Pour inciter à une certaine réflexion... et...oh malheureusement combien d'actualité !..
Au travers de ce texte apparaît peut être en filigrane, "le point Oméga" si important à Pierre Teilhard de Chardin

"qui voit là une doctrine de faible?

Le chef est celui qui prend tout en charge. Il dit : J'ai été battus. Il ne dit pas : Mes soldats ont été battus,

L'homme véritable parle ainsi. Hochedé dirait : Je suis responsable.


Je comprends le sens de l'humilité. elle n'est pas dénigrement de soi. Elle est principe même de l'action. Si, dans l'intention de m'absoudre, j'excuse mes malheurs par la fatalité, je me soumets à la fatalité. Si je les excuse par la trahison, je me soumets à la trahison. Mais si je prends la faute en charge, je revendique mon pouvoir d'homme. je puis agir sur ce dont je suis. Je suis part constituante de la communauté des hommes.


Il est donc quelqu'un en moi que je combats pour me grandir. Il a fallu ce voyage difficile pour que je distingue en moi, tant bien que mal, l'individu que je combats de l'homme qui grandit. Je ne sait ce que vaut l'image qui me vient, mais je me dis: l'individu n'est qu'une route. L'Homme qui l'emprunte compte seul.
Je ne puis plus me satisfaire par des vérités de polémique. À quoi bon accuser les individus, ils ne sont que voies et passages.[....] La défaite, certes, s'exprime par des faillites individuelles. Mais une civilisation pétrit les hommes. Si celle dont je me réclame est menacée par la défaillance des individus, j'ai le droit de me demander pourquoi elle ne les a pas pétris autres.


Une civilisation, comme une religion, s'accuse elle-même si elle se plaint de la mollesse des fidèles. Elle se doit de les exalter. De même si elle se plaint de la haine de ses fidèles. Elle se doit de les convertir. Or la mienne qui, autrefois, a fait ses preuves, qui a enflammé ses apôtres, brisé les violents, libéré des peuples esclaves, n'a plus su, aujourd'hui, ni exalter, ni convertir. si je désire dégager la racine des causes diverses de ma défaite, si j'ai l'ambition de revivre, il me faut retrouver d'abord le ferment que j'ai perdu.
Car il est d'une civilisation comme il en est du blé. Le blé nourrit l'homme, mais l'homme à son tour sauve le blé dont il engrange la semence.


La réserve de graines est respectée, de génération de blé en génération de blé, comme un héritage.


Il ne me suffit pas de connaitre quel blé je désire pour qu'il lève. Si je veux sauver un type d'homme-et son pouvoir-je dois sauver aussi les principes qui le fondent.
Or si j'ai conservé l'image de la civilisation que je revendique comme mienne, j'ai perdu les règles qui la transportaient. je découvre ce soir que les mots dont j'usais ne touchaient plus l'essentiel. Je prêchais ainsi la Démocratie, sans soupçonner que j'énonçais par là, sur les qualités et le sort de l'homme, non plus un ensemble de règles, mais un ensemble de souhaits. Je souhaitais les hommes fraternels, libres et heureux. Bien sur. qui n'est pas d'accord? Je savais exposer"comment" doit être l'homme.-et non"qui" il doit être.


Je parlais, sans préciser les mots, de la communauté des hommes. Comme si le climat auquel je faisait allusion n'était pas le fruit d'une architecture particulière. Il me semblait évoquer une évidence naturelle. il n'est point d'évidence naturelle. une troupe de fasciste, un marché d'esclaves sont, eux aussi, des communautés d'hommes.


Cette communauté des hommes je ne l'habitais plus en architecte. je bénéficiais de sa paix, de sa tolérance, de son bien etre, Je ne savais rien d'elle, sinon que j'y logeais en sacristain, ou en chaisière. Donc en parasite. Donc en vaincu.


Ainsi sont les passagers du navire. ils usent du navire sans rien lui donner. A l'abri de salons, qu'ils croient cadre absolu, ils poursuivent leurs jeux. ils ignorent le travail des maîtres-couples sous la pesée éternelle de la mer. De quel droit se plaindront-ils, si la tempête démantibule leur navire?
Si les individus se sont abâtardis si j'ai été vaincu, de quoi me plaindrais-je?


Il est une commune mesure aux qualités que je souhaite aux hommes de ma civilisation. Il est une clef de voûte à la communauté particulière qu'ils doivent fonder. il est un principe dont tout est sorti autrefois, racines, tronc, branches et fruits. Quel est-il? Il était graine puissance dans le terreau des hommes. Il peut seul me faire vainqueur.[.....]


Ma civilisation repose sur le culte de l'Homme au travers des individus. Elle a cherché, des siècles durant, à montrer l'Homme , comme elle eut enseigné à distinguer une cathédrale au travers des pierres; Elle a prêché cet Homme qui dominait l'individu...


Car l'homme de ma civilisation ne se définit pas à partir des hommes . ce sont le hommes qui se définissent par lui. Il est en lui, comme en tout être, quelque chose que n'expliquent pas les matériaux qui le composent. Une cathédrale est bien autre chose qu'une somme de pierres. Elle est géométrie et architecture.

Ce ne sont pas les pierres qui la définissent, c'est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification. Ces pierres sont ennoblies d’être pierres d'une cathédrale. Les pierres les plus diverses servent sont unité. La cathédrale absorbe jusqu'aux gargouilles les plus grimaçantes dans son cantique.


Mais peu à peu j'ai oublié ma vérité. j'ai cru que l'Homme résumait les hommes, comme la Pierre résume les pierres. j'ai confondu cathédrale et somme de pierres et, peu à peu, l'héritage s'est évanoui. Il faut restaurer l'Homme. c'est lui l'essence de ma culture. c'est lui la clef de ma communauté. c'est lui le principe de ma victoire."

A. de Saint Exupéry. Pilote de guerre.

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