Certaines mères ont le don d’appuyer là où ça fait mal et savent mieux que personne amener leurs enfants à s’en vouloir de tout et n’importe quoi. Pour s’affranchir de leur pouvoir, une mise à distance s’impose. Tout en souplesse.
Isabelle Yuhel
C’est l’histoire d’une mère juive qui offre deux cravates à son fils pour son anniversaire, une rouge et une bleue. Le dimanche suivant, lorsque celui-ci se présente portant la rouge, sa mère lui dit d’un ton plaintif : « Je savais bien que tu n’aimais pas la bleue ! » Ainsi, certaines mères savent d’instinct atteindre leurs enfants au plus profond d’eux-mêmes… et à tout âge. « J’ai nettoyé le tour de ton évier. Si tu ne le fais jamais, les joints se décolleront », « Donc, si je comprends bien, je ne te reverrai pas avant quinze jours ! »… Autant de réflexions qui ont le pouvoir immédiat de transformer l’enfant en mauvais fils ou mauvaise fille. Comment s’en sortir ?
Reconnaître la manipulation
Il peut être difficile, lorsque l’on est attaché à sa mère, de se dire que c’est elle qui nous manipule et pas nous qui sommes en tort. Pourtant, c’est un passage obligé. « Il s’agit avant tout de prendre conscience que la mère abuse, qu’elle en demande plus qu’il n’est légitime, explique Mony Elkaïm, psychothérapeute familial. Ce n’est pas facile car les mères culpabilisantes le sont généralement depuis toujours et l’enfant qui s’est construit dans cet environnement l’a intériorisé. Devenu adulte, il est habité par la peur fondamentale d’être rejeté s’il ne correspond pas aux exigences de sa mère. »
« Cela peut passer par un changement de parcours professionnel, explique Pascal Housiau, psychothérapeute et psychanalyste, si vous prenez conscience que, finalement, celui que vous suivez est davantage le vœu de votre mère que le vôtre. Ou par la séparation d’avec un conjoint choisi en conformité avec ses souhaits à elle. Ou, plus simplement, par le fait de ne plus aller tous les dimanches déjeuner chez elle. Et vous vous rendrez alors compte que, malgré ses prédictions, lorsque vous menez à bien vos propres projets, le monde ne s’écroule pas ! »
Agir plutôt que discuter
Cette mise à distance est douloureuse car elle demande à l’adulte de renoncer à l’une des phrases les plus délicieuses qui ait bercé son enfance et dont il n’est jamais rassasié : « Tu es un bon enfant. »
Une fois la culpabilité identifiée, il importe d’agir et de ne pas discuter avant d’y être prêt, suggère Catherine Serrurier, psychanalyste et thérapeute conjugale (auteure d’Eloge des mauvaises mères, Desclée de Brouwer, 1992). « Afficher sa résistance ne ferait qu’amplifier la rigidité de la mère qui cherchera, en attaquant ou en se posant en victime, à imposer le bien-fondé de ses exigences. Et comme la plupart de ces mères ne se rendent pas compte de ce qu’elles font, les discussions sont sans fin. » En témoigne Armande qui, un dimanche sur deux, ratait son train en repartant de chez sa mère : celle-ci, au moment du départ, se mettait à se plaindre de ce que la visite avait été trop courte, et sa fille, voulant lui démontrer sa mauvaise foi, en oubliait l’heure !
Il faut donc agir avec une mère culpabilisante comme avec une méduse : en la trempant dans l’eau froide, c’est-à-dire sans craindre de la bousculer un peu, de lui rappeler que vous êtes adulte, que vos façons de vivre ne sont pas semblables aux siennes. Vous pouvez évidemment lui dire que vous l’aimez, mais en lui demandant d’accepter les limites que vous posez car celles-ci créent l’espace dont vous avez besoin pour construire votre vie.
Sauf que ces mères ont souvent du mal à croire en votre amour si vous ne leur donnez pas tout… Peut-être ne faut-il pas hésiter dans certains cas à recourir au mensonge pour créer la distance nécessaire. Ainsi ce patient de Pascal Housiau racontant à la sienne qu’il était souffrant pour justifier ses visites moins fréquentes. « Quant à envisager la rupture totale, le risque est que ce ne soit qu’une façon de ne pas affronter la mère, met en garde le psychothérapeute. Auquel cas, il y a une forme de travail intérieur qui ne se fait pas et c’est dommage. »
A quoi reconnaît-on que sa mère a perdu le pouvoir d’appuyer là où l’on se sent fautif ? « Lorsque l’on peut dire “non” sans se sentir coupable et “oui” sans râler, conclut Mony Elkaïm. En un mot, quand elle a perdu le pouvoir de nous exaspérer ! »
A LIRE
Comment survivre à sa propre famille de Mony Elkaïm et Catherine Glorion. Que l’on soit parent ou enfant, nous jouons tous un rôle dans notre famille. En nous plongeant au cœur de sa pratique, le thérapeute familial Mony Elkaïm nous montre, séance après séance, comment ces systèmes de relation fonctionnent (ou pas), et nous donne des clés pour les faire évoluer (Seuil, septembre 2006).
Source Psychologies
Commentaires bienvenus
Ah oui Sylvie ! les mères toxiques... nocives..... elles ne lâchent jamais c'est le combat de toute une vie... elles ne s'arrêtent pas elles jettent leur venin...... il faut être costaud et ne jamais lâcher non plus.... gagner quelques batailles parfois se relever, se relever sans cesse et puiser l'Amour ailleurs en se contentant de ce qu'elles donnent car il faut leur laisser celà - leurs "remords" nourrit leur capacité à avoir de beaux gestes de grandes générosités.... si elles sentent qu'elles sont allées trop loin - elles ré-harponnent ! hi hi !! De mes amies ont rompu avec leur Mère, en effet, d'autres "grâce" à celà ont dû faire un énorme travail intérieur - qui a porté ses fruits..... mais difficile d'évaluer les dommages collatéraux ! MERCI Sylvie d'avoir partagé cette rubrique à bientôt
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