Par Bertrand Duhaime le 12 mai 2014 dans Blog
Chez les gens de formation judéo-chrétienne, la pauvreté apparaît souvent comme une vertu, tandis que la richesse apparaît comme un vice, voire une tare. On a beau se croire libéré des anciens enseignements qu’ils laissent souvent des engrammes profonds et tenaces dans l’inconscient. La «Bible» ne manque pas de propos qui invitent à se méfier de la richesse et des riches, mais qui recommandent d’accorder beaucoup d’attention aux besoins des pauvres, ce qui serait une condition du salut, car, est-il précisé, «l’aumône remet les péchés». Un extrait de l’«Ecclésiastique» (8, 1-2) peut résumer la majorité des maximes bibliques relatives à la richesse, car il y est dit, outre que les biens attirent les parasites et rivent à la terre : «Ne te querelle pas avec un riche de peur qu’il n’ait plus de poids que toi; car l’or a perdu bien des gens et a fait fléchir le cœur des rois.»
Pourtant, il y a fort à parier que, à moins d’être sincère, sage et amoureux, faire l’aumône sans discernement peut mener à la ruine et à la régression, si elle encourage des travers ou perpétue l’inconscience. Car il a été dit ailleurs : «Donnez à ceux qui ont, car, à ceux qui n’ont pas, même ce qu’ils ont leur sera enlevé.»
Malgré qu’un proverbe commun assure que pauvreté n’est pas vice, le sentiment de manque ou de pénurie peut tirer son origine d’une erreur de compréhension, d’une apathie intérieure ou d’une juste rétribution, un propos qui ne déprécie personne en lui-même. Ce sentiment traduit souvent un manque d’amour de soi, une sécheresse du cœur ou une étroitesse du mental. On est trop porté à attribuer la pauvreté à un manque de justice distributive, soit à une manque d’ouverture du cœur qui amène les mieux nantis, individualistes et égocentriques, à thésauriser, à accumuler et à monopoliser l’argent et les biens.
Dans le phénomène de la pauvreté mondiale, il y a de cela, mais il y a bien davantage un manque de compréhension de la dynamique de la vie qui amène à mépriser la créativité personnelle et la prise en charge individuelle. Bien des gens pauvres souffrent d’un atavisme familial qui les amène à se croire purement et simplement les victimes d’un sort injuste, d’où ils ne pourraient rien changer à leur situation. C’est sûrement ce qui explique les expressions défaitistes, peu inspirantes, qu’on a formulé au cours des âges : quand on est né pour un petit pain, on n’est pas né pour un gros; quand on est né valet, on n’est pas roi; chacun doit se résigner à son sort.
Une erreur plus grande que la pauvreté serait de concevoir les riches comme des gens qui ont consacré toutes leurs énergies à l’aspect matériel de l’existence, mais qui n’ont pas fait ce qu’il faut pour s’élever. C’est l’idée parasitaire qui peut hanter le psychisme de certains pauvres qui ignorent que la vie est abondance en elle-même. L’appel à l’évolution n’est pas lancé uniquement au pauvre et il n’est pas facilité aux démunis. De ce fait, on a généralement tort de croire que le pauvre peut gagner son ciel plus facilement que le riche.
Tout est question de perspective : en elle-même, la richesse n’est ni un idéal ni une tare. La pauvreté non plus. Conformément à la loi du libre arbitre, il appartient à chacun de faire ses choix. Comme la richesse, la pauvreté, considérée en elle-même, n’élève ni n’abaisse. Mais la richesse, qui ne résulte pas toujours de l’exploitation éhontée d’autrui et de la Nature, ne peut être le résultat d’une récompense ni d’un décret cosmiques, bien qu’elle puisse s’expliquer par un codage antérieur à l’incarnation. Mais celui qui se serait codé une expérience de pénurie, comme leçon de vie, ne pourrait qu’avoir codé la nécessité de s’en tirer le plus rapidement qu’il lui serait possible.
Quoi qu’il en soit, le riche et le pauvre ont droit à la lumière, bien que leurs défis soient différents. Dans la vie, tout est question de quête d’équilibre et d’harmonie : le pauvre doit apprendre à se libérer de ses limites, tandis que le riche doit veiller à partager amoureusement ses biens; le malade doit veiller à comprendre le sens de ses difficultés et les appliquer pour guérir, tandis qu’il permet au médecin d’exercer sa compétence et de l’améliorer; l’employé ou le manœuvre doit apprendre à bien servir un plan d’affaires ou une communauté d’intention et à s’élever dans l’échelle des responsabilités, tandis que le patron doit apprendre à faire un bon usage du pouvoir, notamment en respectant les collaborateurs de sa prospérité. Tout est question de jeu de rôle pour permettre la diversité des expériences. Ce qui n’invite pas à se cantonner dans le rôle le plus difficile par sa résignation à son destin.
La pauvreté peut découler d’un choix volontaire, considéré comme une solution judicieuse pour bien évoluer. D’où on parle de plus en plus de simplicité volontaire. L’abandon délibéré de la richesse pour se consacrer exclusivement à l’élévation de sa conscience et de celle de ses frères et sœurs relève de la liberté. Dieu n’en demande pas tant, mais il ne peut réprouver une aussi bonne intention. Il s’agit de savoir si elle est vraiment sincère ou si elle témoigne d’une résignation ou d’une démission intérieure. Celui qui vit dans la pauvreté par choix délibéré ne dédaigne pas la richesse en elle-même, ne réprouve pas celle des autres, ne charge pas le riche d’indignité, ne convoite pas les biens du bien nanti, car son cœur est des plus charitables et des plus tolérants et son amour s’exprime de façon inconditionnelle.
Le mépris de la richesse, que l’on désire bien souvent autant, procède de la même vision qui perçoit l’ascèse et les privations comme des moyens indispensables pour évoluer. C’est une erreur de discernement spirituel. La pauvreté maintient dans la dépendance. Qu’on soit riche ou pauvre, cela importe peu. Il s’agit de ne pas en faire une vertu… ni un vice. Par exemple, le mépris de l’argent est rarement sincère, comportant une certaine dose d’orgueil. Il y a des cas où l’abandon de sa richesse, pour vivre dans la pauvreté, peut impliquer une sanction karmique redoutable.
C’est le cas chaque fois qu’en le faisant on abandonne une grande responsabilité collective entraînant des gens à vivre dans le besoin. Ce serait par exemple le cas d’un patron d’usine qui liquiderait tous ses biens sans penser à ce qu’il advient de ses ouvriers qui passent au chômage, à l’aide sociale ou à la misère. Son désir de s’élever au-dessus de la matière ne serait recevable que s‘il prévoyait une relève ou un transfert de propriété. La crainte de la pauvreté est un problème difficile à résoudre, car, souvent, dans son présent, toutes les pensées de pénurie d’antan hantent l’inconscient et perpétuent l’insécurité, amenant à des comportements erratiques.
En effet, celui qui a longtemps vécu dans la misère aime raconter à quel point il était pauvre jadis, ne serait-ce que pour se réjouir d’en être un peu sorti ou pour marquer sa fierté d’avoir changé un tantinet cet état de fait. Mais il sera porté à vivre de façon assez frugale, en économisant même devenu prospère. Or l’économie attire la pénurie.
On a tous entendu parler de ces étranges personnages qui ont vécu dans le dénuement, mais ont laissé un grand héritage en quittant le monde. Il s’agit de cas extrêmes, ce qui n’empêche que certains, qui possèdent amplement ce qu’il faut pour vivre, aiment vivre dans un environnement terne, négligeant leur habillement et certaines nécessités, faisant des économies de bouts de chandelles, lésinant sur la nourriture, hésitant à s’acheter des pains frais du jour, plus chers que les pains de la veille. Et ils épargnent pour leurs vieux jours, et toujours plus, jusqu’à avoir de plus en plus de difficulté à s’acheter les choses indispensables. Leur crainte les a amenés à se créer des habitudes qui sont de plus en plus difficiles à briser à mesure que passent les années. Ils ont oublié que c’est d’abord l’esprit qu’il faut dépouiller pour ramener l’ego à sa place, non vivre l’ascétisme, pour un jour être revêtu de l’immortalité ou de l’éternité en Dieu.
Pour être de mise, la pauvreté doit d’abord s’entendre au sens d’un retour à la simplicité de l’enfance, au détachement du monde manifesté, au renoncement au multiple pour dépendre exclusivement du Principe afin de retourner, au jour nommé, à la Source originelle. Le dépouillement matériel n’est jamais qu’un symbole, une ascèse préparatoire au jeûne du cœur.
Nul n’est appelé à sacrifier la matière pour s’élever au ciel, mais à fusionner ces extrêmes à titre de moyens qui servent sa finalité, son But ultime d’Illumination.
Commentaires bienvenus
Ce texte me parle tellement!!
je suis dans ce travail de transmuter mes croyances ...et surtout celle-ci (l'argent) !!! car élevée dans une ambiance religieuse ou "l'abnégation" et "le sacrifice" étaient les maîtres mots. !!.
la pensée "pénurie" attire le manque et perpétue l'inconscience...OR l'argent est un bien divin que nous pouvons tous posséder en abondance pour l'amour de soi et des autres...pour pouvoir partager,aider, aimer !! Pour cela il est nécessaire de spiritualiser la matière..
MERCI..
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