Antithèse de l’amour, la haine exprime l’énergie d’ignorance qui n’a pas encore été touchée par l’énergie bénie et la sagesse de la Lumière divine. Alors, persiste l’aversion ou la répugnance, un sentiment qui ...pousse à vouloir du mal et à se réjouir du mal qui arrive aux autres, surtout à ceux qu’on considère comme ses ennemis ou ses opposants.
Quelqu’un a écrit : «Pour être de la haine, les mouvements agressifs d’hostilité ont besoin d’avoir été mûris.» La haine naît du sentiment de séparativité. Aveugle, irrationnelle, souvent secrète, elle porte à croire des faussetés, n’ayant généralement que peu à voir avec la réalité qui la nourrit. Celui qui hait le fait parce que, en un sens, quelque chose représente sa mort réelle ou imaginée, ce qui l’entraîne à contre courant de la promesse de vie. Nul ne penserait à agresser volontairement la moindre cellule de son corps physique, mais comme l’être humain n’a pas conscience d’être une cellule d’un seul et même Corps cosmique, il n’hésite pas à mener sa vindicte contre un membre de l’humanité, un frère ou une sœur d’expérience. Elle ne peut avoir de sain que le fait qu’elle démontre qu’on peut réagir et agir dans une situation particulière.
Cependant, la haine, qui détourne l’énergie créatrice, entretient l’idée de multiplicité et elle maintient un écart entre les êtres humains. C’est une maladie de l’âme destructrice qui, d’ailleurs, ne tarde pas à menacer la santé du corps, le progrès évolutif personnel et l’équilibre de la société. Elle entretient la division, la discorde, les tensions et l’inharmonie et elle cultive les préjugés, la propension au rejet, l’intolérance, imposant le repli sur soi.
N’est-il pas étonnant que l’être humain distribue plus facilement sa haine que son amour dans un Cosmos où tout est sensé être régi par l’Amour? François De Laclos l’a confirmé en disant : «La haine est toujours plus clairvoyante et plus ingénieuse que l'amitié.» Voilà qui explique bien des échecs personnels et le retard évolutif collectif. Heureusement, en général, par intuition ou par principe moral, il tente souvent de la réprimer à sa source et il ne la laisse s’échapper qu’à un degré moindre. Mais il en retourne une bonne partie à se torturer lui-même.
Curieusement, en général, la haine naît d’une divergence d’opinion relativement à la race, la religion ou les valeurs, le sexe, le choix politique, la ligne de conduite, l’orientation sexuelle ou, plus sûrement, d’une attente frustrée ou d’un dû présumé. À vrai dire, derrière la haine se dissimule souvent la peur de se retrouver seul, face à ses insuffisances et à ses incohérences. Ou on ne perçoit les autres que comme des rivaux qui viennent limiter ses droits, ses avantages ou ses privilèges. Voilà qui amène à vouloir les empêcher de nuire en les écartant, en les dépréciant, en les dénigrant ou en les éliminant.
Ce qui prend la couleur de la haine n’est généralement qu’une peur poussée à son paroxysme qui amène à imaginer qu’on peut se dépasser par le déchaînement des excès. C’est ce qui exprime la peur viscérale de ne pas obtenir quelque chose ou de le perdre. Toute réalité terrifiante est une chose sans secours qui appelle à l’aide, qui attend d’être reconnue, secourue, non d’être détestée.
Sous un rapport ou un autre, le haineux voudrait que l’objet de sa haine, qui détient un pouvoir sur son degré de satisfaction, ne puisse avoir infligé ce mal impunément. La haine lie à un autre dans un rapport de force, révélant la fragilité de celui qui ne parvient pas à concilier l’inconciliable. Car pour éprouver de la haine, au lieu d’une simple colère, c’est qu’il reconnaît un degré de dépendance à l’endroit de celui qui lui cause de l’insatisfaction ou du déplaisir. Celui qui hait le fait parce qu’il attend d’un autre l’opposé de ce qu’il offre ou représente. Il y a toujours dans la haine un fond de dépendance et d’impuissance. Quelque chose attise un foyer de douleur et alimente la peur.
Autrement dit, la haine, comme l’affection, procède essentiellement d’un aspect passionnel, sauf qu’au lieu d’intégrer l’autre, elle cherche à l’exclure de son champ d’expérience. Cet antagonisme ambivalent amène la dynamique des passions à basculer d’un pôle à l’autre au gré de l’affect ou de l’appétence. Corneille l’a confirmé en faisant dire à l’un des personnages de l’une de ses pièces : «Vous êtes son amour, craignez d'être sa haine.» Du reste, pour démontrer que l’être humain est bien inconstant dans ses sentiments, il veut tout le mal de celui qu’il dit aimer, mais dont il n’a pas obtenu l’amour. À ce propos, quelqu’un a dit : «La haine à défaut de mieux est partie intégrante de l’amour quand elle autorise la séparation et la reconnaissance de l’autre en tant que tel.»
Les Alchimiste disent qu’elle ne représente rien d’autre que de l’amour qui n’est pas encore passé à l’état de pierre philosophale. C’est de l’amour à rebours qui attache à l’objet de sa répulsion. Elle se fonde en général sur un mépris de soi, au sens que l’on projette sur autrui un sentiment négatif pour faire diversion à son déplaisir de ce que l’on est ou croit être. Or, qui est le plus malheureux, le prisonnier ou le geôlier chargé de le surveiller? Les deux ne sont-ils pas à la merci l’un de l’autre?
La haine maintient dans un cercle vicieux : un être hait parce qu’il ne connaît pas l’autre et ne l’accepte pas dans sa différence et il ne pourra jamais régler son problème parce que, en raison de son aversion, il ne le connaîtra jamais, n’acceptant pas d’aller vers lui autrement que pour le détruire. À vrai dire, nous portons tous, à divers degrés, des foyers de haine. Et ce n’est qu’en ressentant bien notre agressivité ou notre hostilité plus ou moins consciente que nous pouvons arriver à en comprendre le motif, qui est rarement relié à autrui, mais à une insatisfaction personnelle profonde, engendrée par un sentiment d’injustice ou par un manque d’équilibre intérieur. À l’inverse, la meilleure façon de se venger du haineux, c’est de tout lui retourner en véritable amour, sans pour autant le lui imposer.
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La haine du monde accompagne celui qui tente d’évoluer plus rapidement que la masse. Le métaphysicien consciencieux ne tarde pas à être taxé de folie, à être isolé et conspué, même à être attaqué. Mais il peut se consoler en se rappelant cette parole de Jésus: «Parce que vous n’êtes pas de ce monde et que je vous ai retirés de ce monde, c’est le motif de la haine du monde.» Paul, l’apôtre, rappelle du reste: «La sagesse divine est folie aux yeux des hommes.» Comment l’aveugle peut-il croire en ce qu’il ne voit pas et l’apprécier?
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