De la culture primitive à la culture narcissique, en passant par la culture moraliste, une chose essentielle s’est perdue en route, en peu de temps : l’identité personnelle fondée sur les besoins fondamentaux du Soi.

Ce sont les besoins de se sentir vivant (c’est-à-dire avoir un corps vibrant), d’aimer et d’être aimé.

Lowen conclut son livre Love, Sex and Your Heart ...(1988) par ces mots : « Celui qui sait aimer, aime la vie, tout ce qui vit et tout ce qui contribue à la vie. Etre responsable (...) veut dire savoir agir par amour et non par devoir. Le devoir et l’amour sont incompatibles, puisque l’amour est le fait d’un homme libre dont le seul devoir, s’il en était un, est de savoir aimer. »

La personnalité narcissique est plus préoccupée par l’image qu’elle donne d’elle que par ses propres sentiments. L’image du Moi est investie au détriment du Soi, au détriment des sensations corporelles, des sentiments et des émotions. Cette image du Moi élimine toute sensation et tout sentiment qui entrerait en contradiction avec elle.

Comment accepter un sentiment de vulnérabilité alors que le Moi exige une apparence de force et d’invincibilité ?
Comment éprouver un sentiment d’amour alors que le Moi se fonde sur la séduction et la maîtrise des autres, traités comme le prolongement de lui-même ?

Le succès domine le besoin d’aimer et d’être aimé. La nécessité d’être admiré supplante le besoin d’être compris. L’obligation d’être spécial lutte sans merci contre le sentiment intérieur de vide et de solitude.

Comment peut-on devenir si inhumain pour soi et pour l’autre ? Comment peut-on en arriver à se priver de la vie qui coule en soi et n’exister que dans l’excitation fantasmatique ? Comment peut-on se priver à ce point et mépriser tout ce qui est simple, humain, tendre, aimant ?"