre deux états d’être, entre un ressenti dit d’aspect négatif et celui dit positif. Arrive donc une dictature de la pensée bienveillante des gens au sarreau plus blanc qu’immaculé, qui décident du haut de leur chaire ce qui est positif ou négatif pour l’ensemble d’une population.
L’heure est grave. Il est défendu d’être mal dans sa peau pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sans sombrer sous les coups de fouets de langues fourchues qui proclament votre condamnation; vous êtes un malade. Par contre, soyez assuré de leur attention. Ils possèdent les remèdes miracles. Ils sont justes, telle une balance; ils sanctionnent et en contrepartie, offrent la guérison. Et nous voilà punis, parce que nous ne répondons pas à une norme personnelle ou culturelle. Nous avons toutes et tous plus ou moins notre histoire dépressive. Des « échecs » de vie, selon des résultats attendus qui n’ont pas eu lieu. Croire en la maladie, c'est abdiquer notre pouvoir créateur. La victimite gangrène.
Peut-on réellement envisager de vivre sans attente? La réponse est oui. Nous pouvons nous conditionner à mettre en pratique cet exercice au quotidien. Notre mental ne demande qu’à être éduqué en ce sens. C’est un outil extraordinaire quand nous le soumettons à l’apprentissage de l’acceptation. Il a la faculté de trancher en positif ou en négatif tout événement ressenti ou vécu. Sauf que le positif et le négatif n’ont pas d’existence réelle. Ce ne sont que des paramètres employés selon nos besoins d’Avoir. Ils n’ont rien à voir avec l’Être et n’ont aucun impact sur lui. Tous les événements planétaires, de l’expérience la plus intime à l’expérience la plus internationale, sont neutres.
La différence réside uniquement dans la polarisation que nous en faisons. Ils seront jugés positifs ou négatifs par rapport aux attaches qui nous y lient, soit en perte, soit en gain. Nous sommes dépendants de cette inutile polarisation qui veille à ce que nous nous dissipions. La mort d’un être cher ne serait-elle pas suffisante pour tomber en dépression? Oui, comme n’importe quel autre événement qui nous affecte. Toute mort, petite ou grande, changement de carrière, déménagement, faillite, accident, nécessite une période de deuil. La dépression ressemble à un deuil qui s’éternise, qui vire au drame et y demeure.
Le pattern a ceci de commun, que nous nous dépensons à fond la caisse pour une cause, la famille, la reconnaissance sociale, le travail, les finances… Nous dépensons sans regarder, jusqu’au jour où une brèche dans notre construction nous force à nous asseoir plus ou moins rapidement. Nous commençons à regarder sans dépenser. Ne pouvant supporter la pression qui dévale, celle-ci nous couche de tout notre long. Nous aurions fait tout cela pour rien? Trahi dans un couple, lavé financièrement dans un business, renié dans la famille, « abandonné » par la mort de quelqu’un et il faudrait trouver le courage de poursuivre notre vie? Avoir des projets d’avenir? Espérer retrouver une qualité de vie? Désenchantement total.
Pourquoi avoir dépensé autant d’argent dans les assurances de toutes sortes, afin de se prémunir de ce que l’on ressent comme une catastrophe? Le seul acquis qui dure et persiste ne se rapporte jamais aux objets ni aux personnes. Pas de surprise de ce côté, il est intérieur à chacun. L’Avoir nous piège dans le paradis de la souffrance, en pensant que l’enfer, c’est le lâcher prise. Une vie sans attente, de lâcher prise, n’est pas une vie de solitaire où l’on ne tiendrait à aucune chose ni à aucune personne. Par contre, tenir à celles et ceux qui m’entourent et partagent ma vie ne doit pas me donner cette impression d’handicaper ma propre personne quand ils me quittent de leur vivant ou de leur mort.
Nous ne sommes pas des malades au sens médical du terme, quand nous souffrons sentimentalement ou émotionnellement. Nous pourrions affirmer, par conséquent, sans trop se tromper, que la souffrance est intérieure, qu’elle est au corps vital et mental ce que la douleur est au corps physique, extérieure. La maladie, tout comme l’absence d’énergie ou la dépression, sont des signaux d’alarmes qui nous incitent à un temps de réflexion et de repos. En quoi cela est-il reprochable d'y consacrer du temps? Dans une société de performance, apprise dès l’école primaire, la nécessité de produire et de se dépasser transgresse nos limites de confort, d’endurance, pour obtenir un jour ce retour –amèrement – de confort!
Nous nous reprochons de ne plus être en mesure de nous défoncer pour poursuivre nos rêves. Au repos forcé, le mental se retrouvant seul avec lui-même, se fustige, se persécute et regrette ce temps d’arrêt. Il croit être en prison parce qu’il se voit dans le miroir de la déception. Le mental-menteur nous habite, nous possède alors que devrions être dans notre corps, dans notre ressenti, de sorte que les sensations "positives/négatives" disparaissent. Accroché à la dérive du moment, qui lui paraît éternel, il se laisse balloter sur la mer qu’il a lui-même fait advenir lorsque le barrage s’est rompu. S’il ne se gèle pas la face par médicamentation, il peut se soustraire à l’emprise du temps et se laisser couler au fond de lui-même.
De tous les cadeaux que je me suis payé, ma dépression a été le plus extraordinaire d’entre tous. Face au vertige de ma propre solitude, pleurer à remplir à rebord, à répétition, le baril dans lequel j’étais plongé, je cessais de nager, plus de force, aspiré par le fond. Épuisé, j’ai consenti à descendre. C’était sombre, effroyable, glacial, parce que je m’étais conditionné à ce qu’il en soit ainsi. La peur de ne jamais remonter me taraudait le ventre. De toute manière, j’étais résigné, abattu. Et là, dans mon expérience personnelle, j’ai vu, j’ai senti, j’ai touché que dans le fond, tout ce que l’on peut trouver, c’est Soi. Un fond sans fond, où le regard se perd à scruter l’infini de soi-même.
Une autre sensation de vertige. Du coup, toutes les anciennes conceptions qui entretenaient ma souffrance partaient au large, me laissant seul avec moi-même. Tabula rasa. Au fur et à mesure de la remontée, une vision différente de ma vie suivait progressivement cette ascension. Il n’en fallait pas plus pour que je ne me reconnaisse plus, en plein changement pour moi et les autres. Clash et adaptation. La dépression se résorbait. Je n’avais pris aucun médicament. J’avais demandé de l’aide, non pour fuir ma situation, que je percevais comme insoutenable, mais uniquement dans le but d’être accompagné dans mon retour. Ce fut formidable.
Nous avons besoin, dans la vie, de défis. Les buts que nous nous proposons d’atteindre fournissent l’énergie nécessaire à notre vie. Sans but, il n’y a pas d’énergie et sans énergie, il n’y a pas d’action. Nous devons néanmoins être vigilant, en ne confondant pas but et résultat. Le but, l’objectif à atteindre, sert de carburant pour avancer mais le résultat, lui, n’est nullement un impératif. Qu’il soit atteint ou non n’a pas d’importance. Nous sommes des cobayes de l'évolution. Un coup d'oeil sur le chemin parcouru et non sur celui à atteindre, s'en féliciter. Le résultat est ce mur qui nous semble infranchissable et qui décourage. Deux possibilités s'offrent; défaire le mur ou le contourner. Autrement, un autre barrage se construira et le processus recommencera, de plus en plus intensément jusqu’à… continuer à nouveau pour se rencontrer en soi ou appeler la délivrance, demander à quitter son corps.
(Sincères remerciements à Anne Mergault (La Plume Affûtée) remise en texte, et Annie Tremblay, directrice Web, correction, images).
Patrice Berthiaume
ÉDITIONS 180 DEGRÉS
Ce que nous ignorons, ou feignons d’ignorer, c’est que ces parties ne se noient pas. Elles descendent à la base du mur et exercent une pression de plus en plus forte. Des fissures apparaissent. En nous, cela peut s’appeler tristesse, angoisse, manque d’énergie. Quand tout craque et s’ouvre, les rêves s’écoulent, s’écroulent rapidement, en dépression.
L’association dépression-maladie relève d’une pure escroquerie. Affirmer que des sentiments de dévalorisation, de manque de considération de soi, d’absence de projet d’avenir constituent une maladie, leur opposé, dans cette logique, obligerait à faire en sorte que tout sentiment de bien-être, de bonheur, d’espérance pour l’avenir soit également vu comme une maladie à traiter. Il s’établit un clivage entre deux états d’être, entre un ressenti dit d’aspect négatif et celui dit positif. Arrive donc une dictature de la pensée bienveillante des gens au sarreau plus blanc qu’immaculé, qui décident du haut de leur chaire ce qui est positif ou négatif pour l’ensemble d’une population.
L’heure est grave. Il est défendu d’être mal dans sa peau pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sans sombrer sous les coups de fouets de langues fourchues qui proclament votre condamnation; vous êtes un malade. Par contre, soyez assuré de leur attention. Ils possèdent les remèdes miracles. Ils sont justes, telle une balance; ils sanctionnent et en contrepartie, offrent la guérison. Et nous voilà punis, parce que nous ne répondons pas à une norme personnelle ou culturelle. Nous avons toutes et tous plus ou moins notre histoire dépressive. Des « échecs » de vie, selon des résultats attendus qui n’ont pas eu lieu. Croire en la maladie, c'est abdiquer notre pouvoir créateur. La victimite gangrène.
Peut-on réellement envisager de vivre sans attente? La réponse est oui. Nous pouvons nous conditionner à mettre en pratique cet exercice au quotidien. Notre mental ne demande qu’à être éduqué en ce sens. C’est un outil extraordinaire quand nous le soumettons à l’apprentissage de l’acceptation. Il a la faculté de trancher en positif ou en négatif tout événement ressenti ou vécu. Sauf que le positif et le négatif n’ont pas d’existence réelle. Ce ne sont que des paramètres employés selon nos besoins d’Avoir. Ils n’ont rien à voir avec l’Être et n’ont aucun impact sur lui. Tous les événements planétaires, de l’expérience la plus intime à l’expérience la plus internationale, sont neutres.
La différence réside uniquement dans la polarisation que nous en faisons. Ils seront jugés positifs ou négatifs par rapport aux attaches qui nous y lient, soit en perte, soit en gain. Nous sommes dépendants de cette inutile polarisation qui veille à ce que nous nous dissipions. La mort d’un être cher ne serait-elle pas suffisante pour tomber en dépression? Oui, comme n’importe quel autre événement qui nous affecte. Toute mort, petite ou grande, changement de carrière, déménagement, faillite, accident, nécessite une période de deuil. La dépression ressemble à un deuil qui s’éternise, qui vire au drame et y demeure.
Le pattern a ceci de commun, que nous nous dépensons à fond la caisse pour une cause, la famille, la reconnaissance sociale, le travail, les finances… Nous dépensons sans regarder, jusqu’au jour où une brèche dans notre construction nous force à nous asseoir plus ou moins rapidement. Nous commençons à regarder sans dépenser. Ne pouvant supporter la pression qui dévale, celle-ci nous couche de tout notre long. Nous aurions fait tout cela pour rien? Trahi dans un couple, lavé financièrement dans un business, renié dans la famille, « abandonné » par la mort de quelqu’un et il faudrait trouver le courage de poursuivre notre vie? Avoir des projets d’avenir? Espérer retrouver une qualité de vie? Désenchantement total.
Pourquoi avoir dépensé autant d’argent dans les assurances de toutes sortes, afin de se prémunir de ce que l’on ressent comme une catastrophe? Le seul acquis qui dure et persiste ne se rapporte jamais aux objets ni aux personnes. Pas de surprise de ce côté, il est intérieur à chacun. L’Avoir nous piège dans le paradis de la souffrance, en pensant que l’enfer, c’est le lâcher prise. Une vie sans attente, de lâcher prise, n’est pas une vie de solitaire où l’on ne tiendrait à aucune chose ni à aucune personne. Par contre, tenir à celles et ceux qui m’entourent et partagent ma vie ne doit pas me donner cette impression d’handicaper ma propre personne quand ils me quittent de leur vivant ou de leur mort.
Nous ne sommes pas des malades au sens médical du terme, quand nous souffrons sentimentalement ou émotionnellement. Nous pourrions affirmer, par conséquent, sans trop se tromper, que la souffrance est intérieure, qu’elle est au corps vital et mental ce que la douleur est au corps physique, extérieure. La maladie, tout comme l’absence d’énergie ou la dépression, sont des signaux d’alarmes qui nous incitent à un temps de réflexion et de repos. En quoi cela est-il reprochable d'y consacrer du temps? Dans une société de performance, apprise dès l’école primaire, la nécessité de produire et de se dépasser transgresse nos limites de confort, d’endurance, pour obtenir un jour ce retour –amèrement – de confort!
Nous nous reprochons de ne plus être en mesure de nous défoncer pour poursuivre nos rêves. Au repos forcé, le mental se retrouvant seul avec lui-même, se fustige, se persécute et regrette ce temps d’arrêt. Il croit être en prison parce qu’il se voit dans le miroir de la déception. Le mental-menteur nous habite, nous possède alors que devrions être dans notre corps, dans notre ressenti, de sorte que les sensations "positives/négatives" disparaissent. Accroché à la dérive du moment, qui lui paraît éternel, il se laisse balloter sur la mer qu’il a lui-même fait advenir lorsque le barrage s’est rompu. S’il ne se gèle pas la face par médicamentation, il peut se soustraire à l’emprise du temps et se laisser couler au fond de lui-même.
De tous les cadeaux que je me suis payé, ma dépression a été le plus extraordinaire d’entre tous. Face au vertige de ma propre solitude, pleurer à remplir à rebord, à répétition, le baril dans lequel j’étais plongé, je cessais de nager, plus de force, aspiré par le fond. Épuisé, j’ai consenti à descendre. C’était sombre, effroyable, glacial, parce que je m’étais conditionné à ce qu’il en soit ainsi. La peur de ne jamais remonter me taraudait le ventre. De toute manière, j’étais résigné, abattu. Et là, dans mon expérience personnelle, j’ai vu, j’ai senti, j’ai touché que dans le fond, tout ce que l’on peut trouver, c’est Soi. Un fond sans fond, où le regard se perd à scruter l’infini de soi-même.
Une autre sensation de vertige. Du coup, toutes les anciennes conceptions qui entretenaient ma souffrance partaient au large, me laissant seul avec moi-même. Tabula rasa. Au fur et à mesure de la remontée, une vision différente de ma vie suivait progressivement cette ascension. Il n’en fallait pas plus pour que je ne me reconnaisse plus, en plein changement pour moi et les autres. Clash et adaptation. La dépression se résorbait. Je n’avais pris aucun médicament. J’avais demandé de l’aide, non pour fuir ma situation, que je percevais comme insoutenable, mais uniquement dans le but d’être accompagné dans mon retour. Ce fut formidable.
Nous avons besoin, dans la vie, de défis. Les buts que nous nous proposons d’atteindre fournissent l’énergie nécessaire à notre vie. Sans but, il n’y a pas d’énergie et sans énergie, il n’y a pas d’action. Nous devons néanmoins être vigilant, en ne confondant pas but et résultat. Le but, l’objectif à atteindre, sert de carburant pour avancer mais le résultat, lui, n’est nullement un impératif. Qu’il soit atteint ou non n’a pas d’importance. Nous sommes des cobayes de l'évolution. Un coup d'oeil sur le chemin parcouru et non sur celui à atteindre, s'en féliciter. Le résultat est ce mur qui nous semble infranchissable et qui décourage. Deux possibilités s'offrent; défaire le mur ou le contourner. Autrement, un autre barrage se construira et le processus recommencera, de plus en plus intensément jusqu’à… continuer à nouveau pour se rencontrer en soi ou appeler la délivrance, demander à quitter son corps.
(Sincères remerciements à Anne Mergault (La Plume Affûtée) remise en texte, et Annie Tremblay, directrice Web, correction, images).
Patrice Berthiaume
ÉDITIONS 180 DEGRÉS
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