Dans tous les livres de développement personnel, on parle de s’accepter, accepter les autres, mais qu’est-ce que ça veut dire au juste ? Comment fait-on pour accepter ? Pourquoi n'y arrive-t-on pas ?
En arrivant au monde, nous expérimentons l'extérieur à travers nos ressentis et nos émotions. Tout ce que nous voyons et entendons est vécu profondément et non mentalement. Nous ne tirons pas de conclusion, nous ne jugeons pas, nous nous contentons de vivre et ressentir l’amour, la faim, le manque, la colère et toutes autres émotions vécues dans notre environnement familial. Mais en grandissant, nous apprenons que nos émotions sont mauvaises, qu’elles ne sont que faiblesse. Nos émotions ne sont pas validées par nos parents ou nos enseignants. Imaginons qu’un enfant veuille un jouet et que sa maman refuse de le lui acheter ; il se mettra à pleurer, bouder, crier, se roulera peut-être par terre. Elle lui donnera une fessée, le grondera ou finira par le lui acheter. Mais ce qu’elle fait réellement, c’est signifier à son enfant qu’il ne devrait pas ressentir ce qu’il ressent. En adoptant l’une de ces attitudes, elle lui refuse son état émotionnel. « Non, non, ne pleure pas, parce que c’est mal de pleurer, cela ennuie maman que tu ressentes ce que tu ressens, tu ne devrais te sentir frustré ou triste ou en colère… », Voilà ce que l’enfant entend. Expériences après expériences, il finira par conclure que ce qu’il ressent n’est pas correct, qu’il y a quelque chose en lui qui ne va pas bien et que les émotions sont des éléments de sa personnalité qu’il doit éviter, enterrer. Il en aura peur chez lui comme chez les autres. Il commencera à se sentir déconnecté de sa famille et du monde. Il pourra même développer des maux physiques. Accueillir et aimer son enfant inconditionnellement c’est le prendre dans les bras, l’embrasser et lui dire : « je comprends que tu te sentes frustré, en colère, triste… quand j’avais ton âge et que mes parents refusaient de m’acheter ce jouet, je ressentais la même chose ». Il ne sera pas grondé, frappé, on ne lui achètera pas le jouet mais il se sentira compris et c’est tout ce dont il a besoin. Le fait de le laisser traverser l’émotion qu’il expérimente lui permettra de l’intégrer et d’en vivre une autre. Cela lui évitera, adulte, de chercher à s’attirer des situations dans lesquelles il pourra expérimenter la frustration, la colère, la tristesse, le manque pour pouvoir les intégrer.
Mais revenons à cet enfant dont les émotions auront été rejetés par ses parents ; adulte, il aura le même comportement que ses parents dans toutes ses relations. Lorsqu’une amie viendra le voir en pleurant parce que son compagnon vient de la quitter, il lui dira « non, non, ne pleure pas, ça sert à rien, tu verras dans 15 jours, ça ira mieux, tu ne devrais pas ressentir ce que tu ressens, c’est une attitude négative, tu es vraiment trop sensible… ». L’adulte qui ne craint pas ses propres émotions parce qu’on lui aura permis de les vivre dirait plutôt : « C’est tout à fait normal ce que tu ressens étant donné les circonstances, lorsque j’ai vécu tel évènement, j’ai traversé la même chose, je comprends parfaitement ce que tu ressens, tu as raison de ressentir cela. Même si c’est extrêmement douloureux, même si tu as envie de mourir, ce que tu ressens est juste… ». Lorsque son épouse, en rentrant du travail, lui exprimera son désespoir parce que son patron la harcèle, celui qui considère qu'être malheureux n'est pas valide lui dira : « Tu devrais porter plainte, personne n’a le droit de faire ça à une autre personne, c’est un monstre, ne te laisse pas faire, mets-toi en arrêt maladie, agis, fais quelque chose… ». Alors que l’adulte qui accepte ses propres émotions comprendra que là où elle en est, elle est absolument incapable d’agir. Elle n’en a tout simplement pas la force, elle est au bout du rouleau, tout ce qu’elle veut, c’est parler, être entendue, comprise. Lui dire de faire quelque chose, d’agir, c’est continuer le harcèlement qu’elle subit déjà au travail.
Lorsque son meilleur ami lui dira qu’il est malheureux parce qu’il vient de perdre son père, il lui dira : « qu’est-ce que je peux faire pour toi, tu veux qu’on sorte boire une bière, tu veux que j’appelle les copains pour te changer les idées, allez, reste pas dans cet état, ça sert à rien, ça va pas ramener ton père, il est bien là où il est, la vie continue… ». Ah, si vous compreniez les dégâts occasionnés par ce genre de paroles. On ne permet pas à la personne en deuil de traverser toutes les émotions liées à la perte. Comment peut-on dire à quelqu’un de ne pas avoir de chagrin alors qu’il est en train de prendre conscience qu’il ne reverra plus jamais l’être aimé, qu’il ne lui parlera plus, que c’est fini ?
L’un des problèmes majeur de toutes les relations est le refus des émotions de l’autre. En les refusant aux autres, en réalité, ce sont vos propres émotions que vous refusez. En effet, lorsqu’une personne souffre devant vous, cela peut vous mettre très mal à l’aise parce que vous vous mettez à sa place et êtes terrifié à l’idée de traverser une épreuve de ce genre parce que vous pensez que vous ne pourrez jamais y faire face, parce qu’on vous a appris à avoir honte des émotions négatives, que ce sont des émotions dérangeantes pour la société. Ainsi votre relation à vous-même et aux autres reste une relation de surface et ne vous permet pas de vous connecter intimement, ne vous permet pas de vous accepter totalement, d’accepter l’autre totalement.
Chaque fois que nous refusons notre état émotionnel, nous nous abandonnons, nous nous rejetons, nous ne nous acceptons pas. Chaque fois que nous nous disons que nous ne devrions pas être en train de ressentir ce que nous ressentons, nous apprenons à ne pas nous faire confiance, il en est de même chaque fois que nous disons à l’autre que ce qu’il ressent n’est pas bien, qu’il ne devrait pas être en train de ressentir ce qu’il ressent.
Voici quelques clés pour vivre des relations sincères et accepter l’autre dans tout ce qu’il est, dans sa vérité :
Devenir conscient des émotions et sentiments de l’autre. Cela signifie l’écouter. L’écouter sans filtre, sans lui coller vos propres croyances sur ce qu’il devrait ou ne devrait pas ressentir. L’écouter dans l’intention de comprendre ce qu’il ressent lui permettra de s’autoriser à être vulnérable auprès de vous sans peur de votre jugement. Il ne s’agit pas d’être d’accord, mais juste de comprendre. Pour être plus claire, je vous fais par d’une de mes expériences : le mari d’une de mes amie est mort il y a un an et demi. Je n'ai pas cherché à la consoler ou à lui dire qu'elle ne devrait pas être en train de ressentir ce qu'elle ressentait mais j'ai juste été un espace d'expression, je lui ai dit que je comprenais, je l’ai laissé parler sans jamais essayer de lui dire qu’elle devait penser à autre chose. Elle a pu m'exprimer des émotions qu'elle n'osait s'avouer à elle-même. Sa colère envers son mari, le fait qu'ils se soient fortement engueulés juste avant qu'il ne meurt... Elle m'en a été reconnaissante et m'a dit qu'elle s'étonnait d'avoir pu me parler de cela. Tout ce que j’ai fait, c’est de ne pas juger son état émotionnel en essayant de la guérir, c'est de lui permettre d’exprimer et de ressentir pleinement ce qu’il y avait en elle. Rendez-vous compte de ce que c'est que de garder un sentiment pareil à l'intérieur de soi. Nous vivons dans une société où l’on nous interdit d'exprimer et donc de vivre les émotions jugées négatives. Ceux qui souffrent doivent faire bonne figure alors qu'ils sont en train de mourir de l'intérieur.
Prendre conscience que ce que l’autre ressent est important. Si une amie est quittée par un homme que vous considérez comme mauvais pour elle et qu’elle en est extrêmement malheureuse, lui dire « c’est bien pour toi, tu verras, tu seras bien contente quand tu te rendras compte de ce qu’il était », c’est invalider ce qu’elle ressent au présent. Il y a de fortes chances qu’elle perde confiance en vous et qu’à l’avenir, vous ne soyez plus la personne vers laquelle elle se tournera. Comprenez qu’elle a toutes les raisons du monde de ressentir ce qu’elle ressent, ce n’est pas votre rôle de le lui dénier. Vous ne lui venez pas en aide, vous ne faites que refuser ce qu’elle est au moment présent.
Valider les émotions de l’autre. Si une personne vous dit qu’elle perd pied, qu’elle ne sait plus où elle en est, vous pourriez lui répondre « je comprends parfaitement ce que tu vis et à ta place, je ressentirais exactement la même chose ». En disant cela, ne croyez pas que vous la pousser à s’enfoncer d’avantage. Bien au contraire, en lui permettant de comprendre que ce qu’elle ressent est tout à faire normal, vous lui permettez de se libérer de la résistance qu’elle a vis-à-vis de ses émotions. De plus, cela lui permettra de mettre des mots sur ce qu’elle ressent. Vous devez laisser à l’autre la liberté de décider quand il sera prêt à remonter l’échelle émotionnelle vers un état dans lequel il sera mieux. Ce n’est pas à vous d’imposer le moment où il pourra envisager d’aller mieux. Ce qu’on appelle l’amour inconditionnel c’est être pleinement présent à l’autre sans essayer de le guérir, de le changer.
Quand l’autre a pleinement reconnu, ressenti et accepté son état émotionnel, alors, et seulement alors, vous pouvez l’aider à trouver un moyen pour intégrer les émotions qu’il vit. Ce n’est qu’à ce moment que vous pouvez offrir des conseils et qu’ils seront acceptés avec reconnaissance.
Ce sont ces étapes qui prouveront aux personnes avec lesquelles vous souhaitez établir une relation intime que vous les aimez et les acceptez totalement.
Ce sont ces étapes que vous devez traverser également dans votre rapport à vous-même pour vous accepter totalement. Et c’est d’abord en acceptant, validant, vivant vos propres émotions que vous serez capable de créer des relations intimes et profondes avec les autres. Ce que vous n’acceptez pas chez vous, c’est n’est pas votre poids, votre physique, votre intelligence, votre manque d’argent… Ce sont les émotions que vous ressentez lorsque vous vivez cela.
En réalité, toutes les émotions que vous vivez aujourd’hui ont été ressenties dans l’enfance mais vous n’avez pas eu l’opportunité de les traverser pleinement pour les intégrer et passer à l’étape suivante. Aussi, sont-elles toujours présentes et essayent-elles de se frayer un chemin à travers vos expériences de vie pour que vous les preniez en considération et que vous les reviviez jusqu’à complète intégration. Tant que vous ne faites pas le travail vers vous-même, vous revivrez encore et encore et encore des expériences qui vous feront ressentir la perte, l’abandon, l’humiliation, la colère…
Johanna.
Commentaires bienvenus
Merci à toi Anne,
Je ne le connais pas mais j'aurai grand plaisir à le lire.
Merci Johanna,
ce que tu écris là me fait penser à un beau texte que j'ai lu il y a longtemps sur le respect de l'autre et les épreuves de la vie "le cocon et le papillon"... à l'occasion je le mettrai en ligne, vous le connaissez peut-être déjà!
Merci à vous trois...
merci pour ce trés beau et trés riche partage
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