C'est en effet un sentiment de méfiance généralisé que suscite l'évocation d'un gourou en Occident, où l'association est immédiatement faite avec un embrigadement sectaire limitant la volonté individuelle. Considéré uniquement comme le leader d'un mouvement sectaire, le « gourou » n'a pas d'autre statut que celui d'un manipulateur marginal qui dissimule son appartenance à un mouvement à risque en Europe, et cette connotation est bien loin de son statut indien originel. L'heure est donc à laréhabilitation des gourous. D'autant plus que ces derniers, tout comme leurs mouvements spirituels, connaissent aujourd'hui une expansion spectaculaire en Inde, et ce gigantisme transforme certains d'entre eux en de vastes multinationales spirituelles et financières.
Issus du néo-hindouisme du XIXème siècle, ils se sont d'abord appuyés sur une middle -classe indienne en pleine ascension pour ensuite séduire l'ensemble de la population et imposer l'unicité de leur statut à l'ensemble de la société indienne. Le gourou est alors l'incarnation du Dharma, qui, dans les religions indiennes se réfère à la vertu, la religion, l'enseignement et la doctrine. Il est considéré comme un moyen de transmettre sagesse, vérité et spiritualité grâce à une attitude fondée sur la dévotion. Ainsi, si « gourou » est généralement traduit par « maître spirituel » ou du moins « toute personne respectable et vénérable », on peut lui ajouter le préfixe Sanskrit « Sat » qui signifie « vérité » afin de souligner l'importance de son rôle, ce qui donne «Sadgourou ». L'étude des racines Sanskrit du mot gourou peut d'ailleurs en révéler bien davantage. Le terme signifie aussi bien « grand », « étendu », « être élevé », « véhément », « difficile », que « parler », « exprimer » et « murmurer ». La richesse de l'origine étymologique du gourou se fait donc le meilleur ambassadeur de la complexité de la définition de son rôle au sein de la société indienne où sa mission est donc d'aider la population à accéder à forme de conscience plus développée. La redéfinition de l'identité et le questionnement sur les idées préconçues structurant la société, la nature, la religion et l'individu sont les objectifs que le gourou essaye d'atteindre en échangeant avec ceux qui choisissent de suivre son enseignement. Il aide ceux qui l'écoutent à différencier illusion et réalité, et trouver un vrai gourou prêt à répondre avec adéquation aux questionnements propres à celui qui cherche des réponses, s'apparente à la recherche d'une perle rare. C'est pourquoi en Inde, le disciple valorise et chérie la relation privilégiée qu'il entretien avec son gourou. Ainsi, la phrase « je vais demander conseil à mon gourou » fait autant partie des mœurs indiennes que le classique « je vais acheter du pain » en France et n'illustre de ce fait aucun comportement marginal. Dans notre monde globalisé l'Inde s'est donc lancée dans une production de gourous à la chaîne, au même rythme que la Chine qui manufacture nos biens matériels.
Toutefois, l'influence considérable que le gourou possède sur ses suiveurs ne relève pas de légende et est àwww.baba-ramdev.gif" alt="Gourou Ramdev face à sa foule de fidèles. source : www.baba-ramdev" title="Gourou Ramdev face à sa foule de fidèles. source : www.baba-ramdev" /> l'origine de la dérive du sens du terme en Europe où cette relation de confiance absolue peut se voir assimilée à de la manipulation. En effet, il est dit que lorsque le disciple est prêt le gourou arrive. Cette relation particulière comprend alors une connotation quasi divine où le gourou revêt le rôle du prophète éclairant ses disciples. Cependant, il ne s'agit pas de considérer les conseils du gourou comme des enseignements cristallisés par des phrases amenant à une réflexion générale sur le sens de la vie. L'efficacité, l'utilité et l'influence du gourou se mesurent justement à travers la précision quotidienne des conseils qu'il promulgue, à tel point qu'un contrat avec un partenaire indien consultant régulièrement son gourou, ne se signera qu'au jour et à l'heure déterminés comme bénéfiques par ce dernier. Jugées presqu'incompréhensibles par les occidentaux, ces pratiques servent finalement à « se prémunir contre les problèmes imprévisibles » explique l'auteur et mythologiste indien Devdutt Pattanaik.
Les indiens qui suivent l'enseignement d'un gourou sont, par ailleurs, dans une quête perpétuelle visant toujours l'approfondissement de la communion avec ce dernier. Le plus optimal étant bien sûr d'avoir recours à un gourou privé qui ne conseillera personne d'autre et pourra se focaliser sur la personnalisation et la justesse individuelle des enseignements qu'il transmet. Mais seuls les hommes d'affaires fortunés peuvent se permettre ce luxe en Inde.
L'ego des gourous indiens peut parfois sembler déroutant à l'œil de celui qui n'y est pas habitué. La certitude avec laquelle ils délivrent leur propos, l'absence de nuance et de remise en question ainsi que la violence verbale qui peut accompagner leur discours participent à l'établissement de leur influence mais peut également sembler extrême. Cette démarche illustre la volonté de briser rapidement un moule de pensée ou d'attitude sclérosant et limitant l'individu dans son apprentissage d'une existence consciente. Par exemple, les propos du gourou SwamiBoul sont régulièrement agrémentés d'insultes. Certains gourous jouent donc de la déconcertion qu'ils provoquent pour asseoir leur influence et gérer comme ils l'entendent des idées, des disciples, des propriétés, du capital et du pouvoir. Le gourou a donc le pouvoir qu'on lui accorde.
Mais les gourous ne sont pas dogmatiques. Ils peuvent même être considérés comme universalistes en ce qu'ils prônent la réconciliation des mœurs entre l'Orient et l'Occident, la tradition et la modernité, le monde et l'individu, le matériel et le spirituel ainsi que la tête et le cœur. Pour ce faire, les gourous suivent et appliquent un credo commun : la réponse aux problèmes du monde est individuelle et intérieure. Il s'agit donc de fusionner avec l'énergie divine qui est partout et en tout, grâce à la méditation ; le gourou se chargeant, quant à lui, de guider le chercheur spirituel sur cette voie à l'aide d'une technique brevetée dont il est seul dépositaire. Ces desseins de grande envergure ont conduit certains gourous indiens à accéder à une notoriété qui dépasse les frontières indiennes. C'est notamment le cas de Ravi Shankar, que le magasine Forbes désigna en 2010 comme cinquième personnalité la plus influente en Inde. Ravi Shankar propose des pratiques majoritairement fondées sur la respiration, sous le nom de « Sudarshan Kriya » pour lequel il possède même une marque déposée. Car si une torsion du sens originel du terme gourou a été opérée en Europe, cette dernière a tout de même été impulsée en Inde où le gourou est progressivement devenu un maître à penser dans des domaines plus triviaux tels que la danse ou le yoga.
Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur les rituels entourant la concertation d'un gourou, vous pouvez vous documenter sur le site de l'Ashram de Sri Aurobindo de Pondichéry. Le termeashram est employé pour désigner une institution animée par un gourou où des élèves séjournent pour suivre l'enseignement d'un maître. Dans ce cas-ci on pourra également employer le terme Gurukula (gourou : enseignement, professeur et kula : famille) pour se référer au groupe de ses élèves.
Par ailleurs, n'hésitez pas à vous rendre sur les pages de Krishnamurti et Mooji, qui, même s'ils refusent d'être considérés comme des gourous, délivrent des enseignements et des clés pour envisager l'existence différemment. Aucune foule ne leur est fidèle et libre à ceux qui les écoutent d'appliquer et de partager leur vision de la vie. Toutefois, leur enseignement constitue un exemple de qualité du type de connaissance qui peut être partagée entre un maître spirituel et un disciple.
Vous en savez désormais plus sur la coutume indienne qui consiste à développer une relation de maître à élève avec un gourou, et à quel point l'origine et l'usage d'une telle relation est éloignée de la conception biaisée qui nuit à l'image de l'enseignement des gourous en Europe, à cause des dérives comportementales que cette image a engendrée. L'heure est donc à la réhabilitation des gourous indiens, sans oublier que Gandhi fut l'un des plus grands gourous que l'Inde ait connu !
http://www.pondicherry-arts.com/fr/sita-espace-culturel/culture-ind...
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