Différents sondages révèlent qu'une majorité d'hommes croit en Dieu et a l’air d’en avoir besoin. On parle de quatre vingt pour cent de croyants dans le monde. Croire, c'est tenir pour vrai en l'absence de démonstration ou de preuve, et Dieu est un être transcendant de nature spirituelle généralement parfait, surtout dans les trois religions monothéistes : judaïsme, christianisme, islam.

En l'absence de preuve, qu'est ce qui pousse les hommes à croire ? A-t-on besoin de croire en Dieu ?

Le besoin est un manque qu'il nous faut satisfaire pour survivre ou être pleinement soi. Dans la mesure où l'homme n'est pas qu'un animal, il n'a pas seulement des besoins vitaux.

Si la croyance en Dieu n'est pas un besoin vital, car certains s'en passent, à quel type de besoin correspond-elle ? Puisque les athées se passent de cette croyance, comment font-ils ? Autrement dit la croyance en Dieu est-elle nécessaire ?

Dieu, un principe explicatif du monde, un guide spirituel ?

 

- L'homme expérimente son ignorance face à un univers qu'il ne peut comprendre, au sens intellectuel et physique, car la science explique en partie l'univers mais laisse apparaître un principe global qui nous échappe. Cela nous renvoie à la conception panthéiste de Spinoza, philosophe hollandais du dix septième siècle selon lequel « Dieu c'est la nature ». Le même Spinoza remarquait en même temps que Dieu peut servir d'« asile de l'ignorance », c'est à dire être la réponse facile à toutes les questions que nous nous posons. Ainsi, dans l'histoire, le livre de la Genèse a longtemps servi de référence, et sert encore pour certains, pour expliquer l'origine du monde.

- Mais Dieu n'est-il pas aussi un principe agissant, créateur et transcendant, qui renvoie l'homme à son imperfection ? La croyance en Dieu peut alors « servir » de garde-fou, en limitant nos désirs, il aurait alors une fonction régulatrice, qui se manifeste par exemple par cette voix intérieure, qui ne parle pas nécessairement directement aux hommes mais les guide à travers leur foi. La question est alors de savoir si on a besoin de cette croyance pour être bon, car si l'homme agit moralement uniquement par crainte du jugement dernier, peut-on dire qu'il soit libre de son action ? Sartre, philosophe français du vingtième siècle écrivait ainsi « on est d'autant plus libre que Dieu n'existe pas », car on assume seul ses valeurs, on en est vraiment responsable. Le besoin de croire serait-il alors une forme de compensation à nos faiblesses ?

Dieu, une compensation à nos faiblesses ?

- Pour les philosophes critiques des religions, la croyance en Dieu est due à la nature désirante de l'homme, qui trouve en un être transcendant la réponse à ses manques : pour Freud, psychanalyste viennois du vingtième siècle, la croyance en Dieu le père trouve ses racines dans la détresse infantile de l'homme qui a besoin d'être aimé, consolé, voire puni, par un père supérieur omniprésent qui le guide et donne un sens à sa vie (L'Avenir d'une illusion). Pour Feuerbach, philosophe allemand du dix-neuvième siècle, Dieu est la projection de toutes les qualités que l'homme n'ose s'attribuer ; Marx reprendra cette critique en lui ajoutant la dimension politique, la religion est selon lui « l'opium du peuple » qui permet de manipuler les foules et entretenir la domination bourgeoise. Pour tous ces philosophes, il s'agit de se débarrasser de la religion pour que l'homme retrouve une certaine autonomie, comme on se débarrasse des désirs non naturels et non nécessaires.

- Mais ne critiquent-ils pas surtout les religions, les dénonçant comme des instruments d'oppression sociale ? Or ne peut-on concevoir la croyance sans la piété ? C'est la position des déistes, tel Rousseau, philosophe français du dix huitième siècle pour qui Dieu nous parle directement par la voix de notre conscience, les religions seraient alors des intermédiaires inutiles et contradictoires entre Dieu et les hommes. Rousseau critique ainsi l'intolérance religieuse source de divisions.

Un besoin de croire, en Dieu ou en une spiritualité

 

- Ne pourrait-on dire alors de manière provocatrice que peu importe que Dieu existe, si cette croyance nous apporte paix de l'âme et cohérence dans notre pensée et notre comportement ? Certains trouvent d'ailleurs ces principes dans une spiritualité sans Dieu, comme le propose le philosophe contemporain André Comte-Sponville dans L'Esprit de l'athéisme, introduction à une spiritualité sans Dieu. L'athéisme n'empêche pas en effet de se tourner vers une certaine transcendance et de promouvoir des idéaux. La révolution française affichait ainsi clairement son anticléricalisme, déifiant la Raison.

- A travers le souci de l'autre, de la conscience de sa vulnérabilité, l'homme est ainsi renvoyé à son écrasante responsabilité, ce qui pourrait être aussi une manifestation de Dieu, comme le pense le philosophe contemporain d'origine lituanienne Emmanuel Levinas. Le visage de l'autre est ainsi le signe de la présence divine. L'homme n'a donc pas besoin d'attendre quelque chose de Dieu, récompense ou punition, selon une vision un peu infantile de la religion, c'est à travers sa vie et ses actes qu'il manifeste une confiance, donc une croyance, en certaines valeurs. « La croyance n'a pas besoin de preuve qu'elle doit regarder comme son ennemie », comme l'écrivait le philosophe danois du dix-neuvième siècle Kierkegaard.

Au terme de ce café philo, qui a nécessité plus que jamais écoute mutuelle et tolérance, il s'avère que l'homme ne peut se passer de croyance, de même qu'il ne peut se passer d'art, de philosophie, d'amour : toutes ces choses ne relèvent pas des besoins vitaux, mais elles permettent à l'homme de réaliser son humanité, et donnent un sens à sa vie ; autrement dit on peut vivre sans mais on vit mieux avec, comme le disait Jankélévitch à propos de a philosophie. Au terme d’une longue et vertigineuse enquête sur la puissance de la Raison et les limites du savoir humain, Kant déclarait avoir dû abolir le « savoir » pour faire place à la « croyance ». La croyance en Dieu peut être remplacée par la croyance en un principe spirituel ou des valeurs, que le croyant verra comme des manifestations divines. Au demeurant, l'homme ne peut se passer de ce besoin de croire et même de transcendance.

 Emile KENMOGNE, docteur en philosophie, professeur à l'Université de Yaoundé I, l'Abbé Claude LAH, docteur en philosophie, professeur au séminaire de Nkol Bisson.

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Commentaire de Magdala le 19 octobre 2015 à 21:50

Commentaire de Lovyves le 19 octobre 2015 à 21:45

Serge, je dois être un athée un peu .... "fêlé" !
Car je n'aime pas ne pas croire en Dieu; juste que Dieu est une hypothèse, intéressante.

Commentaire de Lovyves le 19 octobre 2015 à 21:42

Définition de Dieu (non personnelle, je ne prends pas pour un dieu pour définir le sens des mots) :
Principe d'explication de l'existence du monde; conçu comme un être personnel, selon les modalités particulières aux croyances, aux religions.

Commentaire de Lovyves le 18 octobre 2015 à 20:18

Chère Aiden,
Certaines personnes, et, possiblement, moi-même, auraient le pouvoir de "vous faire tourner en bourrique" !?
Je ne pense pas avoir ce pouvoir.
Alors le problème est possiblement ailleurs.

Commentaire de Lovyves le 18 octobre 2015 à 20:14

A l'attention de Magdala et à Tou(te)s

Commentaire de Magdala le 18 octobre 2015 à 18:40

Merci Aiden

Commentaire de AIDEN Trimeau le 18 octobre 2015 à 17:20

merci pour ce bel arbre en forme de cœur, j'envoie le mien !

Commentaire de Magdala le 18 octobre 2015 à 17:15
@ Aiden et Lovyves

Commentaire de AIDEN Trimeau le 18 octobre 2015 à 16:28

hi hi, (rires) ne pas juger l'autre est un art difficile voire inaccessible (à part en conscience supèrieure), ne pas être dans le jugement systématique des choses est tout à fait atteignable. J'ai atteint le premier palier, le deuxième palier viendra avec le temps ou pas. Je suis comme tout le monde, normale :)

Commentaire de Lovyves le 18 octobre 2015 à 14:59

Tout à fait, Magdala, afin de ne juger ...que la contribution de Aiden est "administrable"

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