Solitude : 5 millions de Français en souffrent

Dans son rapport annuel, la Fondation de France tire la sonnette d'alarme : un Français sur huit souffre de solitude. C'est un million de plus qu'en 2010.

Philippe Vernier : L’espèce humaine est éminemment sociale.  Une grande partie des fonctions cérébrales dites “cognitives“ sont dévolues aux  interactions que chacun d’entre nous entretient en permanence avec sa famille,  ses proches, ses collègues de travail et tout ceux que nous rencontrons, même  brièvement. Au cours de la petite enfance et jusqu’à la fin de l’adolescence, le  cerveau se construit en interaction avec l’environnement direct et en  particulier grâce aux relations avec les autres. Pendant cette période critique  du développement du cerveau, la qualité des interactions avec les autres  -famille, enseignants, personnes proches ou plus lointaines- influence  considérablement la manière dont les régions cérébrales impliquées dans ces  fonctions sociales se construisent, établissent des connexions les unes avec les  autres.


Des capacités aussi importantes que le langage, le calcul,  l’élaboration du soi, de sa personnalité, la reconnaissances des émotions chez  les autres, certaines formes de mémoire, la motivation, dépendent largement de  la façon dont les relations avec cet environnement social s’établissent et se  déroulent. Le fait d’apprendre et d’être éduqué par une personne est  irremplaçable, en raison de l’attention et de la motivation que suscite la  relation avec autrui. Les interactions entre personnes sont très rapides,  facilement modifiables et adaptables en fonction des circonstances, des  réactions de chacun, ce que ne peuvent pas bien faire les supports  d’apprentissage inertes ou stéréotypés (livres, écrans…etc). Ceci a été bien  démontré chez les adolescents par exemple, chez qui l’apprentissage avec un  enseignant est plus rapide et plus efficace que l’apprentissage avec un écran  vidéo. Même chez l’adulte, la qualité et la quantité des interactions sociales  continuent d’influencer le fonctionnement du cerveau et la plasticité cérébrale  reste grande.

De ce fait, d’un point de vue neurologique, la solitude  peut-elle être considérée comme dangereuse ? Quels sont les risques à  demeurer seul trop longtemps ?

La solitude prolongée n’est pas une situation normale pour  l’espèce humaine, et comme nous venons de le dire, elle est une source  supplémentaire de stress et de sentiment négatif de soi même et d’autrui. Sur le  plan épidémiologique, la solitude tend à diminuer la qualité du sommeil, de  l’apprentissage, mais aussi la qualité des réponses immunitaires et donc la  résistance aux infections. Elle favorise l’augmentation de la pression  artérielle, la survenue des dépressions, et elle est associée à une mortalité  plus précoce. Mais les psychologues et les psychiatres ont également mis en  évidence que certains individus souffrent d’un sentiment de solitude, même si  objectivement leur vie sociale est raisonnablement riche. Les conséquences  négatives sont très proches de celle de la solitude objective, et il est  important de le détecter et de le prendre en charge. Les chercheurs de  l’Université de Chicago ont montré que les personnes souffrant de solitude  percevaient de façon plus rapide et plus intense que les autres les sentiments  négatifs, les mots ou les choses désagréables, ce qui tend à augmenter leur  anxiété et à favoriser la survenue de dépression par exemple. 

Pourquoi faire l'éloge de la solitude ?

   La solitude est un thème éminemment humain et dans un même temps, terriblement repoussé. Car on associe le plus souvent la solitude à l'isolement, à la séparation, au deuil, à l'abandon et donc à une grande forme de détresse. La solitude ressemble donc à épouvantail monstrueux qu'il faut fuir à tout prix. Dans notre société, il n'est pas “normal” de rester seul(e), d'en être heureux, tout comme cela paraît suspect de ne pas vouloir d'enfant. Car beaucoup ne réalisent pas que choisir la voie solitaire, ce n'est pas vivre comme une âme en peine, abandonnée de tous.  

De mon point de vue, c'est la solitude qui nous fait passer du statut d'homme mortel à celui d'être humain. Car elle nous met en contact direct avec nous-mêmes et nous offre un accès privilégié à notre richesse intérieure. Elle nous offre l'opportunité de nous découvrir, de rendre chacun d'entre nous unique et de nous ouvrir pleinement aux autres. Elle nous délivre de l'isolement, en nous faisant passer du “moi”, conditionné et dépendant car toujours en rapport aux autres, au “je” libre et responsable. La solitude est notre maturité.  

Comment apprendre à “positiver” sa solitude ?

   La solitude est souvent perçue comme une épreuve quand on l'expérimente après une rupture, un abandon, un deuil. Alors plutôt que de tenter de la fuir, il faut faire face et traverser cette épreuve. En se disant que c'est l'occasion d'une rencontre avec soi et une ouverture sur tous les possibles. Au lieu de penser que l'on ne peut plus rien faire, que l'on devient inutile parce que l'on est seul, il faut au contraire plonger au plus profond de soi pour découvrir toutes les richesses que l'on possède.   

Pour ce faire, je conseille souvent d'écrire. D'écrire dans un carnet ou un cahier, toutes les choses que l'on aimerait faire ou vivre, tous les rêves qui nous habitent sans laisser s'installer le barrage du rationnel. Et interrogez-vous sur ce qui vous en empêche. C'est bien souvent le regard des autres. Prenez alors conscience que c'est vous qui créez votre vie, qui en êtes responsable, et non les autres. La solitude nous offre cette belle leçon : il faut d'abord attendre de soi et non des autres. Il faut d'abord savoir compter sur soi et s'aider soi-même. Et les autres viendront vers vous car ils ne seront pas là pour, en premier lieu, combler vos manques ou animer votre vie.  

Est-il important de se ménager des moments de solitude quand on vit en couple ou en famille ?

   Oui, car il est toujours important de garder le contact avec soi-même. Quand on vit en couple ou en famille, on finit trop souvent par croire que l'on n'existe plus sans l'autre. Il est donc important de cultiver son jardin secret, de prendre du temps pour soi sans culpabiliser (ce n'est pas un acte égoïste ! ), voire de se ménager un petit territoire bien à soi dans l'espace géographique familial.  

   Une autre façon de se retrouver avec soi-même peut passer par la méditation. Le simple fait de rester chaque jour, assis un quart d'heure sans bouger, les yeux clos, dans le silence, est un formidable moyen de s'enraciner au plus profond de soi-même, et donc dans sa vie. Sans qu'il y ait pour autant d'implication religieuse ou spirituelle. Ce sont juste des retrouvailles intimes, un moment que l'on s'offre pour s'écouter, se comprendre, se recentrer. Et d'une certaine manière, se respecter

Eloge de la solitude

   Beaucoup en ont peur. La fuient. N'osent pas l'affronter. Et d'ailleurs, vivre seul(e) n'est pas toujours très bien accepté. Et si la solitude était pourtant une richesse. Voire une aubaine ? Explications avec Jacqueline Kelen, écrivain, auteure de L'esprit de solitude (Ed. La Renaissance du livre, 2000).


 

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Commentaire de Lovyves le 9 Janvier 2016 à 19:24
Commentaire de Lovyves le 9 Janvier 2016 à 19:20

Bonsoir à Tou(te)s
Je vois (j'aperçois) qu'Albatros "vole haut" !
Un peu comme le Jonathan le goéland.

Commentaire de Albatros le 9 Janvier 2016 à 15:23

Nous sommes seuls, et le plus tôt nous l’acceptons, le plus tôt nous pouvons apprendre à vivre heureux avec nous-mêmes, en devenant pour nous notre meilleur ami, notre  meilleur amoureux. Nous aimant, nous aimantons les autres.

Nous sommes toujours seuls et le serons toujours à l’intérieur de nous mêmes. Chacun naît seul, vit seul et meurt seul. La réelle maturité débute le jour où l’on se sent l’auteur et l’acteur de son existence, le jour où l’on cesse de faire porter la responsabilité de sa vie sur autrui, le jour où l’on n’attend plus rien d’autrui, mais où l’on profite de tout ce que l’on possède et de ce qu’autrui nous offre.

Le jour où je considère mon partenaire comme un invité dans ma vie et que je me considère comme tel pour l’autre peut être le jour où le véritable bonheur conjugal prend place. Pourtant, la majorité des gens paniquent à l’idée de vivre seul, car, pour eux, solitude égale isolement ou enfermement, alors qu’elle est plutôt une ouverture sur la vie intérieure et la créativité. C’est pour fuir l’isolement que les gens vont dans des églises ou des discothèques, s’impliquent socialement, regardent la télévision, écoutent la radio…

Nous sommes assurés de passer le reste de notre vie avec nous-mêmes. Moins nous nous aimons, plus nous recherchons l’amour de l’autre, des autres, comme si le fait de trouver l’« âme-soeur » pouvait nous sortir de la solitude. Or, il n’y a pire solitude que celle que l’on peut vivre à deux.

Merci Romane pour cet article qui me fait ainsi réagir et joyeux week end !!

Commentaire de soleil rouge le 9 Janvier 2016 à 14:58

https://www.youtube.com/watch?v=84_5eHhoPXo

Muriel Robin, nous fait part de sa solitude!!!

Avec humour

Commentaire de tytodom le 9 Janvier 2016 à 11:28

Merci Romane pour cet article oh combien pertinent et intéressant . Et de bien faire la part des choses entre solitude imposée (souvent de façon négative) et celle beaucoup plus positive comme la méditation ou la solitude au contact des éléments "nature", par exemple .

Bon week-end à toutes et à tous .

Namasté .

Commentaire de Liouba le 9 Janvier 2016 à 10:26

Quand la solitude nous "tombe" dessus (ce qui est souvent le cas), elle est terrible à vivre comme tous les changements non choisis. Petit à petit, on peut l'apprivoiser et en tirer de nombreux avantages comme celui primordial de mieux se connaître et de savoir trouver la joie en soi simplement.

On peut alors se rendre compte que l'on s'était oublié, noyé dans les autres (c'est parfois plus simple que d'être face à soi) et que c'est peut-être pour cela que l'on se retrouve seul.

Mais s'habituer à la solitude est un peu pervers car effectivement nous sommes éminemment des êtres sociables. Il faut donc trouver le juste milieu, en équilibre entre soi et les autres.

Commentaire de Romane le 9 Janvier 2016 à 6:27

La plus grande solitude, c'est de n'exister pour personne >>   Mère Térésa 

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