"Les indiens distinguent deux sortes de souvenirs : les froids, et les chauds, qu'ils appellent mémoires.
Les souvenirs froids sont faits d'informations. Ils disent ce qu'ils savent, rien de plus. Qui dit que deux et deux font quatre ? Un souvenir froid. Les civilisés ont la religion de ces sortes de souvenirs. Ils les cultivent. Ils les accumulent. Ils savent faire d'eux des outils redoutables.
Les primitifs les utilisent volontiers, mais ne les estiment pas plus que des traces mortes. Ils préfèrent les mémoires chaudes, les instants survivants du passé qu'il nous arrive d'évoquer et qui viennent à nous comme ils sont, avec leur poids de douleurs ou leurs frémissements d'allégresse, avec leurs larmes, leurs parfums.
La tête se souvient, les sens ont des mémoires.
Le corps, de haut en bas, des orteils aux cheveux, est un village de mémoires.
Peupler ce village de mémoires alliées, afin que la vie soit bien défendue et servie, voilà selon l'école indienne la meilleure façon de construire un homme."
Henri Gougaud, "Les sept plumes de l'aigle", 1997.
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