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Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.
Ce poème, le plus connu de Rudyard Kipling n’en est que plus émouvant quand on sait qu’il l’a écrit pour son fils unique John, alors âgé de douze ans, en 1910 et que ce dernier périra en 1915 à sa première bataille lors de la guerre 1914-18, âgé d’à peine dix-sept ans. Drame culpabilisant pour l’auteur qui l’avait un peu "poussé" dans ce choix militaire alors qu’il avait été réformé pour cause de myopie.
Si cette image "parfaite" de ce que doit être un homme dans son humanité toute entière, dans la ferveur de son être, il est certainement un des plus beaux poèmes du genre et l’écho qu’il laisse en chacun de nous, la résonance aussi, ne peuvent être que personnels malgré l’universalité du propos. N’oublions pas ce "Si", ce conditionnel de départ nous rappelle que nous sommes faillibles et à jamais en quête d’une perfection à la hauteur de l’image que nous avons de la dignité de l’homme, de l’humilité posée pour nous permettre l’ouverture à l’autre comme apprentissage de la nature humaine mais aussi en gardant ma maîtrise et l’estime de soi. Et si être un homme accompli, adulte devait en passer par là pour acquérir, digérer ces valeurs en les appliquant à son propre chemin d’existence ? En faisant de la "pensée" un vecteur d’accomplissement et d’évolution au lieu de sotte rhétorique ? Tout en restant vrai, honnête et sincère pour mieux y parvenir… Sans pour cela tomber dans la crédulité aveugle et niaise, la flatterie, la compassion pour soi-même à chaque obstacle dont notre chemin est jalonné. Mais ce poème reste pour moi une déclaration d’amour paternel (ou maternel) que l’on peut faire à son enfant de dix ans en espérant qu’il concrétise un jour tous ces espoirs et cette grandeur que nous avions placés en lui… Il nous faut, en temps que parents, la patience d’une vie pour le savoir ! Et parfois…de l’abnégation…
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