Pour certains, solitude est synonyme de sérénité et de maturité. Pour d’autres, de tristesse et d’abandon… D’où vient cette inégalité face à la capacité d’être seul ?

© Jupiter

Pourquoi ?

La capacité à rester seul se construit dans l’enfance. Comme le rappelle Daniel Bailly, psychiatre, l’angoisse de séparation liée à l’absence de la mère est une donnée normale dans le développement de l’enfant. Elle présente un pic entre 8 et 11 mois, puis s’estompe.

Normalement, vers 18 mois, l’enfant comprend que sa mère, même s’il ne la voit pas, continue d’exister et qu’elle va revenir. En attendant son retour, il se console en pensant à elle. A condition qu’il ait pu nouer avec sa mère, « suffisamment bonne », une relation solide et sécurisante.

Selon les psychanalystes, ceux qui vivent mal la solitude ont souvent souffert de carences affectives précoces : soit par une séparation réelle d’avec la mère, vécue comme un traumatisme (voyage professionnel, hospitalisation) ; soit que cette mère ait été présente physiquement mais psychiquement absente, car prise dans des pensées dépressives ou anxieuses.

Le fait de se retrouver seul ravive alors la douleur de l’absence maternelle initiale. Ces adultes ont besoin que l’amour des autres leur soit rappelé physiquement pour y croire. En cas de blues, ils ne peuvent faire appel aux images intérieures bienveillantes de leurs parents, de leurs amis. Ils n’ont pas intériorisé le fait rassurant que l’on peut compter l’un pour l’autre, même séparé par les kilomètres.

Une relation difficile à la solitude peut être aussi liée à une phobie. « On se situe alors dans un registre névrotique moins invalidant », souligne le psychiatre Patrice Huerre. La difficulté à se retrouver seul est le résultat visible d’une autre peur qui n’est pas reconnue comme telle : la peur du silence, de l’obscurité, et surtout la peur de soi-même, de se retrouver face à son monde intérieur !

L’autre devient un objet « contra- phobique », qui rassure et permet de lutter contre l’angoisse, l’équivalent d’un « anxiolytique » en somme ! En sa présence, on évite de penser à ce qui nous fait peur, à nos désirs, nos craintes, nos fantasmes, etc.

Elle peut aussi être liée à des peurs objectives, à un traumatisme réel, même mineur (avoir été suivi par un inconnu dans un parking, harcelé au téléphone, importuné dans le métro…).

Une personne qui a été agressée aura peur que cela se reproduise et ne pourra rester seule. En conclusion, chacun supporte plus ou moins bien la solitude, et il nous arrive à tous de fuir le face-à-face avec nous-mêmes en s’étourdissant de monde.

L’important est de pouvoir alterner moments de solitude et moments de dépendance : c’est ce qui signe la maturité affective.

Que faire ?

Par Frédéric Fanget, psychothérapeute comportementaliste : Plonger dans son malaise
Prenez l’habitude de vous « observer » : analysez ce qui se passe, évaluez vos émotions et écrivez toutes les pensées négatives qui vous assaillent.

Fuir le problème ne sert à rien. Mieux vaut rechercher dans son passé les situations de solitude qui ont provoqué tristesse et angoisse. Il s’agit de repérer l’empreinte émotionnelle, le schéma cognitif ancien qui se répète dans le présent.

S’habituer progressivement
Obligez-vous à rester seul dans votre appartement pour y pratiquer une activité qui vous plaît : écouter votre morceau de jazz préféré, téléphoner, chanter, peindre… La solitude sera ainsi associée à une émotion positive.

Au début, quelques minutes de solitude suffisent. Il faut s’y habituer peu à peu, sinon, la phobie risque de se renforcer. Réussir à faire face plusieurs heures sans être submergé par l’angoisse redonne confiance et optimisme. Vous n’aurez plus ensuite qu’à tester d’autres situations « délicates », comme aller au cinéma ou partir en vacances seul.

Couple : moi, avec et sans toi

Selon Serge Hefez, thérapeute du couple, les partenaires se choisissent implicitement sur leurs capacités d’autonomie et de fusion. En thérapie, on travaille d’abord sur le « programme officiel » explicite du couple. L’un porte la plainte : « Il ne s’occupe pas de moi, je suis toujours seule. » L’autre fuit : « Elle m’étouffe, j’ai besoin d’air. »

Quand on passe aux processus inconscients, on s’aperçoit que l’un autant que l’autre est dépendant affectivement. L’intérêt est d’introduire un changement dans la relation, de trouver la bonne distance, ni trop symbiotique ni trop large. Alors, l’autonomisation de l’autre n’est plus vécue comme un abandon mais comme un lien de meilleure qualité.

Catherine Marchi - psychologue clinicienne

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Commentaire de Rigobert Montsegur le 13 Septembre 2014 à 8:48

Trés intéressante analyse, je partage ....!!

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