On peut tenter de trouver une explication dans la connotation négative que porte ce mot; sombre évoque la noirceur, l'obscurité, le mal, ce qu'il y a de mauvais en soi, quelque chose dont on n'est pas fier, dont on se sent fautif, coupable; quelque chose qu'il faut cacher, oublier, se débarrasser.
On peut également se demander si dans notre façon de nous percevoir et de percevoir les autres, nous attachions autant voire plus d'attention à nos côtés lumineux, qu'à nos côtés sombres, peut-être comprendrions-nous plus aisément et avec beaucoup moins de souffrance, que la lumière ne peut exister sans l'ombre et que l'inverse est tout aussi vrai.
L'ombre n'est pas une force en tant que telle, c'est une puissance qui n'a pas encore reçu de Lumière. Et si l'ombre n'était autre qu'un défaut de lumière.
Si ce sujet vous intéresse, je vous propose de poursuivre cette lecture par un extrait du livre de Debbie Ford La part d'ombre du chercheur de lumière. L'auteure nous invite à apprivoiser notre part d'ombre , à jouer avec elle, et plutôt que de lui résister, la transmuter en une amie, une alliée avec laquelle nous allons cheminer vers plus de connaissance et d'harmonie en chacun de nous.
Egoïsme, jalousie, timidité, agressivité, impatience, frustration, autoritarisme, convoitise, colère, rancune, manque de confiance ... Nous ne nous sentons pas très à l'aise, ni fiers, ni dans la joie avec ce qui parfois mijote ou bouillonne au fond de notre chaudron.
Faut-il pour autant le réprimer, l'exprimer, le nier, s'en accommoder ?
Pour la thérapeute psychocorporelle Caroline Jeannet, la clé est d’abord « d’accueillir ce qui est là », sans jugement, mais sans se laisser emporter.
Vous êtes en colère ? « Ah ! Je suis en colère. »
Vous détestez telle personne ? « O.K , j’éprouve de la haine. »
Une remarque vous blesse ? Notez la tension qui se crée dans votre corps.
Est-elle nécessaire, maintenant ? Que pouvez-vous faire pour y remédier ?
Respirer, vous masser le ventre ou les mains, relativiser...
Traquez vos réactions avec curiosité, arrêtez de les estampiller « négatives », comprenez qu’elles sont simplement le fruit de circonstances, qu’il n’y a pas la vilaine ombre d’un côté et la belle lumière de l’autre : chacune a le pouvoir de faire de vous un être complet.
Si nous nions notre peur, nous minimisons notre courage. Si nous nions notre cupidité, nous réduisons d’autant notre générosité , note Debbie Ford.
Plutôt que de mettre la poussière sous le tapis, occupez-vous en et voyez comment vous pouvez l'éliminer.
Tout ce qui n'est pas confortable, tout ce qui nous gêne et n'est pas résolu, nous ronge de l'intérieur, nous prive d'une part de notre énergie, nuit à notre bien-être et à celui de ceux qui nous entourent.
Reconnaître l'existence de nos zones d'ombres est la première étape pour relever le défi d’agir sur elles afin qu'elles cessent d'agir sur nous.
Une fois ces ombres reconnues, « identifiez leurs fonctions, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles elles sont là », indique Caroline Jeannet.
Plutôt que de vous flageller en vous répétant que vous n'êtes pas une bonne personne, ou de vous culpabiliser chaque fois qu'une "mauvaise" pensée vous vient, ou que vous n'agissez pas tel vous aimeriez pouvoir le faire; plutôt que de considérer vos ombres comme des démons intérieurs, voyez-le comme des « dragons protecteurs » mis en place dans l’enfance, en réaction à certaines expériences blessantes : soumission ou agressivité édifiée pour survivre dans un milieu violent, façade dure pour masquer une hypersensibilité…
L’ombre fait partie de notre construction, elle est une part de notre identité que nous avons édifiée dans l'enfance tel un rempart pour nous protéger de la souffrance consciente ou subconsciente que nous percevions.
Nous avons grandi avec cette carapace, elle s'est parfois même épaissie au fil des événements de notre vie. Une fois que nous avons compris à quoi elle nous a été utile, nous pouvons à l'âge adulte nous en délester car elle ne nous sert plus à rien, au contraire elle nous empêche d'avancer librement, elle nous freine et nous alourdit.
En contactant la souffrance de l’enfant, vous donnez du sens et de l’empathie à l’attitude qu’elle a engendrée. Vous pouvez alors commencer à la déconstruire.
Prenez conscience des stratégies de défense et de protection que vous avez mises en place dans votre enfance. Laissez vos parts d'ombre émerger de l'obscurité, reconnaissez qu'elles vous ont été utiles, remerciez-les de vous avoir protégé contre une certaine souffrance, et permettez qu'elles se dissipent, qu'elles se transmutent en lumière en vous apportant de l'amour à vous-même.
Il est parfois étonnant de constater comment notre comportement peut-être différent selon notre degré de fatigue ou selon l'environnement immédiat.
Vous avez le sentiment d'être une personne timide dans vos relations quotidiennes, et lorsque vous montez sur une scène de théâtre, vous vous galvanisez et osez tout.
Observez en vous ces différentes attitudes, cela vous aidera à voir de quelle façon vous pouvez apporter de la lumière sur une ombre.
Vous êtes plus vaste que vous ne l’imaginez, alors cessez de vous conformer, de vous réduire à l’image que vous vous êtes forgée de vous-même.
Fermez les yeux, détendez-vous, accédez à un état propice à l’ouverture de votre pleine conscience.
En « héros courageux », posez l’intention de plonger dans « l’énergie de vos ombres pour voir ce qu’elles révèlent », conseille le thérapeute psychocorporel Félix Haubold.
Dresser un liste des défauts que vous détestez chez vous et des mots qui vous blessent. Voyez quelle leur charge émotionnelle cela libère en vous (colère, tristesse, haine, agacement, indifférence, empathie, compassion ...)
Quelles sont les 5 choses que vous n’aimeriez pas qu’on écrive à votre sujet ?
Notez aussi celles qu’on pourrait dire sans que cela vous touche.
Ne sont-elles pas toutes des vérités ? suggère Debbie Ford.
Demandez-vous quelles sont les croyances qui régissent votre vie ?
Où ont-elles pris racine ?
Vous identifiez-vous à ces croyances ou en avez-vous seulement hérité?
Par quelle(s) influence(s) vous sentez-vous le plus marqué(e) ?
De quoi vous protégez-vous (ou vous privez-vous) en les perpétuant, en vous accrochant à elles ?
Essayez d’identifier l’événement originel, afin de le dépasser et d’ouvrir la cage à la partie de vous qui s’y est cristallisée.
Intéressez-vous aussi aux comportements qui vous n'aimez pas chez les autres : ils sont souvent le miroir de ce qu’on refuse de voir en soi.
Pourquoi vous perturbent-ils ?
A quoi réagissez-vous ?
Dans quelles situations avez-vous fait preuve d’une attitude similaire ?
Petit à petit, vous commencerez à percevoir en vous un microcosme entier. Impossible dès lors de morceler, de porter des jugements péremptoires…
Embrassez vos peurs, acceptez votre vulnérabilité, osez vous ouvrir à vous-même.
S’amorce alors « un processus alchimique », dit Caroline Jeannet.
Prenez Milarepa ou Gandhi : à force de persévérance, ils sont parvenus à transmuter l’énergie de l’humiliation et de la vengeance liée à leur histoire personnelle, en une force d’amour et de paix.
Donnez à vos parts d’ombre une personnalité : Mathilde la timide, Gaspard le vantard…
Imaginez leur physionomie, leur façon de parler, de se comporter. Elles vous seront d’emblée plus sympathiques !
Demandez-leur ce qu’elles ont à vous apprendre, de quoi elles ont besoin.
La moutarde vous monte au nez ? Dites-vous : « Voilà Jojo le coléreux ! »
Vous n’osez pas donner votre avis ?« Revoici Louise la soumise ! »
Cette mise à distance est opérante ; vous commencerez à devenir spectateur de vous-même, à quelle ficelle vous relie à quoi, vous pourrez commencer ainsi à en couper certaines.
Si l’émotion est trop forte, écrivez-la, peignez-la« pour engager le corps, la créativité et le plaisir », explique Caroline Jeannet – ou, comme le propose Debbie Ford, tapez sur des coussins !
Au bout d’un moment, la charge émotionnelle se tarira, ou une facette plus profonde de cet aspect de votre personnalité se révélera, qui vous éclairera peut-être sur son origine.
Puis cherchez les qualités de chacune de vos sous-personnalités.
L’agressivité, par exemple, recèle une puissance, indique Caroline Jeannet.
Aller reconnaître la force et la puissance qui se nichent dans les endroits cachés de nos sous-personnalités, permet à celui qui y parvient de canaliser cette part d'énergie qui est en lui, de se la réapproprier et de l'utiliser au service de la personne qu'il désire devenir et Être.
L’ombre peut être l’expression excessive d’une qualité, alors « baissez un peu le volume », conseille Debbie Ford, mettez-y de la souplesse et du cœur, vous en percevrez le potentiel.
Et reprenez le pouvoir en imaginant une interprétation constructive de la raison pour laquelle cette ombre a émergé.
Ainsi, Debbie Ford confie avoir longtemps eu un problème avec la laideur parce que son père, lorsqu’elle était enfant, l’appelait « face de souris ». Cette perception l’a minée, jusqu’à ce qu’elle décide de confronter l’humiliation et de la convertir : ces mots n’étaient-ils pas un signe d’affection, un moyen de la préparer à la rudesse du monde réel ?
« Les nouveaux chemins, pour être efficaces, doivent s’ancrer organiquement dans la tête et le corps », explique Félix Haubold.
Tout se joue ensuite au quotidien. Créez-vous « des temps et des espaces » où vous immerger dans le plaisir de voir, de percevoir, de vous sentir vivant : vous faire couler un bain, partager la compagnie d’êtres aimés, sentir votre respiration s’ouvrir au gré d’un massage ou une larme couler à la lecture d’un roman, vous ménager un moment de silence le matin, en posture de méditation ou en sirotant votre thé… Oubliez les préceptes qui condamnent le fait de se faire du bien à soi-même. En vous montrant doux et aimant avec vous-mêmes c'est aux autres et à l'infiniment grand que vous que vous apportez de l'amour et du bien-être.
« Il n’y a pas de recette », à chacun de trouver sa manière de se ressourcer, de se découvrir là, présent, complet.
Puis reconnectez-vous régulièrement à cet état de conscience, car « nos parts d’ombre évoluent en permanence », rappelle Caroline Jeannet.
Petit à petit, cette « proximité à soi » permet de mieux réagir aux aléas, de ne plus chercher à être « parfait » – ce qui reste la conformité à une norme – mais intègre, en pleine cohérence par rapport à soi, aux autres, aux circonstances.
Dans cette unité, un étrange processus se met en place.
Voyez comment votre justesse transpire dans chacune de vos attitudes, comment cette fluidité permet à l’entièreté de votre être de s’exprimer, sans crispation ni heurt. Alors vous rayonnez, sans même chercher la lumière.
La part d'ombre du chercheur de lumière, Debbie Ford
Éditions J'ai Lu (Octobre 2010 ; 249 pages)
Source INREES - 10/03/2014
par Réjane Ereau
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