Bonjour à tous !Ce mois - ci, je souhaitais partager avec vous un peu de ce que nous avons vécu, avec un petit groupe d'amis en rencontrant des membres de la nation amérindienne Navajo, entre Arizona et Nouveau Mexique, dans le Sud Ouest des Etats-Unis, en Avril dernier. Bonne lecture!Lire la lettre en ligne - Télécharger en format PDF P
our les indiens Navajo, le Hogan, la maison traditionnelle, est un résumé de l'univers. Ronde, sa porte s'ouvre à l'est, face au soleil levant. Son toit circulaire ouvert sur le ciel, avec au centre un antique poêle à bois, elle est reliée aux quatre directions du monde.
Ce jour là, nous étions réunis dans le Hogan parce que un Hataali, un chanteur de cérémonies, l'homme - médecine de la tradition Navajo, avait accepté de nous rencontrer.
"Avant que je ne réalise combien les chevaux sont sacrés, avant que je ne comprenne combien les chevaux portent en eux un élément spirituel, je me comportais avec eux en profiteur", nous disait-il, expliquant que dans sa jeunesse, pris dans le labyrinthe, enfermé dans les murs entre deux cultures qui ne se comprennent pas, il avait gagné sa vie en participant à des rodéos.
"Et maintenant j'ai changé ma pensée, je fais des cérémonies pour protéger les chevaux, pour corriger ce qui n'était pas dans l'harmonie, alors les chevaux rayonnent de leur pouvoir spirituel et aident le Diné, le peuple Navajo. "
"C'est Jóhonaa’áí , le Porteur du Soleil, qui a créé les chevaux, nous disait-il , Jóhonaa’áí, le jeune homme plein de force qui chaque jour porte le disque du soleil, avec l'aide de sa compagne, Femme Changeante.
"Femme Changeante était assise, absorbée dans ses pensées, réfléchissant comment elle pourrait aider son compagnon à accomplir sa tâche quotidienne. Le disque du soleil est lourd à porter, pensait-elle. Comment apporter de l'aide? Alors elle chanta ses chants, elle pria avec du pollen, et elle dessina une image sur le sable, une image avec les quatre directions, tracée avec le sable coloré. Et l'image de sable coloré pris forme vivante, la forme de magnifiques chevaux. Femme changeante créa cinq chevaux avec leurs couleurs. Un cheval blanc comme la neige, un cheval bleu comme le ciel, un cheval jaune et brillant comme la nacre, un cheval noir de jais, et un cheval rouge comme la terre de son pays. Le plus magnifique, un étalon fier et puissant, elle le créa avec la turquoise bleue. Et avec un coquillage blanc, elle créa un cheval blanc et pur comme la neige, avec la nacre brillante comme une perle, elle créa le cheval jaune, avec la pierre de jais, le cheval noir, et enfin avec la terre ocre le cinquième cheval, le cheval rouge. Celui-ci, il n'était pas aussi bien proportionné que les quatre autres, il n'était pas dans l'harmonie, sa queue était trop maigre, ses oreilles trop longues.
Et son compagnon, Jóhonaa’áí dit " cet étalon blanc et pur fait avec le coquillage blanc, ce cheval brillant et lumineux comme le premier rayon de lumière à l'heure qui précède l'aurore, ce sera mon cheval préféré, mon cheval que je monterai quand je m'élèverai à l'horizon en portant le soleil. Et le cheval fait de nacre, le cheval jaune brillant comme la perle, il m'accompagnera lorsque, le soir venu, je disparaîtrai à l'horizon, avant de prendre mon repos. Et le cheval bleu, fait de turquoise, le plus beau, le plus fier et le plus fort, je le prendrai avec moi lorsque le ciel est bleu et dégagé, à l'heure où le disque solaire brille de toute sa gloire au milieu du ciel. Mais lorsque je prendrai le cheval rouge avec ses oreilles trop longues, alors il y aura du vent, des tempêtes et des orages, et lorsque je monterai le cheval noir, les éclairs s'élanceront contre la terre comme des serpents de feu, les nuages apporteront l'obscurité, la nuit viendra et la pluie tombera." Et chaque jour, les cinq chevaux m'accompagneront pendant mon voyage, selon que le soleil se lève, ou qu'il descend vers l'horizon, ou que le ciel est bleu, ou que la tempête frappe. Et le monde et ses habitants seront dans l'harmonie et dans la beauté.
Voilà ce que nous disait le hataali. Et dans mon cœur, je sentais une immense vague d'émotion se soulever, parce que nous étions dans cet espace si particulier, en dehors de l'espace et du temps, entourés de cette atmosphère amérindienne du K'e, la fraternité entre tous les êtres, parce que nous étions à l'autre bout du monde, entre les grands rochers rouges, à un endroit indéterminé entre Arizona et Nouveau Mexique, et aussi parce que, il y a deux ans, j'avais symbolisé mon activité eQuintessence de thérapie avec les chevaux par un cercle de chevaux de cinq couleurs différentes. En réalité, j'avais demandé à une graphiste de réaliser ce logo pour illustrer le mot "eQuintessence", la quintessence des chevaux. Cette femme avait voulu d'abord m'interviewer, pour savoir ce que je désirais vraiment et pour que je connaisse moi-même mes intentions. Ce qu'il en était ressorti, c'est ce logo, celui que j'utilise maintenant, cinq chevaux de cinq couleurs différentes sur un cercle.
J'avais un sentiment d'harmonie et de beauté, la sensation que tout est en place.
je me disais que l'on pense souvent à ce que vivent les "indiens" comme un retour à la nature "sauvage", les danses effrénées et les quêtes de vision , et les états modifié de conscience à la mode Carlos Castaneda, éventuellement assaisonnés de substances plus ou moins suspectes. Rien n'est moins vrai. L'essence des cérémonies, des chants ou des danses amérindiennes, c'est un retour à l'ordre cosmique, une vision apollinienne de la nature où tout est à sa place dans une harmonie supérieure. Les valeurs racines, ce sont Ozho, l'harmonie, et K'e, le sentiment de fraternité.
Tout est à sa place dans le cosmos - un mot qui, d'ailleurs, signifie "ordre, ordonnancement" - pour les Navajo, même le désordre a une place.
Dans le Hogan, selon la tradition, chacun se place à un certain endroit du cercle. Mais, à droite de l'entrée, il y a une place qui reste toujours libre. Cette place, c'est celle de Coyote. Coyote était là depuis l'origine des temps. Coyote, la force du désordre, marche le long des routes comme un pauvre gars, affamé, maigre comme un clou et la rage au ventre, toujours à la recherche d'un mauvais coup et de quelqu'un à arnaquer. Coyote, avec ses yeux jaunes et son air vantard, arrive toujours juste à l'heure pour semer le trouble, le désordre et le chaos. Coyote représente la démesure, le besoin d'en avoir toujours plus, il n'est jamais heureux de ce qu'il a, jamais rassasié, son appétit pour la démesure le pousse à des extrémités déraisonnables. Coyote est un farceur, un séducteur, un illusionniste qui devient lui-même la victime de ses propres tours et s'étonne encore quand ça tourne mal. Trottant d'un désastre à une catastrophe, Coyote porte l'art de l'auto-sabotage à un sommet de raffinement. Coyote, le tricheur, qui en veut toujours plus, c'est peut être tout simplement l'homme blanc avec sa passion de l'argent, sa vanité arrogante et son gout pour la démesure et l'auto-destruction.
Une histoire de Coyote, ma'ii so' yàyiighaz en langue Navajo, raconte :" Il y a très longtemps, le soleil et la lune ne brillaient pas encore, seules luisaient de faibles lumières aux couleurs des points cardinaux : le blanc, associé à l’est et à la jeunesse ; le bleu, couleur du jour, de l’été et de la maturité, au sud ; le jaune, symbole de l’ouest, du crépuscule, de l’automne et de la vieillesse ; enfin le noir, correspondant au nord, au ciel nocturne, à l’hiver et à la mort. Mais ces couleurs n’apportaient aucune chaleur et presque pas de lumière. Premier Homme et Première Femme se dirent l'un à l'autre: aujourd'hui est un bon jour pour créer les étoiles. On alla donc chercher dans les montagnes un gros bloc de cristal de roche, et Première Femme vit qu’il y avait là assez de matériau pour réaliser l'œuvre.
Premier Homme et Première Femme avaient voulu qu’il y ait des étoiles pour dire à tous et pour toujours la loi immuable de chaque chose. C’était une lourde tâche, et après avoir bien réfléchi, après avoir prié vers l'Est et remercié par des offrandes de pollen, ils avaient d’abord tracé le plan du ciel tel qu’il devait être. Ainsi était née la première peinture de sable, en saupoudrant des petites croix de poussière blanche sur un grand carré de sable noir. Premier Homme et Première Femme commencèrent cette carte des cieux par l’étoile qui se trouve au nord, celle qui ne bouge pas, le “Feu de camp du nord”. Ils dessinèrent ensuite, aux bons endroits, plusieurs groupes d’étoiles pour former les constellations. C’était un travail vraiment minutieux et délicat.
Puis, ils passèrent à la réalisation de l'œuvre. Ils rassemblèrent un grand nombre d'éclats de quartz sur une couverture et les arrangèrent selon le plan. Quand tout fut prêt, ils appelèrent les Dieux, les êtres sacrés, et demandèrent à Dieu-Noir d’installer au ciel les éclats de quartz selon l’ordre décidé. Dieu-Noir lança alors une flèche enflammée vers le ciel. La trace laissée lui servirait d’échelle. Coyote regardait faire. Impatient d’admirer l’œuvre achevée, très envieux de monter lui aussi sur l'échelle de feu, il finit par proposer son aide. Mais comme tout le monde le connaissait bien et savait que, là ou Coyote était, le désordre apparaîtrait à coup sur, Premier Homme et Première Femme ignoraient ses demandes répétées. A la fin, n'y tenant plus, il s'approcha plein de colère de la couverture et, d'un geste rageur, la saisit dans ses dents et la lança en l'air. Tous les éclats de quartz volèrent et se fixèrent sur la voute céleste. Et c'est pour cela que, la nuit, si certaines constellations sont bien en ordre, beaucoup d'étoiles sont en désordre : ma'ii so' yàyiighaz : Coyote a jeté les étoiles dans le ciel...
Comme le disent les chercheurs de l'Université de l'Avenir, une structure associative d'expérimentations sur la transition écologique et sociétale en cours, des siècles d’histoire ont contribué à cloisonner les différentes dimensions de la vie (publique, privée, professionnelle, scientifique, économique, culturelle, santé, etc). Ce cloisonnement s’opère également entre groupes humains (enfants, adolescents, personnes âgées, étrangers, banlieusards, etc) et dans la formation : séparation entre théorie et pratique depuis l’école primaire à l’université. Ce cloisonnement, cet étiquetage ont freiné la réflexion et la prise de conscience sur le sens, la responsabilité et les conséquences de nos actes, de notre développement sur le plan local et global. La vie et la réalité sont par nature complexes et leur compréhension exige des approches ouvertes, interdisciplinaires et expérimentales. Ce cloisonnement et des intérêts particuliers ont favorisé les valeurs non dites qui ont orientées des comportements et des actes aboutissant aux désordres et aux crises actuelles : la peur (peur des autres, peur de manquer... donc il faut se défendre, investir dans la défense), la cupidité et l’égoïsme (on en veut toujours plus, une avidité et une boulimie de biens et d’argent, vecteur de puissance et de considération), un aveuglement et une suffisance (qui refuse de voir la situation et le monde tels qu’ils sont : la surabondance qui rend malade et la pénurie extrême qui tue, les connaissances et l’argent disponible face à l’incapacité à assurer la nourriture, l’eau potable et la dignité à une grande partie de l’humanité, l’environnement, la terre, l’eau, l’air que nous polluons et la planète qui souffre et qui commence à nous le rendre). Ce chaos qui nous entoure, c'est un désordre extérieur, mais surtout intérieur.
Lorsque le cheval a été apporté par les espagnols, il représentait la force, et aussi la transgression face à l'ordre imposé par le colonisateur.
Les nations amérindiennes virent immédiatement le grand pouvoir que possédait cet animal sacré. Ils s'approchaient des chevaux, les montaient, et aussi ils faisaient des raids pour voler les chevaux dans les ranchs des cow-boys et des colons qui s'établissaient sur leurs terres ancestrales . En l'espace de deux siècles, entre 1700 et 1900, les chevaux devinrent partie intégrante de la culture amérindiennes de nombreuses tribus, des Lakotas aux Cheyenne ou aux Navajos. Les guerriers Sioux étaient rapides comme le vent, cavaliers émérites montant à cru, parfois sans aucun enrênement.
Le cheval devint pour les nations amérindiennes le porteur de l'ordre cosmique, celui qui aide Jóhonaa’áí , le porteur du soleil dans sa tâche, mais aussi le symbole de la rébellion contre l'envahisseur, le cheval noir dont la sagesse libère de l'oppression.
Les peuples premiers nous apprennent que tout est relié. L'harmonie, la beauté, l'ordre, le sens de la mesure sont partout autour de nous. Monter à cheval, ou tout simplement à être avec un cheval, c'est une expérience intérieure où l'on va comprendre et ressentir profondément le sens de la mesure, de l'ordre et de la beauté, parfois même dans l'obscurité, le chaos et le désordre apparent.
C'est cette prise de conscience qui m'est apparue lors de ces expériences et du vécu au contact du peuple Navajo, le Diné.
C'est ce savoir-faire, cette faculté intérieure, que les chevaux peuvent nous aider à développer, et que nous apprenons, par l'expérience, lors des journées, stages et formations que j'organise avec eQuintessence, les cinq chevaux autour du cercle sacré.
Mon souhait le plus cher est de partager avec vous les enseignements du bel étalon blanc, du cheval de nacre et de l'étalon turquoise, mais aussi ceux du petit cheval rouge qui apporte la tempête, et même ceux du cheval noir qui allume la nuit de ses éclairs de feu.
Avec mes meilleurs souhaits pour votre chemin de vie,
Sylvain
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