Mon visage, reflet de ma vérité

 

 

Mon visage, infime comme un grain de sable du désert de Gobi, précieux comme un diamant taillé par les jours et unique comme une empreinte digitale, fait face au miroir, fait face à « l’autre ». Mais « l’autre » y voit-il la même chose que moi ? Non, jamais, et en cela, l’autre m’est aussi vital que l’eau de rivière l’est au goujon.


Il me renvoie l’un de mes mille visages. Je ne m’y reconnais pas toujours : certains m’échappent ou me trahissent, d’autres me subliment. Tous mes visages me parlent de moi.
Tous mes visages devraient être dignes d’amour.


Mon visage est devant le tien, amant, ami, inconnu, poète ou assassin. Terrible, intense, magique et dangereux face à face, à réinventer à chaque nouvelle rencontre : ontologiquement, quoique l’éreintante banalité du quotidien veuille nous faire croire, notre visage, comme celui de notre voisin, est toujours neuf.


Un visage parle. De la façon dont il regarde, de la façon dont il aime. Avec l’un, en qui nous avons confiance, notre visage est ouvert. Avec l’autre, dont nous nous protégeons instinctivement, il se ferme et devient illisible. Fragiles et tragiques, nous nous contentons le plus souvent de faire bonne figure. Ainsi par  expérience, évitement ou simple précaution, nous préférons parfois chausser nos masques d’acteur.

Un visage doit apprendre à sonner juste. Tout est inscrit sur notre visage, même notre tiédeur, notre lâcheté ou notre sensualité. Même notre devenir. Il nous expose au monde, dévoilant ce que, peut être, nous voulons (nous) cacher : nous sommes nus.C’est précisément cette pauvreté essentielle qui fait notre trésor, celui que nous ne confions qu’à ceux, rares, qui savent nous aimer comme nous sommes.

 

 

Michel Tournier osait écrire, dans « la goutte d’or » qu’il était un signe infaillible auquel on reconnait que l’on aime quelqu’un d’amour : lorsque son visage nous inspire plus de désir physique qu’aucune autre partie de son corps. Oui celui qui aime s’ancre dans le visage aimé, comme le coquillage adhère au rocher.


Je suis irremplaçable. Tu es irremplacable.

 

Site web : chrysalida

 

Extrait du livre « ‘l’art de faire la paix au quotidien » (chapitre « l’art de la rencontre ») de Anne Ducrocq

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Commentaire de Romane le 5 Janvier 2016 à 14:49

J'aime beaucoup  Evie, ce témoignage . C'est si bien écrit . Merci Evie.

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